« Optimisation fiscale »

La Caisse au Luxembourg pour payer moins d’impôts

La Caisse de dépôt et placement détient plusieurs filiales dans le Grand-Duché à des fins d'optimisation fiscale. 

Il n’y a pas que les multinationales québécoises qui sont présentes au Luxembourg à des fins d’optimisation fiscale. L’une des principales sociétés d’État québécoises, la Caisse de dépôt et placement, y détient plusieurs filiales, a découvert La Presse Affaires.

Dans le registre des entreprises du Grand-Duché, on trouve au moins deux entités appartenant à la Caisse : CDP Capital EuroMezz et Invi Holding, qui ont été immatriculées en 2001 et en 2012 respectivement.

Selon des documents déposés auprès des autorités du pays, ces filiales sont liées à des investissements de la Caisse dans des fonds d’infrastructures britanniques gérés par les firmes Macquarie, Innisfree et Fairfield Energy. CDP Capital EuroMezz a aussi investi dans le véhicule financier qui a permis au détaillant américain Walgreens d’acquérir l’entreprise de distribution pharmaceutique britannique Alliance Boots, en 2007.

La filiale immobilière de la Caisse, Ivanhoé Cambridge, possède quant à elle plus de 10 entités au Luxembourg. Établies entre 2005 et 2012, celles-ci sont liées à des investissements dans des centres commerciaux situés en Allemagne, en Russie et en Chine.

« Comme tous les gestionnaires de fonds de retraite du pays, la Caisse est exempte d’impôts au Canada, a expliqué hier un porte-parole de l’institution, Maxime Chagnon. Ça part un peu du même principe qui sous-tend la décision des gouvernements de ne pas imposer les économies qui sont placées dans les REER. La Caisse bénéficie de cette exemption dans d’autres pays, mais pas dans tous les pays. La Caisse cherche donc à reproduire cette exemption d’impôts dans les autres pays pour faire fructifier l’argent de nos déposants, ce qui est évidemment dans l’intérêt de tous les Québécois. »

EN TOUTE LÉGALITÉ

La Caisse a assuré que ses transactions au Luxembourg étaient parfaitement légales. Elle n’a pas voulu donner plus de détails sur leur mécanique. Habituellement, les filiales luxembourgeoises permettent de structurer le financement d’acquisitions à l’étranger de façon à minimiser les impôts à payer.

Au moment de mettre sous presse, le ministre des Finances Carlos Leitao n’avait toujours pas réagi. Rappelons que mercredi, M. Leitao a demandé à Revenu Québec d’effectuer une vérification sur Bombardier, qui détient plusieurs filiales au Luxembourg.

Pour sa part, le député péquiste et ex-ministre des Finances, Nicolas Marceau, s’est dit « un peu surpris » par les pratiques de la Caisse, mais il a préféré se donner un moment de réflexion avant de prendre position.

Les autres grandes sociétés d’État québécoises, que ce soit Hydro-Québec, la SAQ ou Loto-Québec, n’ont pas de filiale au Luxembourg.

AUTRES RÉGIMES DE RETRAITE

Le mois dernier, le Consortium international des journalistes d’enquête (ICIJ) et la CBC ont rendu public un document de planification fiscale produit par le cabinet comptable PwC pour Investissements PSP, la société d’État établie à Montréal qui gère les régimes de retraite des employés fédéraux.

Selon la CBC, une série d’opérations financières effectuées par l’entremise de filiales luxembourgeoises a permis à PSP d’éviter des impôts de près de 20 millions en Allemagne lors de l’acquisition d’une soixantaine d’immeubles résidentiels à Berlin pour environ 390 millions, en 2008. PSP soutient toutefois n’avoir profité d’« aucun avantage fiscal significatif » dans le cadre de ces transactions.

Jusqu’ici, l’ICIJ a dévoilé des accords fiscaux avantageux conclus par près de 400 sociétés internationales avec le Luxembourg. Au Canada, seuls Bombardier et Investissements PSP ont été épinglés. La Presse Affaires a toutefois révélé hier qu’au moins 28 multinationales québécoises détiennent des filiales au Luxembourg, que ce soit ou non à des fins d’optimisation fiscale. Le plus grand investisseur institutionnel au Canada, l’Office d’investissement du Régime de pensions, en compte au moins deux.

Les arrangements fiscaux consentis par le Luxembourg ont permis à ce pays de 550 000 habitants de développer une industrie financière qui génère aujourd’hui près de 40 % de son produit intérieur brut. Les révélations de l’ICIJ ont toutefois incité les autres pays de l’Union européenne à accroître la pression sur le Luxembourg pour que celui-ci resserre ses pratiques fiscales.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.