Étude

Un bébé laissé devant la télé risque de devenir un ado intimidé

Les bébés qui écoutent beaucoup de télévision deviennent des adolescents plus seuls, plus agressifs et plus susceptibles d’être victimes d’intimidation, selon une nouvelle étude montréalaise. Cela est dû à un développement incomplet des régions du cerveau qui sont responsables de la communication et des relations sociales.

« Contrairement aux autres mammifères, le cerveau humain n’est pas complètement développé à la naissance », explique Linda Pagani, psychologue à l’Université de Montréal, qui est l’auteure principale de l’étude publiée dans la revue Psychological Medicine. « Le cerveau triple de poids entre la naissance et l’âge de 3 ans. Des synapses, des connexions neuronales, se font à ce moment-là, c’est une expansion exubérante du cerveau social. Après l’âge de 3 ans, les synapses qui ne sont pas utilisées sont élaguées. Le développement de ces synapses doit se faire en interaction avec l’environnement, avec les autres humains et les animaux, pas avec un écran. On n’a pas évolué au point que l’écran devienne partenaire des interactions sociales. »

« Sans ce développement social des synapses, on a une gêne sociale qui nous met plus à risque d’intimidation et de solitude, et en réaction, en révolte, mène à l’agressivité. »

— Linda Pagani, chercheuse

La psychologue montréalaise tire ses données du suivi de 2000 enfants nés au Québec en 1997-1998. En moyenne, ils écoutaient à l’âge de 2 ans 1 h 15 min de télévision.

Mme Pagani a tenu compte de facteurs confondants, notamment le niveau de scolarité et la monoparentalité. Le seuil pour l’éducation était l’obtention – ou non – d’un diplôme d’études secondaires. Elle n’a pas tenu compte du revenu, parce que c’était redondant avec ces deux autres facteurs. « Les enfants qui ont des parents plus éduqués dans des familles biparentales ont moins de risque avec la télévision. Tout le monde aime ses enfants, mais dans ces cas-là, il semble y avoir moins de stress, les parents ont plus d’interactions avec le bébé en dehors de la télé. »

D’AUTRES CONSÉQUENCES

Cela fait 25 ans que Mme Pagani étudie le développement des enfants. Sa cohorte lui a déjà permis de voir que trop de télévision en bas âge mène à une mauvaise alimentation, à de mauvais résultats scolaires et à une propension à la sédentarité au primaire. « On voyait déjà la victimisation. On a décidé de voir plus large, avec la solitude et l’agressivité. Ce qu’on voit, c’est qu’à un âge charnière, au début du secondaire, il y a des problèmes. »

La télévision est-elle responsable, ou s’agit-il d’un manque de temps pour des activités plus constructives ? « Je pense que c’est un manque d’activités d’interactions, dit Mme Pagani. Particulièrement les interactions visuelles, qui forment la moitié de la communication. On ne peut pas apprendre ça avec un écran, même s’il est interactif. Les sociologues nous disent que les gens qui ne regardent pas les autres dans les yeux, qui regardent par terre, sont souvent considérés comme moins fiables. C’est la base de l’intimidation et de l’isolement. »

CHIFFRES

1 h 15 min par jour 

Temps d’écoute de la télévision par les jeunes Québécois de 2 ans

11 % 

Augmentation du risque d’être victime d’intimidation à 13 ans, chez les enfants qui, à 2 ans, écoutaient 2 h 15 min de télévision par jour

10 % 

Augmentation du risque de solitude à 13 ans, chez les enfants qui, à 2 ans, écoutaient 2 h 15 min de télévision par jour

9 % 

Augmentation du risque d’être agressif à 13 ans, chez les enfants qui, à 2 ans, écoutaient 2 h 15 min de télévision par jour

Source : Psychological Medicine

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