Mythe ou réalité ?

« Un enfant, une dent. » Vraiment ?

Pause vous éclaire sur les mythes qui entourent le domaine de la santé. — Jean Siag, La Presse

La croyance

Il s’agit d’une croyance populaire tenace. La naissance d’un enfant entraîne la perte d’une dent ou à tout le moins une carie.

La réalité

C’est faux, nous dit Rachel Beaudry, hygiéniste dentaire depuis 40 ans. « Quand j’ai commencé à travailler dans ce milieu, c’est sûr que les soins préventifs n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui. Ce qui pouvait effectivement entraîner des problèmes de gencives, des caries ou d’autres problèmes dentaires. On sait très bien qu’une femme enceinte a des changements hormonaux et des changements salivaires. Elles doivent donc porter une attention particulière à leurs soins dentaires, faire des nettoyages dentaires fréquents, en particulier entre les dents, ou recevoir des applications de fluorure. La consommation de calcium durant la grossesse est bonne pour l’ossature en général, mais elle n’aura pas d’effet sur une dent qui est déjà là. Elle pourrait avoir un effet sur une dent en formation, ce qui n’est évidemment pas le cas d’une femme enceinte. »

Recherche

Expliquer et prévenir la maladie d’Alzheimer

Au fil d’une carrière prestigieuse en France, le neurologue Philippe Amouyel a participé à la découverte de nombreux gènes prédisposant à la maladie d’Alzheimer. Le chercheur, qui était de passage au Québec à la mi-octobre pour aider un organisme subventionnaire à évaluer des projets de recherche, vient de publier un livre, Le Guide anti-Alzheimer, pour rassurer ceux que des oublis plus fréquents inquiètent et expliquer comment prévenir les démences. La Presse l’a rencontré.

Pouvez-vous nous parler de votre spécialité, la génétique ?

Sur les 30 gènes de susceptibilité, entre 25 et 27 ont été découverts par notre étude depuis 2013. Avec ces gènes, on va pouvoir mieux comprendre la maladie et mieux stratifier les patients. Quand on aura des médicaments, ils fonctionneront probablement mieux pour certains sous-groupes des démences et de l’alzheimer.

N’y a-t-il pas déjà des médicaments anti-alzheimer, comme la mémantine ?

Nous avons quatre molécules qui agissent sur les symptômes. On sait qu’elles ne marchent pas pour tout le monde. En France, d’ailleurs, il y a eu un déremboursement de la mémantine par la commission qui évalue les bénéfices des médicaments.

Donc la France ne rembourse plus la mémantine, mais continue de rembourser l’homéopathie ?

Avec l’homéopathie, c’est très politique. Mais il y a une révision en cours du remboursement de l’homéopathie, justement.

Quand verrons-nous un médicament qui peut traiter la démence et l’alzheimer ?

Quand on fait le diagnostic en ce moment, la maladie a déjà fait des ravages pendant 30 ans. La récupération cognitive ne peut plus se faire. Alors il faut intervenir de cinq à dix ans plus tôt, avant l’apparition des symptômes.

Peut-on utiliser l’imagerie médicale ?

On étudie la taille des structures cérébrales, notamment de l’hippocampe, par résonance magnétique. Il semble capable de reprendre du volume après une atrophie, alors pour le moment, on ne peut pas s’en servir pour le dépistage. On travaille aussi à la mesure de la charge amyloïde cérébrale, une molécule associée à l’alzheimer. Pour le moment, il faut un prélèvement de liquide céphalorachidien, donc ce n’est pas utilisable de manière clinique.

Votre livre fait une liste des activités qui aident à prévenir l’alzheimer.

L’important, c’est la stimulation cérébrale. Pas besoin d’avoir fait un doctorat pour commencer le jardinage, le tricot, le bricolage, les voyages, à n’importe quel moment de la vie. Un régime alimentaire méditerranéen aide aussi. Et les exercices cognitifs comme le calcul mental, essayer de retenir la liste d’épicerie – parce que la mémoire, ça se travaille, ce n’est pas inné. Vous choisissez ce que vous avez envie de faire. Les gens ont parfois l’impression que si on ne souffre pas, c’est moins efficace, mais ce n’est pas le cas.

Justement, avec les téléphones intelligents, on a moins tendance à calculer, à retenir le numéro de téléphone de ses amis ou à lire une carte pour s’orienter. Une étude a montré que les chauffeurs de taxi qui utilisent une carte GPS plutôt que leur mémoire utilisent moins leurs capacités cognitives.

L’étude sur les cartes portait sur des chauffeurs de taxi à Londres, qui doivent faire un test extrêmement exigeant. Je pense qu’on pourrait contrer qu’avec les cartes sur le téléphone, on peut plus facilement s’orienter et aller voir des amis à l’autre bout de la ville. Pour ce qui est de la mémorisation des numéros de téléphone, ce n’est pas très structurant. Et le temps passé à consommer des vidéos sur son téléphone portable gruge le temps passé passivement devant la télé.

Vous évoquez aussi l’impact négatif de la retraite précoce.

Chaque année de travail de plus diminue de 3 % le risque d’alzheimer. Les relations sociales stimulent le cerveau. Quand on passe sept ou huit heures par jour au boulot, on a beaucoup de relations sociales, bonnes ou mauvaises. C’est difficile de remplacer ça par autant de bénévolat, surtout que le bénévolat est moins bénéfique parce qu’un travail rémunéré met plus de pression. En France, on dit que ce qui est gratuit n’a pas de valeur.

Le quatrième Congrès québécois sur la maladie d’Alzheimer se tient au Sheraton de Laval de demain à vendredi.

30 % Diminution du risque de démence chez les participants de l’étude Finger, en Finlande, qui suivaient un programme nutritionnel et d’exercice physique et cognitif pendant deux ans, au début de la soixantaine

Source : Lancet

Le Guide anti-Alzheimer

Philippe Amouyel

Le Cherche Midi

208 pages

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