Chronique

Incapable d’arrêter de regarder !

C’est le syndrome de L’échappée qui frappe encore, tel le coronavirus Cova dans Épidémie. Malgré les impossibles voyages de Fanny (Ludivine Reding) au Nunavut et ses bijoux de visage achetés au rabais chez Ardene, je suis incapable d’arrêter de regarder Fugueuse 2 à TVA.

Le fameux « puppy party », les soirées olé olé au Glitch, le salon de massage Sublime de Natacha (Kimberly Laferrière) ou le bar toujours à moitié vide du Vol de nuit, tous les lundis à 21 h, je ne rate rien des mésaventures de la petite 450 de Damien (Jean-François Ruel).

Mais pourquoi poursuivre l’écoute d’une série dont le scénario comporte autant de trous que les jeans de Fanny déguisée en « squeegee » ? Excellente question. 

D’abord, pour découvrir le responsable de la mort des jeunes de la rue. Cette portion de l’intrigue de Fugueuse 2, qui stagne actuellement, s’avère la plus captivante.

Aussi, de semaine en semaine, on se demande quand exactement l’agent Fanny Couture se fera pincer par le méchant Carlo (Iannicko N’Doua). Ça ne devrait plus tarder, genre dans le prochain épisode, car les techniques d’infiltration de Fanny – deux ou trois tresses sur le côté de la tête et un anneau à la lèvre inférieure – restent à peaufiner.

J’aime que Fugueuse nous montre de nouveaux visages, et pas uniquement dans des rôles secondaires. Kevin Ranély, qui incarne Karim le petit caïd, est un coup de cœur. Jemmy Echaquan Dubé, qui interprète la prostituée autochtone Daisie, s’en sort bien.

Et Robin L'Houmeau, qui joue le fugueur Yohan, a également hérité d’une partition costaude, celle d’un jeune trans d’Amqui en processus de changement de sexe.

La réalité des personnes trans a toutefois été abordée de façon carrée par la scénariste Michelle Allen. « Je suis une fille ! Je veux me faire opérer, bon ! » La transition de Yohan en Alex a été expédiée en une poignée de répliques-chocs, écrites en lettres capitales. Ce sujet délicat mérite plus de nuances et de sensibilité, mais au moins, un réseau populaire comme TVA en parle en heure de grande écoute. C’est déjà ça.

La mort d’Ariane (Laurence Latreille) à venger, l’implication du mystérieux avocat Jérôme Montagne (Nicolas Canuel) dans les disparitions d’itinérants et la réinsertion de Damien en société (il flippe des boulettes dans un casse-croûte) : il y a encore de la matière intéressante à touiller dans Fugueuse 2.

Il y a aussi un paquet de trucs qui clochent. Par exemple, la chanson de Damien/Bone ne passerait jamais à la radio commerciale québécoise. « Pute pour une nuit, c’est une pute pour la vie », non merci.

Le pauvre Christophe (excellent Jean-Simon Leduc) n’a pas allumé très vite sur la double vie de Fanny. Une mission au Nunavut, sérieux ? Et pourquoi Fanny, après avoir autant souffert de l’emprise de Bone, en a-t-elle gardé le tatouage ? Personne n’a voulu se cotiser pour des séances de laser ?

La patronne de Fanny, campée par Marie-France Lambert, est probablement la pire patronne depuis Mme Lauzon (Véronique Le Flaguais) dans Rumeurs. Elle voyait que son agente junior souffrait de stress post-traumatique et l’a quand même jetée dans la gueule du loup (ça, c’est Carlo).

Honnêtement, la vie amoureuse de Laurent (Claude Legault) et son divorce d’avec Mylène (Lynda Johnson), on s’en fiche pas mal. Ça ne fait que ralentir la trame principale.

Tous ces bouts d’intrigues ne forment pas une mosaïque cohérente. Reste que nous sommes 1,8 million de téléspectateurs à suivre Daisie, Fanny et l’intrigante escorte Michelle Garcia (Miryam Magri), qui a frappé à la mauvaise porte lundi soir.

On regarde Fugueuse comme on lit le savoureux roman Saga, de Tonino Benacquista : jusqu’où les scénaristes iront-ils pour conserver notre attention ? Apparemment, très loin.

L’échappée, qui rejoint 1,5 million d’accros, pince ces mêmes cordes sensibles. Oui, c’est absurde et irréel. La captivité de Joëlle (Laurie Babin) au Nouveau-Brunswick, le masque de latex du tueur David (Patrick Hivon), les policiers qui n’enquêtent que sur les trois ou quatre mêmes personnages, les kayaks du kiosque, Brigitte (Julie Perreault) et Martine (Sophie Bourgeois) qui sont demi-sœurs, c’est étirer l’élastique de la crédibilité à son maximum.

Et vous savez quoi ? Ni Fugueuse ni L’échappée n’emmerdent leurs fans. On rouspète, on râle, on s’emporte, mais on reste à l’écoute, semaine après semaine.

Maintenant, il faudrait juste ne pas abuser des séquences où Fanny court en panique dans les rues de Montréal et où Brigitte roule à vélo sur le bord de l’autoroute à Sainte-Alice-de-Rimouski. En respectant ces consignes, on devrait être corrects.

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