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Où sont les femmes dans Wikipédia ?

Il n’y a pas que dans la société que les femmes sont sous-représentées. Dans Wikipédia aussi. L’encyclopédie virtuelle lance donc un appel à tous pour renverser la vapeur.

En effet, on compte moins d’éditrices que d’éditeurs dans la célèbre encyclopédie virtuelle fondée en 2001. Elles ne représenteraient que 8 à 16 % des collaborateurs (on compte 17 813 collaborateurs réguliers en français contre environ 143 000 en anglais).

Le portrait type du Wikipédien est celui d’un homme blanc, occidental, âgé de 18 à 49 ans.

Ce profil a bien entendu une influence sur le contenu : les biographies sur Wikipédia sont en majorité masculines et les femmes sont souvent des sous-articles sur la page de leur mari.

En avril 2013, l’écrivaine franco-américaine Amanda Filipacchi publiait à ce sujet une lettre dans les pages du New York Times. L’auteure de quatre romans y dénonçait le fait que les femmes écrivaines avaient été retirées de la page consacrée aux écrivains américains pour figurer dans une sous-catégorie, celle des écrivaines, une décision qu’elle jugeait carrément sexiste.

UN VRAI PROBLÈME

Wikipédia ne s’en cache pas, il y a un problème. L’encyclopédie y consacre d’ailleurs une page, intitulée « Wikipedia gender bias ». On y énumère plusieurs raisons qui expliqueraient l’absence de collaboratrices, par exemple la culture toxique et le langage abusif et agressant qu’on retrouve sur le site, un peu comme sur le web en général.

Les femmes sondées par la Fondation Wikimédia répondent qu’elles n’aiment pas les conflits, mais aussi qu’elles manquent de temps pour rédiger des pages et qu’elles trouvent l’interface d’édition difficile à utiliser.

« Le faible nombre de femmes est un réel problème. »

— Benoit Rochon, membre du conseil d’administration de Wikimédia Canada et collaborateur depuis 2003

« Le recrutement des femmes est une difficulté que je m’explique mal, ajoute celui qui compte 867 pages à son actif. Je donne des formations Wikipédia à la Bibliothèque des archives nationales et il y a toujours autant sinon plus de femmes que d’hommes qui y participent. »

« C’est grave, cette sous-représentation, estime pour sa part Catherine Mathys, journaliste spécialisée en nouvelles technologies et collaboratrice à l’émission La sphère sur les ondes d’ICI Radio-Canada Première. C’est grave parce que Wikipédia est devenu une référence au même titre qu’une encyclopédie classique. Des millions de visiteurs la consultent chaque mois (9 milliards de pages vues en anglais, 850 millions de pages vues en français). Siri et Google s’y réfèrent. Dans ce contexte, on présente une vision déséquilibrée et faussée du monde. »

ATTIRER PLUS DE FEMMES

Jusqu’au 31 mars prochain, Wikipédia fait donc appel à la participation du public pour soumettre des projets qui attireraient davantage de femmes. La fondation qui soutient Wikipédia offre même de participer au financement des événements, une petite somme qui permet habituellement d’offrir le café et un service de garderie. L’objectif de cette campagne, baptisée Inspire : atteindre une représentation de 25 % de femmes.

Amber Berson a répondu à l’appel. Le 8 mars dernier, cette historienne de l’art de Montréal organisait une activité dans le cadre du projet Art + Feminism qui se tenait dans plusieurs lieux du monde, dont le Musée d’art moderne de New York (MoMA).

Le volet montréalais – qui avait lieu à l’Université Concordia – visait à consulter la banque d’archives d’artistes canadiennes en arts visuels qui œuvraient avant la Seconde Guerre mondiale et dont les biographies ne sont pas encore en ligne.

« La journée a attiré une quarantaine de personnes et 27 d’entre elles ont laissé leurs coordonnées, explique la chercheuse. C’était la seconde fois qu’on organisait l’activité. L’an dernier, on avait créé des pages, mais cette année, les gens cherchaient plutôt à connaître les causes de la sous-représentation des femmes. »

Benoit Rochon était présent à cette journée. Au fil des ans, il a créé plusieurs pages consacrées à des femmes, par intérêt personnel plutôt que par conviction. « Un soir, j’ai été particulièrement touché par le jeu de l’actrice Ève Landry dans Unité 9, raconte-t-il. Je suis allé créer sa page après l’émission. Ces jours-ci, je travaille à celle de Paule Beaugrand-Champagne, car j’ai étudié en journalisme et, pour moi, c’est une figure importante du journalisme québécois. »

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