OPINION JOCELYN COULON

SOMMET TRUMP-KIM Un échec pour mieux avancer ?

Donald Trump l’avait dit avant même d’arriver à Hanoï pour un sommet avec son homologue nord-coréen : il n’était pas pressé de trouver un accord sur le démantèlement du programme nucléaire nord-coréen. Et il n’y a pas eu d’accord jeudi. Alors, un sommet pour rien ? Non.

On peut tirer trois constats de cette rencontre au Viêtnam. Le premier a trait à la difficulté inhérente à toute négociation engageant les armes nucléaires. Donald Trump est un homme pressé et exige souvent, trop souvent, des résultats immédiats. Ainsi, il a imposé un rythme d’enfer aux négociateurs canadiens et mexicains afin d’obtenir un nouveau traité de libre-échange à ses conditions. Et il a gagné.

Il est toutefois en train de se rendre compte que cette façon de faire ne fonctionne pas avec les armes nucléaires. Dans les années 70, Washington et Moscou ont mis des années à s’entendre sur la réduction de leurs arsenaux nucléaires. Ces négociations ont traversé plusieurs phases – établissement de la confiance, ruptures, discussions, signatures et mise en œuvre – et se sont déroulées en concomitance avec les hauts et les bas de la détente Est-Ouest avant d’aboutir.

Plus près de nous, les pays occidentaux, la Russie, la Chine et l’Iran ont négocié pendant 12 ans avant de conclure un accord sur le programme nucléaire iranien, accord aujourd’hui remis en question par Washington.

Le deuxième constat porte sur le sens que les parties donnent au terme « dénucléarisation », particulièrement dans le contexte de la Corée. C’est le cœur de la négociation. À Washington, le terme réfère au programme nord-coréen. À Pyongyang, les dirigeants estiment, et on peut difficilement le leur reprocher, que la dénucléarisation doit aussi recouvrir la présence des armes conventionnelles et nucléaires américaines en Corée du Sud.

Le troisième constat concerne la réintégration de la Corée du Nord dans la communauté internationale. Le royaume « ermite », comme on le surnomme depuis longtemps, est en marge du formidable développement économique de l’Asie. Kim Jong-un en est bien conscient, au point où, selon une grande enquête publiée récemment dans le Wall Street Journal, il ferme les yeux sur le développement d’un secteur capitaliste informel et prépare son pays à l’ouverture. Et Trump lui a fait miroiter une transformation de son économie si les deux pays parvenaient à un accord.

Le traitement de la question nord-coréenne suit le modèle établi par les négociations précédentes sur un sujet aussi délicat.

Après une vingtaine d’années de négociations plus ou moins infructueuses, le sommet de l’an dernier à Singapour a lancé une nouvelle dynamique. Il a permis d’établir un premier contact entre les deux chefs d’État et de forger un lien de confiance.

Trump a traité son homologue en égal. En retour, Kim a tenu ses engagements sur son programme nucléaire. Il est faux de dire qu’il n’y a pas eu de progrès depuis cette rencontre.

La semaine dernière, dans le Washington Post, un ancien directeur des laboratoires de Los Alamos, où des recherches ont lieu sur le développement des armes nucléaires américaines, et deux autres spécialistes ont été formels. L’examen de la documentation écrite et satellitaire les ont convaincus que depuis l’an dernier, « la Corée du Nord avait, dans les faits, interrompu d’importants éléments de son programme nucléaire, réduisant ainsi la menace représentée par ce qui était un programme en rapide expansion en 2017 ».

Plus précisément, la Corée du Nord « a ralenti le rythme du développement de son armement et de ses vecteurs nucléaires (conception, fabrication et mise à l’essai) et limité le degré de complexité et la portée de son arsenal », écrivent-ils. En quittant Hanoï hier, Kim a confirmé qu’il poursuivrait dans la même direction.

Même si la barre n’avait pas été placée très haut pour le sommet de Hanoï, on s’attendait à quelques résultats. Ainsi, l’entourage du président américain avait laissé savoir que l’ouverture d’un bureau de représentation américaine à Pyongyang (et inversement) aurait pu être annoncée. Ou que les deux dirigeants auraient pu proclamer officiellement la fin de l’état de guerre entre leurs deux pays. Il n’en a rien été, et certains observateurs sont déçus. Qu’ils prennent leur mal en patience.

Pour une fois, Trump a raison : mieux vaut aucun accord qu’un accord bâclé, surtout dans ce domaine. Le dialogue va se poursuivre, les équipes vont se retrouver afin d’affiner leurs positions et trouver un terrain d’entente pour certaines d’entre elles. Et il pourrait y avoir un autre sommet.

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