OURAGAN IRMA 

Un autre Harvey menace les Caraïbes

L’ouragan Irma s’approche de l’est des Caraïbes, où plusieurs îles ont été placées en état d’alerte. Dans la trajectoire de l’ouragan qui pourrait être aussi puissant qu’Harvey se trouve notamment l’île de Saint-Martin, où 75 000 insulaires se préparent au pire. Parmi eux, un entrepreneur québécois qui espère que son projet domiciliaire en construction tiendra le coup.

« C’est très inquiétant », a affirmé d’entrée de jeu l’homme joint au téléphone, hier soir.

René H. Lépine, un Québécois installé à Saint-Martin, où il dirige un projet domiciliaire, suit à la trace l’évolution de la tempête. L’ouragan de catégorie 4 est en formation au large des Caraïbes et devrait atteindre les îles ce soir et demain avec une puissance qui pourrait s’apparenter à celle de Harvey, qui a touché il y a 10 jours la côte texane.

« Ils ont augmenté les prévisions à 145 miles à l’heure [230 km/h] pour Saint-Martin [demain] midi. Les bourrasques sont prévues à 175 miles à l’heure [280 km/h]. Selon l’échelle des catégories d’ouragan, 4 et 5, c’est “catastrophique” », expose M. Lépine, qui ne cache pas son inquiétude.

PÉNURIE À LA QUINCAILLERIE

En fin de matinée, hier, l’île de Saint-Martin, qui pourrait être touchée par le mur de l’œil de l’ouragan, a été mise en état d’alerte. Le Centre des opérations d’urgence (EOC) a avisé la population que « les préparatifs pour protéger la vie et les biens devaient être précipités ».

« Je suis allé à la quincaillerie et c’était l’enfer, raconte M. Lépine. Il y avait 10 fois plus de monde qu’à l’habitude. »

Joint hier soir par La Presse, Gabriel Iniguez, expatrié français vivant dans l’île, a été témoin de scènes semblables.

« Les rayons des magasins sont vides, y compris les magasins de matériaux, de bois, de vis, etc. Tout le monde s’affaire à protéger les habitations et beaucoup de gens ont quitté l’île. »

— Gabriel Iniguez

M. Iniguez a appris que l’eau serait coupée aujourd’hui à 13 h.

« La collectivité a dégagé les canaux d’irrigation, tout le monde est en train de couper les arbres, les branches, les bateaux sont sortis de l’eau, la baie de Marigot est entièrement vide », énumère quant à lui Donovane Tremor, photographe à Saint-Martin.

« En général, les résidants locaux sont habitués à ce genre d’événement, ce n’est pas la panique, mais nous nous préparons comme il faut », confie-t-il.

Un chantier à sécuriser

Lorsque La Presse l’a joint, hier soir, M. Lépine venait de rentrer à la maison.

« Sur le chemin vers chez moi, tous les commerces ont du contre-plaqué dans les fenêtres, les enseignes lumineuses sont toutes descendues. Tout le monde écoute les conseils d’usage du gouvernement. »

S’il doit lui aussi sécuriser sa maison, il est davantage préoccupé par le chantier du projet domiciliaire qu’il gère depuis 2014 à Indigo Green, dans le sud de la petite île. Depuis jeudi, M. Lépine et sa quarantaine d’employés travaillent sans relâche à sécuriser les lieux, où une douzaine d’habitations sont en construction.

« Ça va avoir pris 5000 heures de travail pour mettre le chantier en ordre, pour tout attacher et s’assurer que rien ne se transforme en projectiles. » 

— René H. Lépine, président de Groupe Lépine International

Quant à ses villas déjà construites et qui ont trouvé preneurs auprès de nombreux Québécois, M. Lépine a bon espoir qu’elles tiendront le coup.

« Un couple de Québécois était inquiet, mais je leur ai dit qu’ils pouvaient rester dans leur unité. J’ai confiance en mon produit, c’est une des meilleures structures qu’on peut avoir », assure l’entrepreneur.

LE DÉSASTRE DE 1995

Le 5 septembre 1995, il y a 22 ans jour pour jour, l’ouragan Luis avait ravagé près de 80 % du parc immobilier de l’île de Saint-Martin, hôtels compris. Les conséquences avaient été désastreuses pour l’industrie touristique.

« Les touristes annulaient, ne choisissaient plus Saint-Martin. Les avions étaient vides et les compagnies ont arrêté d’y aller », se souvient M. Lépine, qui voyage dans l’île depuis une trentaine d’années.

« C’est le gros point d’interrogation, comment le parc immobilier hôtelier va survivre cette fois-ci, a confié l’homme d’affaires. Je crois que ce sera beaucoup mieux. On va espérer que dans un mois ou deux, tout va être beau. »

M. Lépine croise maintenant les doigts qu’Irma épargnera Saint-Martin et ses habitants, et qu’elle ne prendra pas trop de puissance par la suite, alors qu’elle doit toucher la Floride, où se trouve sa résidence secondaire…

COMPARABLE À HARVEY ?

Irma a atteint hier soir une force de catégorie 4, soit la puissance maximum de Harvey, qui a ravagé certaines parties de la côte texane et de la Louisiane. Irma devrait atteindre le nord de Porto Rico, un territoire américain, à 8 h demain matin, provoquant une montée du niveau de la mer jusqu’à 3 mètres au-dessus de la normale, jusqu’à 25 centimètres de précipitations et de « grandes vagues destructrices ». Avec des vents qui ont atteint 195 km/h, Irma devrait continuer de se renforcer « au cours des deux prochains jours », a indiqué le centre américain de surveillance des ouragans.

LES ÎLES TOUCHÉES

La trajectoire d’Irma est encore incertaine, mais plusieurs projections placent sur son passage la République dominicaine, Haïti et Cuba, avant de se diriger vers le nord en direction de la Floride, puis, éventuellement, de la côte est des États-Unis. Des alertes d’ouragan sont également en place pour les îles d’Antigua-et-Barbuda, Anguilla, Montserrat, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saba et Saint-Eustache, où le passage d’Irma est attendu d’ici 36 heures. La Guadeloupe pourrait aussi être touchée.

RENFORTS

À Saint-Martin, la Sécurité civile de la France a annoncé l’envoi préventif de 57 secouristes au départ de l’Hexagone. À Porto Rico, le gouverneur Ricardo Rossello Nevares a activé la garde nationale et annoncé l’ouverture d’abris pour accueillir jusqu’à 62 000 personnes. Un porte-avions américain, doté d’un hôpital de campagne et de dizaines d’appareils capables de mener des missions de sauvetage et d’approvisionnement, a été placé par précaution dans la région, a indiqué Alejandro de la Campa, de la division Caraïbes de l’Agence fédérale des situations d’urgence (FEMA).

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.