Dans le cadre du centenaire de la relativité générale, Stéphane Durand, chercheur au Centre de recherches mathématiques de l’Université de Montréal et professeur de physique au cégep Édouard-Montpetit, présentera des conférences sur le sujet au planétarium de Montréal les 13 et 27 novembre prochains.

M. Gingras rappelle qu’Einstein a complètement revu des concepts aussi fondamentaux que le temps et l’espace, et deux fois plutôt qu’une. D’abord avec la relativité restreinte, en 1905, où il annonce que contrairement à tout ce que suggèrent nos sens, l’écoulement du temps peut ralentir, et l’espace peut se contracter. Einstein remet ça en 1915 avec la relativité générale et montre que la masse et l’énergie peuvent déformer l’espace et le temps. Et malgré l’importance de la relativité, Einstein a publié tellement d’autres travaux significatifs qu’il aurait été l’un des physiciens les plus importants de l’histoire même s’il n’avait pas écrit un mot sur cette théorie.

Yves Gingras, professeur d’histoire des sciences à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), a publié bon nombre d’articles scientifiques sur Einstein et ses méthodes de travail. Pour lui, le mot « génie » n’est pas trop fort.

« À l’époque de la relativité générale, plusieurs mathématiciens étaient capables de dépasser Einstein – mais à condition d’avoir les intuitions qu’Einstein leur donnait ! Le génie d’Einstein réside dans ses intuitions, dans sa capacité à jongler avec les concepts », dit-il.

Selon M. Gingras, Einstein était assez mauvais en calcul et se trompait souvent. « Lui, ce qui l’intéresse, ce sont les structures et les idées, précise-t-il. Pas les détails. »

Il a rencontré Charlie Chaplin, figuré six fois sur la couverture du Time Magazine, s’est fait offrir la présidence de l’État d’Israël. Albert Einstein a joui d’une célébrité inégalée pour un scientifique, même si sa théorie a toujours été largement incomprise du grand public. Pourquoi ? Selon Yves Gingras, le contexte historique y est pour beaucoup.

« D’abord, il faut comprendre qu’Einstein a détrôné Newton, et que Newton était l’incarnation du génie, dit l’historien. En plus, la preuve expérimentale de la relativité générale survient en 1919, juste après la guerre. Après la destruction et la barbarie, Einstein marque le retour de la pensée pure. Sur un plan symbolique, à l’époque, c’est absolument extraordinaire. »

Einstein a jeté les bases de la plupart de ses théories dans sa tête, mais ça ne veut pas dire qu’il travaillait toujours seul. Une fois ses intuitions trouvées, il devait les traduire en équations.

« Quand Einstein a voulu écrire les équations de la relativité générale, il a frappé un mur. Il a réalisé qu’il ne maîtrisait pas les mathématiques nécessaires », raconte Yves Gingras, de l’UQAM.

Il a alors fait appel à l’un de ses collègues et amis, le mathématicien hongrois Marcel Grossmann, qui a d’ailleurs cosigné certains des articles de la relativité générale publiés il y a 100 ans.

Un scientifique qui réfléchit seul dans son bureau, puis crie « eurêka ! » : cette caricature du scientifique ne correspond pratiquement jamais à la réalité… sauf dans le cas d’Albert Einstein. Oubliez les sarraus, les télescopes, les laboratoires : Einstein a élaboré la plupart de ses grandes théories par des « expériences de pensée ». Pour la relativité restreinte, le physicien s’est demandé ce qui arriverait s’il pourchassait un rayon lumineux à la même vitesse que lui. Et il a jeté les bases de la relativité générale en s’imaginant dans un ascenseur accélérant dans l’espace – une pensée qui l’a amené à réfléchir à la nature de la gravitation… et à la redéfinir complètement.

Année 1907. Einstein a élaboré les concepts de la relativité générale, mais peine à les traduire en équations. En Allemagne, pendant ce temps, le mathématicien David Hilbert suit le chemin inverse. Il développe des équations mathématiques, puis commence à s’intéresser à la physique pour voir ce qu’elles pourraient décrire. Hilbert pond une théorie de la relativité générale qu’il soumet pour publication en novembre 1915, pratiquement en même temps qu’Einstein. Les historiens ont longtemps débattu à savoir si les deux découvertes étaient indépendantes. Selon Yves Gingras, de l’UQAM, les épreuves d’Hilbert, découvertes récemment, tendent à montrer qu’Hilbert aurait modifié ses équations après avoir assisté à une conférence d’Einstein, ce qui ferait de ce dernier le véritable père de la relativité générale.