Opinion Risques de famine

Un symptôme de notre manque d’humanité

700 mots pour expliquer l’inexplicable, à savoir qu’une partie de l’humanité, à l’ère d’une éventuelle mission sur Mars, meurt de faim. En effet, pour une première fois de notre histoire, 20 millions de personnes dans 4 pays différents sont menacées par la faim. Les histoires de la Somalie, du Soudan du Sud, du Nigeria et du Yémen sont certes bien différentes, mais la conséquence ultime similaire : la famine. Il faut malheureusement attendre les images larmoyantes, mais bien réelles d’enfants squelettiques pour voir enfin les Occidentaux lever leurs yeux de leurs téléphones prétendument intelligents. À ce stade, il est souvent trop tard.

Si les causes sont complexes, les famines pernicieuses sont souvent dans l’ombre des drames de la guerre. En effet, il est généralement admis qu’il ne s’agit jamais uniquement d’une question de disponibilité de ressources alimentaires. Autrement dit, l’insécurité créée par les conflits force les paysans à quitter leur lopin de terre, à vendre ou se débarrasser de leur bétail et à se réfugier là où leur vie est moins menacée. Incapables de pouvoir s’autosuffire, les populations sont forcées de dépendre de l’aide alimentaire internationale. C’est ce qui se produit actuellement pour plus de 20 millions de personnes du Sud-Soudan, du Yémen, de la Somalie, et du Nigéria, notamment.

Répétons-le : si une solution simple existait, elle aurait été appliquée depuis longtemps. Les initiatives irresponsables de noliser des avions remplis de nourriture démontrent d’ailleurs la méconnaissance de la complexité du terrain. Toutefois, la perte de confiance et les critiques envers les organisations humanitaires ne sont pas non plus fondées. 

Certes perfectible, le système humanitaire est l’unique canal qui permet de protéger et de soigner une partie des populations prises en otage dans ces contextes. Si l’on souhaite aider, il faut donc soutenir les organisations humanitaires professionnelles.

Ainsi, une amorce de réponse se présente à chacun de nous. Notre isolement nous amène parfois à oublier que nous vivons dans un monde interconnecté. Nos choix politiques et notre surconsommation ont un impact direct sur les différents théâtres présentés ici, qui exposent et expliquent les inégalités de notre planète. Cette insonorisation géographique produit de l’indifférence, cancer des démocraties occidentales. Pour lutter contre ce fléau, les organisations humanitaires, les États, les médias et le milieu académique ont une responsabilité fondamentale de mettre en lumière ces contextes et de sensibiliser l’opinion publique pour faire le bruit nécessaire afin que nos décideurs prennent le leadership qui leur revient.

Une autre amorce de réponse se présente justement à notre gouvernement qui plie actuellement l’échine devant la nouvelle administration américaine. Pour éviter de froisser notre voisin, le gouvernement canadien a mis sur la glace la nouvelle politique d’aide canadienne qui devait être publiée en décembre dernier ainsi que notre plan de réinvestissement dans les missions de paix an Afrique de l’Ouest. 

Même si le Canada reste une puissance moyenne, l’absence d’un plan politique clair pour soutenir les populations victimes de ces crises est simplement irresponsable.

Une autre partie de la solution passe par la négociation humanitaire. Les situations de conflit nuisent ou empêchent l’accès aux populations dans le besoin. Les organisations doivent donc négocier avec les belligérants au risque de leur vie. La négociation humanitaire est au cœur du travail des organisations sur le terrain pour accéder aux populations civiles. Malheureusement, ici aussi, notre gouvernement est récemment passé à côté d’une initiative canadienne novatrice pour soutenir le Centre de Compétence en négociation humanitaire de Genève.

Enfin, une dernière amorce de réponse se présente dans l’amélioration de nos connaissances. La recherche doit favoriser l’émergence d’analyse plus fine et l’identification de meilleures pratiques. Comme dans bon nombre d’autres domaines, l’innovation et les données probantes doivent être les moteurs des décisions.

En somme, il reste beaucoup à faire pour comprendre et répondre aux problématiques humanitaires causant les famines. Mais la véritable invraisemblance est qu’une partie du monde souffre d’obésité et de surconsommation, et que l’autre meurt de faim. À ce stade de notre évolution, il serait lucide de convenir que la famine est un symptôme de notre manque d’humanité.

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