Éditorial : Soins à domicile

Retour sur terre

La santé est comme un boulet que se passent les gouvernements. Après leur élection, elle les ramène sur terre, plus vite et plus brutalement que prévu.

On en a eu la preuve dans les dernières semaines avec les aînés et les soins à domicile. Il y a eu des cas de maltraitance en CHSLD, de terribles drames (mort par hypothermie de la mère de Gilles Duceppe) et des compressions inopinées dans les services.

Pour les cas particuliers, on ne veut pas nourrir la dérive partisane qui rend la ministre de la Santé responsable de chaque cas. Cela incite à la microgestion et aux décisions impulsives qui visent avant tout à donner l’impression d’agir, que cela soit utile ou non.

Mais pour les grands engagements du gouvernement caquiste, par contre, la réalité rattrape la ministre. C’est le cas avec les soins à domicile.

Peu après sa nomination, Mme McCann a demandé aux établissements d’inventorier les besoins en nombre de patients et en heures. Étonnamment, c’était la première fois qu’un ministre le demandait. Il s’agit d’estimations, qui n’ont pas encore été validées par le ministère de la Santé. Notre collègue Tommy Chouinard les a rapportées la semaine dernière. Le résultat ne rassure pas : pour répondre aux besoins, il manquerait 64 millions de dollars d’ici la fin de l’année financière 2018-2019, auxquels 213 millions additionnels s’ajouteront pour 2019-2020, pour un total de 277 millions.

Alors que les besoins augmentent, les moyens diminuent. Un exemple: en décembre dernier, La Presse annonçait que les heures de soins seraient réduites au CIUSSS du Nord-de-l'Île-de-Montréal (le gouvernement caquiste assure qu’à la suite de son intervention, les soins y augmenteront finalement).

Le gouvernement caquiste s’est engagé à investir 200 millions de dollars de plus dans les soins à domicile. Une bonne partie des besoins pourrait ainsi être comblée. N’empêche que plusieurs indices portent à croire qu’il manquera des fonds. D’abord, ces 200 millions sont inférieurs à l’évaluation des besoins. Ensuite, cette évaluation repose sur des données parfois désuètes – près du quart des plans d’intervention des patients ne sont pas à jour. Les soins à domicile peuvent paraître coûteux, mais comparativement aux CHSLD, ils demeureront toujours moins chers pour l'État et plus agréables pour le patient.

Le gouvernement Couillard a laissé des finances publiques en ordre. Pour les services publics, par contre, c’est autre chose. En 2015, les libéraux avaient promis d’augmenter de 15 % le nombre de gens qui reçoivent des soins à domicile. Mais selon le plus récent bilan (2017), la hausse n’a été que de 1,7 %*.

La semaine dernière, le gouvernement caquiste a lancé ses premiers appels d’offres pour ses maisons des aînés, sa version améliorée des CHSLD. On ne lui reprochera pas de préparer l’avenir. Mais il semble encore pris dans la continuation de sa campagne électorale. Il continue de dévoiler les annonces de maison de répit ou de maison des aînés qui entreraient en vigueur d’ici quelques années. Cela n’a rien de mal, mais il ne doit pas oublier que l’urgence est ailleurs : ici et maintenant, avec le manque de services et d’employés pour les offrir.

* Selon le Rapport annuel 2018 de la protectrice du citoyen

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