Analyse

Investitures au PQ
Un casse-tête constant pour le chef

Québec — Jean-François Lisée avait parlé de la circonscription de Pointe-aux-Trembles à Jean-Martin Aussant pour l’inciter à revenir en politique. Voilà que ce bastion péquiste devient tout à coup inaccessible. L’avocat Maxime Laporte, président de la Société Saint-Jean-Baptiste, a annoncé son intention d’y briguer l’investiture. Au surplus, il vient d’avoir un appui de taille : Bernard Landry, l’ancien premier ministre, prend fait et cause pour lui.

« À moins de circonstances exceptionnelles, ce sont les membres qui doivent décider », tranche M. Landry, joint par La Presse. Jean-Martin Aussant n’a pas démérité, mais cet ex-député péquiste qui allait fonder Option nationale par la suite « n’a pas un parcours aussi clair » que celui de Maxime Laporte, observe l’ancien chef. Il n’est d’ailleurs pas certain, selon M. Landry, qu’un retour de M. Aussant mobiliserait les militants souverainistes.

Les investitures où les aspirants se disputent le droit d’être candidat sont souvent imprévisibles au Parti québécois (PQ).

On ne peut mesurer l’ascendant du chef à sa capacité d’imposer son choix. À leur heure, Jacques Parizeau et Lucien Bouchard ont connu des affrontements humiliants. Rare exception, Pauline Marois imposa son choix dans L’Assomption en 2008 : Scott McKay fut fait candidat, sans investiture. On laissa tomber l’ancien député Jean-Claude Saint-André. Il y eut des manifestations de militants mécontents, mais rien n’y fit. M. McKay fut élu député péquiste.

La façon de faire libérale

Il faut dire qu’ailleurs, au Parti libéral surtout, le choix des candidats-vedettes se fait dans le bureau du chef du parti. Philippe Couillard a choisi Gaétan Barrette pour La Pinière, en 2014 ; Fatima Houda-Pepin, députée libérale, a dû se présenter comme indépendante. 

Parfois, ces candidatures imposées donnent lieu à des résultats inattendus : en 1998, Jean Charest a fait partir Norm Cherry et réservé Saint-Laurent à Gérald Tremblay. Le futur maire lui a fait faux bond quelques heures avant l’annonce. Jacques Dupuis gagna le gros lot, lui qui devait à l’origine se contenter de Lotbinière. Il y a eu des investitures contestées au PLQ, mais dans des circonscriptions où il n’y avait pas de vedette. Ainsi, 3000 militants sont venus voter pour Charlotte L’Écuyer dans Pontiac en 2003. Le record a été établi en Beauce, en 1981. Quelque 8000 membres se sont présentés à l’assemblée d’investiture qui devait choisir Herman Mathieu.

Au PQ, la liste est longue des atterrissages compliqués pour les vedettes. Une histoire rocambolesque : chef du Bloc, Lucien Bouchard voulait avoir Bertrand St-Arnaud, jeune avocat brillant, et futur juge, comme candidat dans Chambly. Il dut accepter le verdict des militants qui choisirent un notaire local, Ghislain Lebel, proche du PQ. Humilié, Bouchard était convaincu que Parizeau avait tiré les ficelles en coulisses. 

Un an plus tard, en 1994, il dépêcha Robert (Bob) Dufour, le directeur du Bloc, pour mettre du sable dans l’engrenage du candidat-vedette de Parizeau dans Mercier, Giuseppe Sciortino. Ce dernier l’emporta lors d’une première assemblée d’investiture en juin. Des irrégularités forcèrent la tenue d’une seconde réunion, en août. L’investiture de la circonscription mythique de Mercier fut finalement emportée par Robert Perreault, venu du municipal. Une soirée historique où Parizeau, avec tout l’establishment du PQ, s’était fait humilier. Déjà très malade, Gérald Godin, qui avait arraché Mercier à Robert Bourassa en 1976, ainsi que Pauline Julien étaient, aux premiers rangs, venus appuyer Perreault.

Lucien Bouchard a aussi cruellement accueilli le verdict des militants de la base. Il voulait avoir Régis Labeaume, futur maire de Québec, comme candidat dans Montmorency en 1998. Beaucoup mieux organisé, Jean-François Simard obtint facilement l’investiture. 

Juste avant sa démission surprise de 2001, Bouchard rageait à l’idée de voir Yves Michaud, toujours critique à son endroit, devenir candidat péquiste dans Mercier. Les militants étaient démobilisés et Nathalie Rochefort, la libérale, remporta à la surprise générale Mercier, tenu pour un fief péquiste indéfectible.

André Boisclair avait une idée du candidat qu’il souhaitait dans Louis-Hébert : Pascal-Pierre Paillé, neveu de l’ancien ministre Daniel Paillé. L’ancienne circonscription de Paul Bégin, avec les délimitations de l’époque, était encore favorable au PQ et le chef n’a rien pu faire pour barrer la route à André Joli-Coeur, avocat souverainiste connu à Québec. M. Boisclair dut aussi tordre des bras pour caser une candidate vedette dans la Capitale, Françoise Mercure, venue de la Chambre de commerce.

