Opinion

L’immobilisme énergétique

Les annonces du gouvernement en matière d’énergie se multiplient. Cette semaine, c’est le plan d’action 2017-2020 de la politique énergétique 2030, qui contient 42 actions allant dans à peu près toutes les directions. 

Deux de ces actions auraient cependant pu vous toucher directement : la première concerne les cibles de réduction de consommation de pétrole. La seconde, l’éventuelle modernisation de la tarification de l’électricité. Dans les deux cas, le gouvernement semble nous diriger vers l’immobilisme. C’est confortable.

Le problème, c’est que par ailleurs on voudrait faire une transition énergétique. Or le changement se fait rarement dans le confort. Pensez par exemple à quelqu’un qui arrête de fumer : c’est dur. Il faudrait être un peu lucide et ne plus se bercer d’illusions. 

Sans changement, le changement énergétique ne surviendra pas. Notre confort devra être un peu bousculé.

Philippe Couillard reconnaissait lui-même en avril 2016, dans son mot d’ouverture de la politique énergétique 2030, qu’il « est nécessaire de transformer nos habitudes de consommation d’énergie ». Il le répète même une deuxième fois dans son texte de six paragraphes : « transformer nos habitudes de consommation d’énergie ». C’était de très bon augure !

Maintenant qu’il est l’heure de passer à l’action, un premier décret (datant du 15 juin dernier), indique que même si l’on souhaite une réduction de 40 % de la consommation de pétrole pour 2030, d’ici 2023, ce n’est que 5 % qu’on va viser. Dans les cinq ans entre 2018 et 2023, 5 % de réduction. Pour les sept années suivantes, 35 %. Cela ressemble-t-il à un plan qui va « transformer nos habitudes » ? Repousser à plus tard, c’est la meilleure manière de rater nos cibles.

Nécessité de tout revoir

Le gouvernement devrait d’ailleurs réaliser qu’en matière de ratage de cible, il est aussi temps de changer les habitudes : pour les produits pétroliers (la source d’énergie la plus chère et la plus émettrice de gaz à effet de serre au Québec), les cibles d’efficacité énergétique 2006-2015 ont été ratées de près de 90 %. En somme, rien n’a fonctionné dans nos récents programmes d’efficacité énergétique pour le pétrole. Il serait impératif de tout revoir… et de viser des résultats rapides, si on veut se donner une chance de réussir notre cible ambitieuse.

L’électricité, les biocarburants et le gaz naturel peuvent contribuer, mais ne seront jamais en mesure de nous mener à la cible – il faudra aussi changer nos habitudes sur la route, pas seulement de carburant.

La deuxième action qui aurait pu vous toucher concerne l’avis de la Régie de l’énergie sur « les mesures susceptibles d’améliorer les pratiques tarifaires dans le domaine de l’électricité et du gaz naturel ». Le gouvernement a rendu public cet avis jeudi dernier. Les régisseurs ont-ils entendu l’appel de M. Couillard à la « transformation des habitudes » ? Certes non.

Au contraire, la Régie propose au gouvernement de ne rien changer, simplement de demander à Hydro-Québec des « propositions d’options volontaires ». C’est comme si au diabétique à qui le médecin prescrit de changer de mode de vie, on proposait de songer à boire des boissons gazeuses « diète ». Alors que cet avis aurait pu pousser à amorcer la transition énergétique, les recommandations sont essentiellement de ne rien faire. D’étudier quelques possibilités marginales, et d’attendre à un autre jour pour passer à l’action.

Sujets explosifs

Évidemment, à un an des élections, annoncer de vraies initiatives qui pourraient « transformer nos habitudes » est un risque. Le prix de l’essence et de l’électricité sont des sujets explosifs. Politiquement, l’immobilisme est certainement plus payant à court terme.

Mais cela fait plus de 20 ans que le Québec fait du surplace sur le plan énergétique. Tout le monde s’entend par ailleurs sur la nécessité d’une transition énergétique. Le premier ministre lui-même est le premier à appeler à la transformation des habitudes. Pourquoi donc ne s’écoute-t-il pas ? Les Québécois sont capables d’être portés par un projet de changement qui, oui, changera leurs habitudes. Ce projet peut nous enrichir, rendre le Québec encore plus agréable, et bien positionner l’économie pour un climat en changement. À un an des élections, le Québec a besoin d’un projet pareil et d’ambitions, pas d’immobilisme camouflé en une pléiade d’actions.

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