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Quand le cycle menstruel influence l’appétit

Tous les mois, à peu près au même moment, Julie Paradis Pelletier met de côté ses bonnes habitudes alimentaires et se laisse aller à des envies de sucre. Toujours peu après son ovulation.

« J’ai envie de chimique, dit l’horticultrice de 40 ans, qui habite à Entrelacs, dans les Laurentides. C’est le seul moment où je mange des biscuits feuille d’érable, par exemple. »

Mme Paradis Pelletier n’est pas la seule. Depuis une dizaine d’années, des dizaines d’études ont confirmé que les femmes ont plus d’appétit dans la semaine suivant l’ovulation. Ces découvertes commencent à être appliquées à la prévention des troubles alimentaires et aux régimes permettant de maintenir son poids ou d’en perdre.

« Entre 80 et 90 % des gens qui souffrent de troubles alimentaires sont des femmes », explique Kelly Klump, psychologue de l’Université d’État du Michigan qui a publié plusieurs études sur le sujet. « Il y a évidemment un aspect social, la pression d’être mince. Mais c’est facilité par le cycle hormonal, qui augmente et diminue l’appétit de façon importante. C’est pour cette raison que les troubles alimentaires apparaissent à la puberté. Il faut tenir compte de cette donnée pour traiter les troubles alimentaires et les prévenir. »

La psychologue du Michigan a bénéficié d’une mine d’or épidémiologique pour quantifier le phénomène : elle est la cofondatrice de la banque de jumeaux de son université, qui suit plus de 28 000 paires de jumeaux. L’étude des jumeaux est cruciale pour départager les effets génétiques et environnementaux. C’est qu’une minorité de jumeaux sont adoptés et n’ont donc pas les mêmes environnements familiaux, et qu’ils n’ont pas tous la même identité génétique, parce que certains sont identiques et d’autres, non (jumeaux monozygotes et dizygotes).

« Il est évident que les changements hormonaux après l’ovulation activent les gènes de vulnérabilité aux troubles alimentaires », dit Mme Klump. Avant l’ovulation, les facteurs environnementaux expliquent l’essentiel du début et de l’intensité des troubles alimentaires. Mais entre l’ovulation et les menstruations, la génétique explique 47 % de la variation entre les individus. « L’influence des gènes sur la prise émotive d’aliments est quatre fois plus grande après l’ovulation. »

Au fil de ses présentations sur le sujet, Mme Klump reçoit régulièrement le témoignage de psychothérapeutes dont les patientes lient les envies subites de nourriture (binge) aux autres aspects du syndrome prémenstruel (SPM). Ou alors, des patientes souffrant de troubles alimentaires qui s’aggravent peu avant les règles.

Pourquoi cet appétit accru après l’ovulation ?

« L’explication la plus simple est que c’est le moment de la conception et que le corps veut s’assurer que le fœtus qui s’implantera dans la paroi placentaire a assez de nutriments. »

— Kelly Klump, psychologue de l’Université d’État du Michigan

L’œstrogène est à son plus haut juste avant l’ovulation et est un coupe-faim, selon la psychologue américaine. La progestérone, sécrétée essentiellement après l’ovulation, augmente l’appétit – et l’anxiété –, une autre caractéristique du SPM.

« Les femmes sont plus critiques à l’égard de leur corps durant la phase lutéale [post-ovulatoire] du cycle, entre l’ovulation et les règles, dit Mme Klump. C’est soit parce qu’elles mangent davantage, soit parce qu’elles sont plus anxieuses. »

Ces découvertes ouvrent une foule de possibilités de recherche. « Le traitement des troubles alimentaires pourrait être calibré différemment dans la phase lutéale, peut-être avec davantage de rencontres avec les thérapeutes. Il faut d’ailleurs étudier à la lumière de ces résultats le lien entre l’anorexie et l’aménorrhée, l’interruption des menstruations chez les femmes particulièrement maigres. On pourrait aussi éventuellement tenir compte du phénomène dans la prescription d’anovulants.

« Je commence un projet de recherche pour savoir quelles pilules exacerbent l’influence des hormones sur l’appétit. Il y a même un impact chez les femmes qui n’ont pas de troubles alimentaires mais qui veulent perdre du poids ou ne pas en gagner. Les régimes pourraient être modulés selon le cycle menstruel. »

Santé féminine

Troubles alimentaires

Les femmes qui ont une propension génétique aux troubles alimentaires sont particulièrement à risque après l’ovulation, selon Kelly Klump. C’est une information importante pour le traitement des femmes qui en souffrent.

Santé féminine

Culpabilité

Même les femmes qui n’ont pas de troubles alimentaires peuvent éprouver de la culpabilité après avoir assouvi leur appétit plus grand après l’ovulation, selon Kelly Klump. « On voit que les préoccupations à propos du poids sont plus grandes après l’ovulation. Ça semble être une forme de culpabilité liée aux excès alimentaires de cette période. »

Santé féminine

Régime

Il est plus facile de suivre un régime avant l’ovulation qu’après, selon Kelly Klump, de l’Université d’État du Michigan. « Ça signifie qu’il peut être utile de concentrer ses efforts à ce moment, dit la psychologue. Quand le désir de manger est plus fort, après l’ovulation, on peut se limiter à éviter les gros excès. »

Santé féminine

Pilule

Chez certaines femmes, la pilule anticonceptionnelle a un impact sur le poids. Mais l’impact de la pilule sur l’appétit n’est pas toujours le même, selon Kelly Klump. « Nous venons d’avoir des subventions pour tirer ça au clair. Il semble qu’il y ait des sortes de pilules qui rendent plus aiguë l’augmentation de l’appétit après l’ovulation, et d’autres qui atténuent cet effet des hormones. »

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