Mon clin d'œil

« Si seulement Theresa May m’avait appelée avant de déclencher ses élections précipitées… »

— Pauline Marois

OPINION CYCLISME

La moralisation du dopage

Comme beaucoup de cyclistes amateurs au Québec, j’ai été surpris par l’annonce de la suspension pour dopage de Gérard-Louis Robert. En fait, je dirai plutôt que ce fut un mélange de déception, de tristesse et de compassion.

J’ai déjà rencontré Gérard-Louis pour ce qu’on appelle un « fit » dans le milieu du vélo, c’est-à-dire un ajustement ergonomique, et ce, afin d’être bien positionné sur la bicyclette. Ce fut, je dois l’avouer, un moment agréable. Nous avions discuté de tout et de rien, de nos origines françaises communes, du nord de la France comme terre de vélo ou encore des anciens champions comme Bernard Hinault ou Eddy Merckx.

J’ai écrit ou parlé dans différents médias récemment sur le dopage et j’ai toujours défendu la nécessité de replacer ce phénomène dans un contexte social et culturel, en évitant, d’une part, une responsabilisation accrue des athlètes et, d’autre part, une moralisation à outrance des enjeux.

Je répète également que je ne suis aucunement un « prodopage ». Je condamne fermement cette pratique. Néanmoins, pour penser un phénomène social, il est nécessaire à mon avis de dépasser les points de vue moraux et prendre un pas de recul.

Âgisme

Premièrement, ce qui m’a fait bondir ce matin sur les réseaux sociaux est la condamnation du dopage de M. Robert en raison de son âge. Pourquoi se doper dans ce contexte ? Quel intérêt ? Ce genre de propos renvoie directement à de l’âgisme primaire selon moi, c’est-à-dire que l’on stigmatise un comportement (ici le dopage) en raison d’un âge avancé (68 ans). Est-ce qu’il existerait donc un « bel » âge pour se doper ? Un âge légitime ?

Peut-être que ces discours font référence au fait que la personne n’est pas exposée médiatiquement et que donc elle n’a pas intérêt ou besoin de se doper… C’est oublier que le dopage n’est pas apparu d’un coup de baguette magique avec la financiarisation ou la médiatisation du sport. Il est, en effet, historiquement lié à la pratique du sport et au désir de courir plus vite que son voisin. Le dopage existe aussi dans le dopage amateur (plus ou moins médiatisé) et même dans les sports paralympiques.

L’homme et l’athlète

Le deuxième point est la distinction entre l’homme et l’athlète. C’est pour moi une question que chacun doit pouvoir se poser en fonction de sa propre éthique, de son « âme et conscience ». C’est un débat qui, par exemple, a traversé mon enfance entre les pro-Pelé et les pro-Maradona, les deux plus grands joueurs de soccer avant l’arrivée du (ou de) Messi. Personnellement, Maradona a toujours été mon joueur préféré et je lui ai pardonné ses excès de drogues et ses problèmes avec la fiscalité italienne. C’est d’ailleurs toujours vrai et j’ai tenu à visiter ses reliques à Naples. Je suis donc, sur ce point, arrivé à distinguer l’homme de l’athlète. Par contre, je ne suis plus jamais arrivé à soutenir Kobe Bryant (ancien joueur de basketball) à la suite de ses accusations de viol. Pas de distinction possible entre l’homme et l’athlète ici pour moi.

Et nous ?

Troisièmement, je trouve toujours que l’on est extrêmement exigeant envers nos athlètes. Nous prenons des cafés, médicaments, suppléments pour être en forme et arriver à « passer » à travers notre semaine de travail sans aucun contrôle ni cas de conscience. Si demain, on élargissait le mandat de l’Agence mondiale antidopage au secteur public et qu’une directive interdisait de prendre plus de deux cafés par jour, ça pourrait devenir compliqué pour plusieurs d’entre nous, dont l’auteur de ces lignes.

Encore une fois, je ne veux pas ici légitimer la pratique du dopage. Je voulais simplement mentionner qu’il faut comprendre ce phénomène de façon globale et structurelle.

Je ne vous dirai pas si je suis arrivé à séparer l’homme de l’athlète dans le cas de Gérard-Louis Robert. Mais je vous invite à y réfléchir et surtout à ne pas tomber dans le piège de la moralisation. Cela n’a jamais fait avancer la pensée…

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