Opinion  Écofiscalité

Adapter la fiscalité municipale aux défis du XXIe siècle 

Le cadre fiscal municipal actuel ne permet pas de juguler la course au développement à laquelle nous assistons actuellement

Ce fut un rappel récurrent durant la campagne électorale : il faut réviser la fiscalité municipale. Les municipalités le réclament depuis des années, et tous les partis en ont parlé.

Comme les autres chefs, François Legault a d’ailleurs confirmé son ouverture à diversifier les sources de revenus des municipalités, notamment en leur allouant un point de TVQ. C’est une proposition qui mérite considération et que Vivre en Ville avance, depuis plusieurs années, comme élément d’une politique de développement urbain viable. 

Il est manifeste que les revenus autonomes des municipalités ne leur permettent actuellement pas de livrer l’ensemble des services dont elles sont responsables. Il n’est pas normal que tant de chantiers d’infrastructures locales, que ce soit un aqueduc, un centre communautaire ou un parc, soient flanqués d’un panneau du gouvernement du Québec ou du Canada qui nous rappellent qu’ils investissent dans notre qualité de vie. Leur multiplication indique que le besoin de soutien financier des municipalités n’est pas ponctuel, mais structurel. 

Mais la fiscalité n’est pas seulement une question d’argent et de comptes qui balancent – ou du moins, ça ne devrait pas être que cela. S’il faut, en effet, trouver une source de revenus récurrents pour éviter aux municipalités d’avoir à solliciter Québec ou Ottawa chaque fois qu’il y a une infrastructure à réparer, ce changement au cadre fiscal doit absolument s’accompagner d’un virage vers l’écofiscalité. 

Quatre principes clés

Vivre en Ville a proposé quatre principes clés pour une réforme fiscale et budgétaire responsable :

1. Assurer l’équilibre des finances publiques à long terme, en faisant en sorte que les revenus couvrent non seulement les obligations courantes, mais aussi les investissements requis. 

2. Assurer l’équité, en reflétant mieux le coût en services publics des choix des ménages et des entreprises. 

3. Internaliser les coûts du développement, en particulier les dommages environnementaux et les frais assumés par les ordres supérieurs de gouvernement. 

4. Être un levier du développement de collectivités viables, en encourageant les meilleures pratiques et en décourageant celles qui sont néfastes.

La réforme fiscale ne doit pas seulement viser à équilibrer à court terme les comptes des municipalités. Elle doit, en premier lieu, contribuer à orienter la croissance urbaine vers des formes viables, soutenables à long terme. 

En effet, le cadre fiscal municipal existant ne permet pas de juguler la course au développement à laquelle nous assistons actuellement, et qui met d’ailleurs les municipalités en concurrence. Comme l’Union des municipalités du Québec en faisait l’analyse en 2012, « l’étalement urbain peut paraître rentable fiscalement pour les municipalités en raison de l’expansion de l’assiette foncière et [du] faible coût d’entretien assumé à court terme pour les nouveaux développements » (Livre blanc municipal : l’avenir a un lieu). 

Une révision nécessaire

Tant que l’étalement urbain demeurera aussi « payant » sur le plan fiscal, les municipalités continueront d’ouvrir des espaces pour de nouveaux développements. Recevoir un point de TVQ ne les dissuadera pas d’élargir leur assiette foncière en s’étalant : elles vont tout simplement prendre les deux sources de revenus. 

Il faut donc, d’une part, fournir au palier municipal de nouvelles sources de revenus et, d’autre part, tarir celles, parmi les taxes actuelles, qui constituent un moteur de l’étalement urbain. 

Cette révision nécessaire est un important chantier qui ne devrait pas être précipité. La plus importante évolution du pacte financier entre l’État et les municipalités depuis la réforme Ryan, en 1991, ne doit pas se faire à la va-vite, mais au contraire en prenant le temps de bien en préciser les motifs et les attentes. La réforme vers l’écofiscalité doit notamment se réaliser à l’aune de la crise environnementale actuelle et constituer un des leviers de l’action contre les changements climatiques. C’est une question de responsabilité.

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