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Les 10 leçons d’écriture d’Aaron Sorkin

Aaron Sorkin connaît deux ou trois choses sur l’écriture. La série-culte The West Wing, c’est lui. The Newsroom aussi. Au cinéma, on lui doit le puissant texte d’A Few Good Men ainsi que les scénarios des films Steve Jobs et The Social Network. À l’ère des conférences TED, Sorkin propose un cours d’écriture qu’on peut suivre en ligne. Notre journaliste y a assisté et en a tiré 10 leçons.

1. Pour construire un bon personnage, il faut se concentrer sur sa motivation et sur les obstacles qu’il doit affronter pour arriver à son but, estime Aaron Sorkin. Dans The Social Network, qui raconte l’histoire des débuts de Facebook, le scénariste est parti d’une seule chose : le billet de blogue de Mark Zuckerberg, alors étudiant, rédigé sous le coup de la colère après un rendez-vous galant qui s’est terminé en queue de poisson. Le jeune homme veut se venger de sa collègue d’université qui l’a rejeté en créant un site internet où les étudiants de Harvard pourront comparer les filles à des animaux de ferme. « Pour écrire le scénario, explique Sorkin, j’ai reculé dans le temps et imaginé la scène qui venait juste avant, et à laquelle on peut tous s’identifier. Que veut Zuckerberg au fond ? Il veut être accepté. Il finira par construire une vie sociale dont il sera en quelque sorte le maire… »

2. « Il faut sympathiser avec nos personnages même s’ils ne sont pas comme nous, insiste Aaron Sorkin. Il faut aussi aimer les antihéros. Dans A Few Good Men, le personnage interprété par Jack Nicholson est un sociopathe et je ne suis pas d’accord avec ce qu’il dit, mais je ne le juge pas, sinon ça paraîtrait. »

3. Pour écrire un bon scénario, il faut lire beaucoup de scénarios et regarder beaucoup de films, affirme Aaron Sorkin. Il faut également respecter des règles. Ce n’est pas vrai qu’on s’assoit devant un ordinateur et que la créativité jaillit. « Ça, c’est vrai pour la peinture aux doigts », lance Aaron Sorkin, sourire en coin. Pour l’écriture comme pour le sport, d’ailleurs, il y a des règles à respecter quand on écrit un scénario.

4. Aaron Sorkin affirme que c’est le scénariste d’All the President’s Men, William Goldman, qui lui a tout appris.

5. Si c’est un lieu qui attire un scénariste – une salle de nouvelles, un restaurant, la Maison-Blanche –, alors celui-ci doit écrire une série télé, pas un film.

6. « Quand je signe un contrat, je dis que je vais livrer mon scénario dans 12 semaines, mais tout le monde sait que c’est faux, explique-t-il. Je vais passer de 18 à 24 mois sur le projet. Et au début, je n’écrirai pas : ce ne sera que souffrance. Des fois, pour chercher l’inspiration, je monte dans ma voiture, j’emprunte la 505 [autoroute dans le sud de la Californie] et je roule en ligne droite en écoutant la musique que j’écoutais au secondaire. » Le scénariste explique qu’il attend d’avoir terminé d’écrire une première version avant de retravailler son texte. « Il faut être capable de tuer ses chéris, de reconnaître que certains personnages, certaines scènes ne sont pas indispensables à l’histoire. »

7. Le scénario du film The American President [mettant en vedette Michael Douglas] comptait 385 pages ( !). « Je l’ai livré dans des sacs d’épicerie, raconte Sorkin. Pourquoi était-il si long ? Parce que je suis tombé amoureux du son de ma voix [rires]. Le réalisateur Rob Reiner l’a lu et m’a dit : “Concentrons-nous sur l’histoire entre le président et la lobbyiste [interprétée par Annette Bening] et coupons le reste.” Les parties qui ont été coupées sont devenues les premières idées pour la série The West Wing… »

8. « Écrire des dialogues captivants, c’est ce qui s’enseigne le moins, juge Aaron Sorkin. C’est très personnel. C’est une musique avec un rythme, des portées, etc. Il ne faut pas que ça sonne comme des gens qui parlent à la télévision. »

9. J’aimerais reprendre chaque texte que j’ai écrit et le retravailler. Spécialement The Newsroom. Je n’ai jamais été à l’aise en écrivant cette série, avoue Aaron Sorkin. C’était comme un caillou dans ma chaussure. Je pouvais écrire une bonne scène ou deux, presque un bon épisode, mais je n’ai jamais réussi à écrire le genre d’épisodes que je croyais pouvoir écrire… »

10. « L’angoisse de la page blanche, c’est mon état naturel, affirme Aaron Sorkin. Cela fait longtemps que j’écris, et encore aujourd’hui, il arrive que j’écrive comme si j’étais quelqu’un d’autre parce que je crois que c’est ce qu’on attend de moi. C’est très important d’être soi-même quand on écrit. Il faut trouver sa voix. »

Le cours d’Aaron Sorkin

Le scénariste à succès Aaron Sorkin donne un cours d’écriture en ligne divisé en 35 vidéos. Pour 90 $ US, on peut l’écouter expliquer son travail, analyser des scènes, prodiguer des conseils. Son cours comprend également huit ateliers de groupe dans lesquels il critique des scénarios soumis par des étudiants, un cahier de notes et une série d’exercices.

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