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Les enjeux en santé

Il faudra que le prochain gouvernement propose une vision globale à long terme

Le Québec fait face à plusieurs défis en santé.

Du côté de la population, la prévalence croissante des maladies chroniques, le vieillissement de la population, l’émergence de nouvelles maladies et les inégalités sociales de santé entraînent une augmentation de la demande de services de santé.

Pour répondre à ces besoins grandissants, le gouvernement doit améliorer l’efficience des services et s’aligner sur les standards internationaux de qualité. Il s’agit d’augmenter la valeur des services (plus de résultats de santé par dollar investi) en supprimant la duplication des soins et en améliorant la pertinence : le bon service, au bon patient, au bon moment.

Miser sur l’accès aux médecins de famille ou sur l’accès à la première ligne.

La littérature scientifique montre que les systèmes de santé les plus performants disposent d’une première ligne forte et accessible. Le PLQ propose de renforcer les mesures coercitives aux médecins sans rouvrir l’entente sur la rémunération médicale pour améliorer l’accessibilité aux médecins. La CAQ propose des mesures qui portent essentiellement sur l’accès aux médecins de famille. Le PQ et QS misent sur un renforcement de la première ligne en utilisant d’autres professionnels de santé, tels que les infirmières praticiennes spécialisées (IPS) ou les infirmières. Les consultations médicales des cas simples pourraient être transférées aux IPS pour laisser aux médecins les cas les plus lourds.

Le partage des activités entre les professionnels de la santé peut améliorer l’accès à la première ligne et non pas aux seuls médecins de famille. Les infirmières ou IPS constituent une main-d’œuvre moins onéreuse que les médecins et ont l’expertise pour prendre en charge les malades chroniques stables. Ces propositions pourraient permettre d’améliorer l’accessibilité à la première ligne, l’efficience du système de santé et augmenter la valeur des services de santé.

Les modes de rémunération des établissements et des médecins.

Les effets négatifs des modes de rémunération des établissements (budget global) et des médecins (rémunération à l’acte) sont souvent décriés sur la place publique. Le PLQ et la CAQ proposent de passer à la tarification à l’activité dans les établissements hospitaliers. La CAQ, le PQ et QS proposent une révision du mode de rémunération des médecins.

Il faut savoir que chacun des modes de rémunération, qu’ils soient rétrospectifs (rémunération à l’acte, tarification à l’activité) ou prospectifs (budget global, forfait, capitation), pris tout seuls, ont des avantages et des inconvénients. Les modes de rémunération rétrospectifs incitent à la production de services parfois au détriment de la pertinence.

La tarification à l’activité a été instaurée en France il y a plus de 10 ans. La ministre de la Santé Agnès Buzyn, en janvier dernier, reconnaissait que ce mode de rémunération conduit à une production de soins non pertinente. Pour elle, 30 % des actes seraient inutiles. Le fait de combiner les modes de rémunération est souvent vu comme une meilleure solution comparativement à un système de rémunération unique. Il faut donc réfléchir à des modes de rémunérations combinés pour pallier les effets indésirables de chacun d’entre eux et ainsi améliorer la prestation des services et les résultats de santé.

Miser sur les actions de santé publique pour améliorer la santé de la population.

Pour améliorer la santé de la population, il faut avant tout miser sur les saines habitudes de vie, la prévention et la promotion de la santé. 

Le PLQ a considérablement réduit les budgets alloués à la prévention et la promotion de la santé au début de son mandat. En mars 2018, le gouvernement libéral a instauré la politique gouvernementale de prévention en santé, mais la somme allouée à la prévention reste sous son niveau initial. La CAQ propose un plan pour encourager les saines habitudes de vie afin de lutter contre l’obésité et les maladies chroniques. Le PQ indique qu’il fera de la prévention et de la promotion des saines habitudes de vie les pierres angulaires de sa stratégie en santé. QS va plus loin en proposant d’agir sur les déterminants de la santé.

Agir sur la prévention et la promotion en santé a peu d’effets à court terme et est donc moins intéressant en termes de programme politique. Mais les effets importants et largement démontrés à moyen et à long terme valent la peine que les partis en fassent une priorité pour réduire les inégalités sociales de santé et améliorer la santé de la population.

FAIRE MIEUX AVEC CE QU’ON A

Quel que soit le parti qui sera élu, il faudra que le prochain gouvernement propose une vision globale de la santé à long terme. Tel que défini par le courant des innovations frugales, il faudra faire mieux avec ce qu’on a pour réduire la croissance exponentielle des dépenses en santé, miser sur l’utilisation efficiente des ressources et la pertinence des services.

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