PROVINCIALES 2018 OPINION

Résidence conditionnelle pour les immigrantS
Une mesure à la valeur purement symbolique

Si la CAQ formait le prochain gouvernement et imposait aux immigrants l’obligation de réussir avec succès des tests sur le respect des valeurs québécoises et de connaissance de la langue française, quelles seraient la valeur juridique et l’utilité sociale et économique de tels tests ? 

Les pouvoirs du Québec sur les immigrants qui aspirent à s’installer sur le territoire québécois de façon permanente sont régis par l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains de 1991. Selon l’article 12 a) de cet accord, le Canada reconnaît que le Québec est le seul responsable de la sélection des immigrants à destination du Québec. Quant au Québec, il reconnaît que le Canada est le seul responsable de l’admission des immigrants sur son territoire. Or, la sélection et l’admission sont des pouvoirs distincts. 

La sélection implique seulement le droit de choisir les immigrants. Ce choix, le Québec le fait à partir de critères contenus dans sa grille de sélection prescrite par règlement. Sur le plan administratif, le Québec indique ses choix en délivrant un certificat de sélection du Québec aux immigrants qu’il sélectionne. Sur réception du certificat, le gouvernement fédéral applique sa procédure d’admission qui consiste en une enquête portant, entre autres, sur les antécédents criminels et sur l’état de santé des étrangers souhaitant entrer sur le territoire canadien. 

À la suite de son enquête et lorsque le gouvernement fédéral est satisfait que l’immigrant sélectionné par le Québec ne pose pas un danger pour la santé ou la sécurité des Canadiens, il l’autorise à entrer sur le territoire avec un statut de résident permanent. Ce statut est exclusivement attribué par le gouvernement fédéral.

Lui seul peut l’accorder et lui seul peut le révoquer. En conséquence, si un gouvernement caquiste inscrivait au certificat de sélection d’un immigrant que sa résidence au Québec est conditionnelle à la réussite de tests, ces conditions n’auraient – au mieux – qu’une simple valeur symbolique. 

Bien sûr, le gouvernement québécois pourrait demander au gouvernement fédéral de changer ses lois et règlements pour conférer une valeur contraignante à ce type de condition. Mais cette demande serait accueillie avec un niet, clair et net, car le gouvernement fédéral n’a rien à gagner à accéder à une telle demande. Critiques acerbes et années de litige fondé sur la Charte canadienne. Voilà ce qui l’attend. 

Utilité sociale et économique douteuse 

Au-delà des revers devant les cours de justice, il importe aussi de savoir que le statut de résident permanent confère aux personnes qui en bénéficient la liberté d’établissement. Cette liberté fondamentale est reconnue par l’article 6 de la Charte canadienne et elle signifie qu’un résident permanent peut s’installer sur le territoire ou la province de son choix. Ni le gouvernement fédéral ni un gouvernement provincial ou territorial ne peut forcer un résident permanent à s’installer sur son territoire ou à le quitter. 

En conséquence, si le gouvernement du Québec impose des tests aux résidents permanents après leur arrivée sur le territoire, le risque qu’il court est de les perdre au profit d’une autre province ou d’un autre territoire. Après avoir autant investi de temps pour les sélectionner et les soutenir pour les aider à s’intégrer au Québec, pourquoi prendre ce risque ? Ne s’agirait-il pas là d’une mesure tout simplement contreproductive ?

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