OPINION PARADIS FISCAUX

Le Canada doit passer de la parole aux actes

Le gouvernement libéral est sur le point de tenir une de ses promesses électorales, celle de faire des déficits afin de répondre à de pressants besoins d’investissements dans les infrastructures.

Le collectif Échec aux paradis fiscaux salue ce choix, mais tient à rappeler qu’il y a des revenus – beaucoup de revenus – à aller chercher auprès d’entreprises et de riches contribuables qui pratiquent l’évitement fiscal légalisé vers des paradis fiscaux avec qui le Canada a signé des conventions.

Pour l’année 2011, Statistique Canada relève que « 24 % des investissements directs canadiens à l’étranger avaient été effectués dans les 12 plus grands paradis fiscaux ».

En octobre 2015, dans le cadre du projet de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices – le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) – , l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avançait que les pays membres étaient, chaque année, privés de 240 milliards américains de recettes fiscales.

Il s’agit là de revenus considérables qui permettraient au gouvernement canadien soit de limiter le déficit anticipé, soit d’investir davantage pour affronter les enjeux d’un développement économique juste et durable au service des besoins de la population canadienne, comme la lutte urgente contre les changements climatiques.

Stéphane Dion, ministre des Affaires étrangères, a déjà signifié la volonté du gouvernement libéral de collaborer avec le G20 et l’OCDE pour régler le problème de l’érosion de la base fiscale des États de droit. Cette volonté doit se traduire par des actions.

D’ores et déjà, le Canada peut agir seul pour colmater certaines brèches dans ses propres lois fiscales.

Nous vous renvoyons ici aux recommandations de notre rapport « Des solutions à notre portée », publié en 2014.

Par ailleurs, le 23 septembre dernier, dans le cadre de la campagne électorale fédérale, notre collectif a tenu, en collaboration avec le quotidien Le Devoir et la revue Liberté, un débat sur les paradis fiscaux entre des candidat (e)s des cinq principaux partis politiques. L’une des candidates de l’équipe économique du Parti libéral du Canada, Marwah Rizqy, professeure adjointe à l’Université de Sherbrooke spécialisée en droit et en fiscalité, y avançait des solutions pour « dompter la bête ». Les propositions du collectif et celles de Mme Rizqy pourraient servir de base au gouvernement pour élaborer une stratégie crédible de lutte contre l’évitement fiscal.

Le gouvernement libéral, tenant à redresser la réputation du Canada, devra avoir l’audace de donner un solide coup de barre dans le contenu des nombreuses conventions fiscales signées avec des paradis fiscaux. Plus que la réputation du Canada, il en va de la confiance des contribuables dans la légitimité du régime d’imposition canadien, qui se répercute sur les revenus des provinces, non sans impact sur les services que la population s’attend à recevoir.

Le collectif Échec aux paradis fiscaux continuera de suivre de près l’avancement des travaux du gouvernement fédéral dans ce dossier. Nous invitons le gouvernement à donner suite aux recommandations que nous avons élaborées. Bien entendu, nous sommes disposés à rencontrer le ministre des Finances dans les meilleurs délais pour les lui présenter.

* Carolle Dubé, Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) ;  Claude Vaillancourt, ATTAC-Québec ; François Vaudreuil, Centrale des syndicats démocratiques (CSD) ; Louise Chabot, Centrale des syndicats du Québec (CSQ) ; Daniel Boyer, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) ; Antoine Côté, Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) ;  Régine Laurent, Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) ; Lucie Martineau, Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) et Secrétariat intersyndical des services publics (SISP) ;  Élisabeth Gibeau, Union des consommateurs ; Alain Deneault, Réseau pour la justice fiscale – Québec.

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