le bizarre incident du chien pendant la nuit

Un peu Méliès, un peu Houdini...

Fin XIXe, début XXe siècle. Hugo Bélanger nage dans cette époque comme un poisson dans l’eau, comme Pinocchio dans sa baleine ou comme Alice au pays des merveilles. Même si Le bizarre incident du chien pendant la nuit est une pièce contemporaine, on sent le même œil et le même imaginaire éclaté du même metteur en scène. La Presse a suivi son travail en répétition.

La Presse a assisté à des répétitions de la pièce Le bizarre incident du chien pendant la nuit. Incursion dans l’univers éclaté du metteur en scène Hugo Bélanger.

Chez Duceppe du 11 avril au 19 mai

Le bizarre incident du chien pendant la nuit

Le jeu

Mieux vaut arriver sur un plateau d’Hugo Bélanger en sachant son texte. Même s’il se pratique dans la bonne humeur, son théâtre physique demande des préalables précis.

« Je crois beaucoup au jeu du corps dans l’espace. Avec un texte dans les mains, ce n’est pas très vivant. Ce que je fais est très chorégraphié. On place une base du spectacle assez vite et, en parallèle, on travaille les personnages et le jeu. Avec les rôles principaux, on va plus en profondeur, tandis qu’avec les personnages secondaires, on crée plutôt l’univers de la pièce. Ce sont eux qui font tout apparaître, comme dans Le tour du monde en 80 jours. »

Le bizarre incident du chien pendant la nuit, du Britannique Simon Stephens, traduit par Maryse Warda, suit l’enquête de Christopher (Sébastien René), atteint du syndrome d’Asperger, qui veut découvrir ce qui est arrivé au chien de sa voisine, tué d’un coup de fourche. Le metteur en scène est retourné au roman de départ, de Mark Haddon, pour inclure des éléments qui n’étaient pas dans la version de Stephens.

À notre première présence, à trois semaines de la première, il avait demandé aux acteurs d’enchaîner la première partie du spectacle sans s’arrêter pour un trou de mémoire et sans « performer ». Mais l’intensité de Normand D’Amour (le père de Christopher) faisait déjà décoller la peinture sur les murs !

« Les scènes de Normand sont très fortes. Plus je coince les acteurs dans un cadre serré au début, plus ils vont trouver rapidement la liberté pour jouer dedans. Dans cette distribution, il y avait un équilibre à trouver. Ceux qui ont l’habitude de travailler avec moi comprenaient très vite, mais les autres devaient apprivoiser ce travail qui peut paraître étrange. Je dis toujours qu’il faut jouer “entre”, pas “gros”. Il faut que ça vienne de la vérité intérieure pour arriver au corps. Je ne suis pas dans le théâtre psychologique ni en télé. »

Le bizarre incident du chien pendant la nuit

La technique

Hugo Bélanger affectionne les mises en scène comportant beaucoup de personnages, de changements de décors, de costumes et de mouvements sur scène. Un travail très physique.

« C’est comme un musicien qui travaille ses gammes, dit-il. Il peut ramener son interprétation à l’avant-plan quand il a une bonne technique. C’est un travail très précis, mais payant au bout du compte. »

Vidéos, lignes et graphiques tracés au sol et sur écran, cubes amovibles et trappes au sol… Une mise en scène d’Hugo Bélanger « dit » le texte de mille et une façons.

« Des effets pour des effets, ça ne vaut rien. Le but n’est pas de faire dans le figuratif, mais d’exprimer l’univers particulier de Christopher. Ce n’est pas un cadre ni un décor réaliste. Je n’utilise jamais la vidéo pour faire du cinéma sur scène. Tout reste très théâtral. Il y a beaucoup de lieux et 60 scènes, on ne peut pas changer les décors. On voit le monde comme Christopher le voit. Par exemple, Londres ne ressemble pas à ce qu’on voit sur scène, mais pour quelqu’un qui est Asperger, ça peut ressembler à ce qu’on ressent en débarquant à Times Square. »

Le bizarre incident du chien pendant la nuit

La signature

Un peu Méliès (les premiers trucages au cinéma) et un peu Houdini, on reconnaît le travail d’Hugo Bélanger à la magie qu’il sait créer avec deux ou trois fois rien. Dans Le bizarre incident…, même un certain humour apparaît quand on s’y attend le moins.

« C’est comme dans Le tour du monde en 80 jours, on a fait tout le show avec quelques caisses et autres trucs. Les spectateurs pensaient que le monde tournait, mais il ne tournait pas. C’est ça, la force du théâtre : amener les gens ailleurs. Ici, avec la même disposition de cubes surélevés, on fait trois ou quatre lieux différents. Je crois beaucoup dans le jeu du théâtre qui se transforme devant nos yeux. »

Exigeant, Hugo Bélanger ? 

« Je travaille jusqu’à la fin d’un spectacle. Je n’arrête pas à la première. J’aime les acteurs qui cherchent constamment à évoluer, même s’ils me taquinent parfois en disant “pourquoi faire simple quand on peut faire Bélanger”. Ce qu’on fait est difficile, mais le public ne voit rien de ça. Il doit avoir l’impression que c’est facile. Quand on voit une ballerine, il ne faut pas penser que c’est douloureux de faire des pointes. C’est ça, le défi. Mais on travaille fort en maudit. Notre devise, c’est rigueur et plaisir ! »

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