OPINION

Lorsque gratuité rime avec médiocrité

En tentant de rendre les sorties culturelles plus accessibles, le ministre a réduit l’accès à la culture pour une vaste majorité d’enfants québécois

Un excellent indicateur de l’arrivée prochaine d’une campagne électorale est lorsque l’on entend les politiciens parler de gratuité.

C’est à la fois un indicateur qu’ils tentent de plaire à certains groupes dans la population, mais aussi qu’ils n’ont pas appris des erreurs du passé. La gratuité, dans les programmes gouvernementaux, vient à grands coûts pour les contribuables et à grands inconvénients pour les usagers.

L’on peut penser à la (quasi) gratuité du système des CPE et aux interminables listes d’attente que cela a créé. Ou encore, en restant dans le domaine des listes d’attente, aux interminables heures passées à attendre dans les urgences à travers la province. Ou l’on peut encore penser aux conditions de vie exécrables dans lesquelles vivent nos aînés dans les CHSLD.

Malgré tout, les politiciens continuent de promettre la gratuité un peu partout, en espérant que ce que paieront financièrement les contribuables, et ce que paieront les usagers par une dégradation des conditions, puisse se traduire, pour eux, en un gain de quelques votes.

Les plus récentes victimes de ce phénomène sont les sorties scolaires culturelles. Le ministre Sébastien Proulx a récemment lancé une directive selon laquelle toute activité offerte dans un cadre pédagogique doit être offerte gratuitement. L’intention en soi est noble. Nous pouvons être sûrs et certains que le ministre cherchait à donner l’accès à ces activités au plus grand nombre d’enfants possible, afin que ceux-ci puissent profiter d’un accès accru à la culture québécoise au cours de leurs années formatrices.

Effet pervers

Toutefois, la réaction des écoles fut tout aussi prévisible : n’ayant pas les moyens d’assumer les coûts associés à ces sorties, elles ont choisi d’en annuler un bon nombre. Ultimement, cette nouvelle directive aura eu pour effet de diminuer l’accès à la culture pour ces mêmes jeunes que le ministre tentait d’aider.

Nous pouvons dire que c’est prévisible, car cela fait déjà longtemps que les commissions scolaires disent qu’elles n’ont plus d’argent en banque. Les gouvernements, quant à eux, dépensent déjà l’entièreté de leurs revenus dans une panoplie de programmes. Et les contribuables, eux, se font déjà saigner à blanc chaque saison des impôts. Il n’y a tout simplement pas plus d’argent disponible pour financer de nouveaux programmes. Lorsque l’on ne dispose pas de plus de moyens pour financer de nouvelles activités, ce sont souvent celles qui sont perçues comme facultatives qui prennent le bord.

Dans un cas comme celui-ci, la gratuité est non seulement inabordable, mais est aussi incompatible avec le désir d’offrir de bons services à la population. Ne peut-on pas tous s’entendre qu’il est mieux de garantir un accès à une majorité plutôt que d’empêcher l’accès à tout un chacun ?

En tentant de rendre les sorties culturelles plus accessibles, le ministre a involontairement réduit l’accès à la culture pour une vaste majorité d’enfants québécois. Non seulement cette conséquence était-elle prévisible, compte tenu de tous les autres programmes où la gratuité a mené à une réduction de l’accès, mais elle vient détruire les efforts faits par nos institutions culturelles afin de renouveler leur public. Il semble malheureusement que nos politiciens n’ont toujours pas appris que même la gratuité a un coût.

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