Pauline Marois dut aussi ronger son frein. Elle souhaitait que Jocelyne Caron, députée battue dans Terrebonne, puisse récupérer son siège en 2008. La vague adéquiste avait vécu. Mais le maître-nageur de la piscine de Terrebonne, Mathieu Traversy, était si bien organisé que l’investiture lui a été acquise dès le début. M. Traversy, il faut le rappeler, était prêt à contester l’investiture de la députée péquiste sortante avant même les élections de 2003. C’est le chef Bernard Landry qui l’avait convaincu de prendre son mal en patience.

Les choses se passèrent différemment dans Rimouski, où le directeur du parti, Sylvain Tanguay, voulait placer son vieil ami, Harold Lebel, apparatchik aux longs états de service. Leader étudiant, le militant Thomas Briand Gionet vendait des cartes de membre depuis deux ans dans la circonscription. Il fut disqualifié pour une question de forme. Il a rejoint, depuis, l’équipe de Lebel.

circonscription de bertrand

Cousineau quitte, Péladeau s’amène ?

Le départ du député péquiste de Bertrand, Claude Cousineau, annoncé hier matin, pourrait représenter une occasion de choix pour un éventuel retour en politique de Pierre Karl Péladeau.

« Je sais que M. Péladeau a son chalet dans la circonscription de Bertrand », située dans les Laurentides, a souligné le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, après le point de presse annonçant le départ du député Claude Cousineau, à la fin de son mandat.

« Il y a une logique » à ce que l’ancien chef du parti soit candidat à la succession de M. Cousineau. « Je vais laisser les gens spéculer à ce sujet, et je comprends qu’ils le fassent », a ajouté M. Lisée.

Qu’un candidat réside dans la circonscription qu’il convoite est toujours préférable, a noté le chef péquiste, qui précise tout de même que M. Péladeau serait un bon candidat quelle que soit la circonscription, s’il décidait de revenir en politique.

Claude Cousineau représentait depuis 20 ans la circonscription de Bertrand. Il explique sa décision de tirer sa révérence à la fin de son mandat par son désir d’être plus près de sa famille. 

« À 68 ans, le mois prochain, je ressens une certaine fatigue de voyager chaque semaine à Québec. »

— Le député Claude Cousineau, en point de presse, hier

« L’occasion d’un renouvellement »

L’annonce de son départ fait suite à celles de ses collègues Alexandre Cloutier, Nicole Léger et Agnès Maltais, qui ont fait savoir la semaine dernière qu’ils ne seraient pas candidats aux prochaines élections générales, l’automne prochain.

François Gendron, député d'Abitibi-Ouest, serait aussi sur le point d'annoncer qu'il terminera sa carrière aux prochaines élections. 

Jean-François Lisée s’est contenté d’indiquer qu’un autre député de son parti prévoyait annoncer son départ bientôt, et qu’un autre collègue était en réflexion.

Ces départs de vétérans de son parti n’inquiètent pas M. Lisée outre mesure.

« C’est l’occasion d’un renouvellement, d’un rajeunissement des troupes, pour donner une nouvelle dose d’énergie, dit-il. C’est le bon moment pour les membres de notre équipe d’annoncer leurs intentions, parce que ça nous donne le temps de préparer les assemblées d’investiture. »

Le chef péquiste révèle que huit ou neuf personnes lui ont fait part de leur intérêt à porter les couleurs de son parti aux prochaines élections. « Et j’ai encore une trentaine de rencontres prévues la semaine prochaine », se réjouit-il.

sondage Léger-Le Devoir

La CAQ se dirigerait vers un gouvernement majoritaire

À neuf mois des élections provinciales, la Coalition avenir Québec (CAQ) se dirige vers une majorité à l’Assemblée nationale, selon un sondage Léger-Le Devoir publié ce matin. Ainsi, le parti dirigé par François Legault obtient 39 % des intentions de vote, en hausse de trois points par rapport au dernier sondage publié au mois de décembre. Selon le sondage, la CAQ bénéficie notamment de l’appui de 46 % des électeurs francophones. Si le scrutin avait eu lieu hier, le Parti libéral du Québec aurait recueilli 28 % des voix, un creux historique, souligne Le Devoir. Le Parti québécois et Québec solidaire ferment la marche avec respectivement 20 et 9 % d’appuis des électeurs. L’attrait des Québécois pour la CAQ se traduit aussi par un fort soutien à l’endroit de François Legault, qui est perçu comme le meilleur premier ministre potentiel par 31 % des répondants, loin devant Philippe Couillard (16 %), Jean-François Lisée (10 %) et les deux porte-parole de QS, Manon Massé et Gabriel Nadeau-Dubois, à 5 %. — La Presse

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