Cancer

Les coûts insoupçonnés de la maladie

Quand l’oncologue lui a parlé de traitements coûtant 2800 $ pour son cancer du sein, non remboursés par le gouvernement, Marie-Claude Gagnon a demandé comment elle allait pouvoir payer une telle somme. « Mettez ça sur votre carte de crédit, madame », lui a répondu son médecin.

C’est de cette façon que la jeune mère de trois enfants, qui travaillait dans le milieu communautaire, s’est retrouvée endettée, et angoissée au sujet de la situation financière de sa famille, au moment même où elle devait consacrer toutes ses énergies à combattre la maladie.

« Mes revenus ont baissé parce que je ne pouvais pas travailler, mais les dépenses ont augmenté, à cause des médicaments qui ne sont pas couverts », raconte Mme Gagnon, au sujet du cancer qui l’a frappée en 2011. « Mon niveau d’endettement a beaucoup augmenté. Il m’a fallu un an et demi pour revenir à une situation financière à peu près normale après la maladie. »

UNE ANNÉE DE CANCER : 19 000 $

Comme elle, bien des personnes atteintes de maladies graves voient leur santé financière se détériorer. Selon une étude de la Coalition Priorité Cancer, chaque foyer doit assumer des pertes d’environ 19 000 $ au bout d’une année de lutte contre la maladie. Les arrêts de travail du malade et de ses proches, les dépenses de transport et de médicaments et la location de matériel adapté coûtent cher.

« Certains médicaments, par exemple pour réduire les effets secondaires de la chimiothérapie, ne sont pas couverts par le régime public. Les médecins les prescrivent seulement aux malades qui ont les moyens de se les payer », dénonce l’économiste Pierre Boucher, auteur de l’étude de la Coalition priorité cancer.

Plusieurs malades n’ont d’autre choix que de recourir au crédit, ce qui les laisse endettés, en plus d’être affaiblis, quand ils réussissent à s’en sortir. Les groupes de défense des malades déplorent le manque d’aide financière pour ceux qui n’ont pas la chance d’avoir une assurance collective au travail (45 % des travailleurs). Dans ces situations, les malades n’ont accès qu’à des prestations d’assurance-emploi (55 % du salaire, jusqu’à un maximum de 514 $ par semaine) pendant 15 semaines. Quant aux travailleurs autonomes, ils n’ont généralement pas accès à ces prestations en cas de maladie, à moins qu’ils ne se soient inscrits expressément au programme d’assurance-emploi.

« Pour un cancer, on a minimalement besoin d’un an d’arrêt. Alors 15 semaines, ce n’est vraiment pas assez. »

— Marie-Claude Gagnon, qui a été frappée d'un cancer en 2011

« Les traitements de chimiothérapie sont très durs pour le corps. Il faut du temps pour s’en remettre. Si on retourne au travail trop tôt, on risque de retomber malade. »

Elle-même a pu toucher une assurance salaire pendant sa maladie. Mais parce qu’elle combinait deux emplois à temps partiel, un seul de ses deux postes lui donnait droit à des prestations d’invalidité. « Au total, ça représentait 45 % seulement de mes revenus », dit-elle.

LES PROCHES TRÈS SOLLICITÉS

Pas facile, dans ces circonstances, de faire face aux obligations familiales. « Ça occasionne beaucoup de stress pour le conjoint, qui voudrait travailler plus pour compenser la perte de revenu, tout en sachant qu’on a aussi besoin de lui à la maison, poursuit la jeune femme. Et comme c’est aussi très difficile pour les enfants, on ne veut pas trop couper dans leurs activités préférées, les cours et les sports qui leur permettent de se changer les idées. »

Heureusement, Mme Gagnon et sa famille ont pu avoir de l’aide de leur famille et également de la Fondation Kelly Shires, de la Fondation du cancer du sein du Québec. 

Marie-Hélène Tanguay, elle, a dû organiser un spectacle-bénéfice avec des amis musiciens, alors qu’elle était aux prises avec un lymphome hodgkinien, un cancer du système lymphatique, en 2011. Étudiante à l’université, la jeune femme de 32 ans souffre aussi de paralysie cérébrale, ce qui l’oblige à circuler en fauteuil roulant. « Quand je suis tombée malade, j’ai dû abandonner des cours, à cause de mes traitements, raconte-t-elle. Mais comme je ne respectais plus les critères du programme d’aide financière, on m’a demandé de rembourser 2900 $ que j’avais reçus en bourse. »

Étranglée par les frais de médicaments et de déplacements vers l’hôpital, l’étudiante n’était pas en mesure de payer cette somme. Affaiblie par les traitements, elle a dû se consacrer à la vente de billets. « Être malade, c’est un job à temps plein, souligne-t-elle. Toute ta vie s’arrête, tu dois solliciter de l’aide de tes proches, te concentrer sur tes traitements, bien te reposer. Mais certains malades doivent travailler pendant leurs traitements, parce qu’ils n’ont aucune ressource pour les aider financièrement. »

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