Le Canadien

Des vétérans résignés, mais fiers

Pittsburgh — Max Domi, du haut de ses 23 ans, a lancé ceci il y a quelques jours : « Le hockey est un sport de jeunes maintenant. On s’attend à ce que les jeunes occupent des rôles qu’ils n’auraient pas occupés à une autre époque. »

Cela a rarement été plus vrai qu’avec le Canadien de Montréal, mouture 2018-2019. Vous les connaissez, les jeunots : les Jesperi Kotkaniemi, Victor Mete, Noah Juulsen et compagnie. Il y a l’âge, il y a aussi le tempo, l’échec-avant soutenu, la relance. C’est la manière de jouer le hockey d’aujourd’hui.

Bref, la barre devait être redressée chez le Canadien après la dernière saison de misère, et ce redressement est au cœur du renouveau de l’équipe.

Mais pour chaque jeune joueur qui s’établit dans la LNH, c’est le début de la fin pour un autre. C’est une question mathématique. Pour le match d’ouverture, ce sont Tomas Plekanec, doyen de l’équipe à 35 ans, et Karl Alzner, récemment trentenaire, qui ont été écartés.

Il y a une histoire humaine derrière cette décision hockey, on l’a vu hier quand on a eu l’occasion de leur en parler. On a perçu beaucoup de fierté, mais une certaine résignation aussi.

Mettons tout de suite quelque chose au clair : il y avait des raisons logiques d’exclure de la formation Plekanec et Alzner, que ce soit leur jeu ou la qualité de leurs remplaçants. Ce n’est pas l’objectif de cet article de démontrer le contraire. Claude Julien a toujours dit qu’il allait laisser la chance à ceux qui avaient connu les meilleurs camps, ce n’était pas le moment de revenir sur sa parole au premier match.

Karl Alzner a reconnu avoir eu besoin de la journée pour digérer son sort, quand il a vu son numéro inscrit à l’écart des autres duos de défenseurs. Il a dû « ventiler » ce qui lui arrivait auprès de ses proches. Non seulement c’était la première fois de sa carrière qu’il était rayé d’une formation, mais cette absence mettait aussi fin à sa séquence de 622 matchs consécutifs. Sur le plan de la longévité, c’était la quatrième séquence toujours active dans la LNH.

« Quand j’ai vu que je ne jouais pas, j’ai d’abord cru que c’était la fin du monde. Puis tu y penses et tu te dis que tu ne dois pas être un bébé, que des joueurs sont laissés de côté tous les jours. » — Karl Alzner

« Des joueurs passent des saisons entières en ne jouant que 30 matchs. Moi, j’ai été chanceux toute ma carrière, ça ne m’est jamais arrivé. »

Le choc est beaucoup venu du fait qu’Alzner avait le sentiment d’avoir connu un bon camp. Il cherchait aussi à se libérer du rôle strictement défensif qui lui collait à la peau. Mais quand il s’est vu ballotté d’un bord et de l’autre, sans stabilité, il se doutait de ce qui s’en venait. Sent-il qu’il est victime de la nouvelle LNH ?

« Peut-être, oui. Mais je ne pense pas que je sois un patineur lent, ça dépend du jeu d’équipe. Je peux quand même jouer un style rapide sans être un patineur très rapide. Ça dépend de qui est sur la glace, de ce que l’entraîneur recherche à un certain moment. On doit gagner des matchs, et on met la meilleure équipe sur la glace. Que j’en fasse partie ou non, je vais toujours essayer d’intégrer la formation. Surtout, je ne veux pas devenir un mauvais exemple pour les plus jeunes. Ce serait un grave manque de professionnalisme. »

Plekanec, pour aider les jeunes

On ne pourra jamais reprocher à Karl Alzner son manque de candeur. Et à le côtoyer au quotidien, on le croit sur parole quand il assure qu’il ne deviendra pas le vieux grincheux dans le coin du vestiaire. Ce sera la même chose pour Tomas Plekanec.

À l’entraînement hier, il alternait avec Matthew Peca au centre du quatrième trio, et ce ne serait pas une surprise qu’il saute encore son tour ce soir contre les Penguins. Il restera donc coincé à deux matchs du millier tant attendu. Malgré tout, il s’est affairé à aider ses jeunes coéquipiers au cercle des mises en jeu, surtout Jesperi Kotkaniemi qui a terminé à 14 % de succès sa soirée contre les Maple Leafs.

Comme Plekanec le rappelle, c’est pour ça qu’il est revenu à Montréal, pour aider l’équipe, pas pour les réussites personnelles.

« [Tomas] aide tout le monde. Il est toujours impliqué dans tout. On faisait nos mises en jeu et il était le premier à donner des conseils. C’est ce que tu veux d’un joueur plus expérimenté, tu veux qu’il t’aide. »

— Matthew Peca

« C’est 50-50, parfois ça prend des trucs de vétéran pour savoir à quoi s’attendre de certains joueurs et de certains juges de ligne, a reconnu Plekanec. C’est une question d’ajustement. »

On a tout de même senti aussi chez Plekanec cette résignation. Surtout quand il a dit : « Comme joueur, tu traverses différentes étapes dans ta carrière, et c’est celle que je traverse en ce moment. »

Le meilleur est derrière, en effet. Des plus jeunes peuvent faire son boulot. Reste qu’il est devenu l’un des grands du hockey tchèque. En plus, il ne lui manque que 25 matchs pour devenir le cinquième joueur de l’histoire ayant disputé le plus de matchs avec le Canadien, derrière les légendaires Henri Richard, Larry Robinson, Bob Gainey et Jean Béliveau. On peut le retirer de la formation une journée, mais ça, c’est pour toujours.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.