CONFÉRENCE À L’UQAM

L’envers du tourisme vert

Marcher au sein des montagnes népalaises. Observer les baleines à partir d’un kayak sur le Saint-Laurent. Voilà des exemples parfaits d’écotourisme, n’est-ce pas ?

Pas si vite. Ces activités ne sont pas nécessairement aussi écologiques qu’on pourrait le penser.

Le Cœur des sciences, le centre culturel scientifique de l’UQAM, organise demain soir une conférence sur le thème « L’écotourisme est-il vraiment éco ? ». Les cinq conférenciers, des universitaires, des biologistes et des représentants de l’industrie du voyage d’aventure, se pencheront sur l’envers du tourisme vert.

« Ce n’est pas parce qu’on va dans un milieu naturel qu’on est forcément écologique », affirme l’un des conférenciers, Alain-Adrien Grenier, professeur au département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM, dans une entrevue téléphonique avec La Presse.

Il donne l’exemple d’une balade en kayak sur le Saint-Laurent pour observer les baleines. « Par rapport à un navire motorisé, le kayak est davantage écologique, indique-t-il. Mais si je prends mon kayak pour m’approcher des baleines et que je les dérange au moment où elles se nourrissent, ça vient les perturber, c’est du harcèlement. »

Le tourisme « vert » est de plus en plus populaire, ce qui peut entraîner des conséquences négatives sur les milieux naturels.

« Plusieurs milieux touristiques, notamment dans les pays en voie de développement, ont constaté les dégâts que le tourisme de masse a engendrés dans les stations balnéaires, raconte M. Grenier. Ils ont voulu attirer plutôt les clients vers leur nature, loin de la plage. Mais ils ne se rendent pas compte qu’ils vont détériorer leur nature, comme le milieu balnéaire a été détérioré. Nous sommes en train d’observer une massification du tourisme de nature au nom de l’écotourisme, et ça, ce n’est pas bon. »

Richard Remy, fondateur de l’agence de voyages d’aventures Karavaniers, a déjà constaté des dégâts le long du sentier qui va au camp de base de l’Everest. À l’auberge, le soir, les touristes veulent prendre une douche chaude et ne vérifient pas si on chauffe l’eau avec du bois prélevé sur place ou avec du kérosène.

« La forêt est rendue à 15 km alors qu’elle était à la porte il n’y a pas longtemps. Les gens locaux doivent maintenant marcher trois heures pour se rendre à la forêt parce que les touristes veulent de l’eau chaude. »

— Richard Remy, fondateur de l’agence de voyages d’aventures Karavaniers, à propos de la forêt près du camp de base de l'Everest

Les dommages ne se retrouvent pas seulement sur le plan de l’environnement, mais également sur les plans social et économique.

M. Remy a ainsi observé le comportement cavalier de certains géants du tourisme qui réduisent les prix et paient des salaires ridicules aux employés locaux, comme les porteurs. À la fin de l’année, ils se vantent de réinvestir dans les communautés locales, par exemple en creusant un puits.

« Quand tu donnes de l’argent à une communauté, c’est peut-être que tu en prends trop au départ », déclare-t-il.

M. Grenier reconnaît le besoin d’aller se ressourcer dans la nature. « C’est nécessaire dans notre vie moderne, soutient-il. Et si on demande aux gens de préserver quelque chose, il faut bien leur montrer pourquoi il faut protéger ces environnements-là et les amener sur place. »

La solution, c’est d’encadrer ce contact avec la nature. Il faut restreindre les activités, les types de comportements. Ce n’est pas toujours facile, surtout dans les pays en voie de développement, indique M. Grenier. Les employés locaux, relativement peu payés, comptent sur les pourboires, et donc sur la satisfaction des clients, pour arrondir les fins de mois. Demeurer à bonne distance des sites d’intérêt ou des animaux, ce n’est pas très populaire auprès des touristes.

« L’écotourisme est-il vraiment éco ? »

Agora Hydro-Québec, pavillon Cœur des sciences de l’UQAM. Demain, 18 h

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