Les ados vus par leurs médecins
Soigner un adolescent, c’est l’accompagner dans son traitement pour en faire un adulte autonome face à sa maladie. Sans toutefois perdre de vue l’essentiel : malade ou pas, un ado est d’abord un ado. Paroles de médecins.
Difficiles, les ados ?
Moins d’un adolescent sur deux (entre 40 et 50 %) suit son traitement médical comme il faut. « Ce n’est pas le propre de l’adolescence », précise toutefois Richard Bélanger, pédiatre et médecin de l’adolescence au CHU de Québec. Les adultes sont à peine plus nombreux – entre 50 et 60 % – à faire preuve de rigueur. Suivre correctement son traitement, c’est bien plus que de prendre ses médicaments selon l’ordonnance, souligne Chantal Stheuner, pédiatre à l’hôpital Saint-Justine. Plusieurs autres paramètres permettent d’évaluer « l’adhérence au traitement » : le patient est-il présent à ses rendez-vous ? Suit-il sa diète ? Voit-il son physiothérapeute ? « Il y a plus de choses qui sont oubliées ou de traitements qui sont arrêtés [chez les adolescents] », souligne-t-elle.
Au centre de l’intervention
« Il est très important, lorsque l’enfant aborde l’adolescence, de réannoncer le diagnostic comme si l’adolescent était un nouveau patient pour qu’il puisse poser toutes les questions qu’il veut et comprendre sa maladie », soutient Chantal Stheuner. Placer l’adolescent – et non plus ses parents – au centre de l’intervention médicale est une façon de l’impliquer. « Ce qui est très payant, c’est d’aller vers l’adolescent et de lui demander ce qui est pénible ou difficile pour lui, explique l’endocrinologue Céline Huot, qui traite des jeunes atteints du diabète. La difficulté peut être de calculer ses doses [d’insuline], mais je dirais que le plus difficile [pour un ado] est de se sentir exclu du groupe d’amis. » L’enjeu n’est donc pas forcément le traitement en soi, mais sa relation avec les défis de l’adolescence elle-même : acceptation de soi, appartenance au groupe, développement de l’identité et de l’autonomie.
Être comme les autres
Les mauvais plis se prennent d’abord et avant tout en raison de la reconnaissance que les adolescents veulent obtenir de leurs pairs. Ainsi, un jeune diabétique peut avoir du mal à s’injecter rigoureusement de l’insuline parce qu’il ne veut pas être vu par ses amis ou refuse de passer par les toilettes en route vers la cafétéria de l’école, illustre Céline Huot. Les médicaments qui peuvent avoir un impact sur l’apparence, comme la cortisone, sont aussi susceptibles de poser problème. « Si on a déjà de la difficulté avec son corps, et même si on n’en a pas, la façon dont le médicament affecte le corps peut amener un ado […] à moduler son traitement », dit Richard Bélanger. Il en est de même avec l’humeur : un jeune peut vouloir cesser de prendre son médicament pour le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité parce que ses amis le trouvent soudainement moins divertissant…
Sexe, drogue et alcool
Sans surprise, l’alcool et la drogue – et leur interaction potentielle avec les médicaments – sont des sujets incontournables pour les médecins qui traitent des adolescents. « Il faut faire attention de ne pas être catastrophiste et de ne pas juger, sinon, ça ne donnera rien du tout », dit toutefois Chantal Stheuner. « Certains traitements peuvent avoir un impact sur la fertilité, souligne par ailleurs Richard Bélanger. Il est important de se questionner avec les jeunes. » Olivier Jamoulle, médecin de l’adolescence à l’hôpital Sainte-Justine, signale que des spécialistes comme lui peuvent aussi prendre le relais d’autres médecins qui trouveraient difficile de parler de sexualité avec un patient qu’ils suivent depuis l’enfance.
Confidentialité
Tous les médecins interrogés insistent sur la nécessité d’établir un partenariat avec les adolescents qu’ils traitent. « C’est une danse à deux : deux pas en avant, deux pas en arrière, deux pas de côté », illustre Céline Huot. Pour tisser ce lien, ils ont un atout : dès 14 ans, la relation entre un médecin et son patient peut être confidentielle. Cette marge de manœuvre est « essentielle », selon Olivier Jamoulle. Ainsi, les médecins passent peu à peu plus de temps seul avec l’adolescent et le parent finit par n’être invité dans le bureau qu’au moment de résumer la consultation. Cette période de transition contribue à responsabiliser le jeune face à sa maladie et à son traitement. « Des ados, ça ne devrait pas être vu comme des enfants, estime Richard Bélanger, et on souhaite qu’ils deviennent des adultes épanouis. »
Et les parents ?
Le soutien des parents est jugé « essentiel » pour assurer le passage des soins pédiatriques aux soins autonomes. « On souhaite que les parents soient des guides plutôt que des prescripteurs », dit toutefois Richard Bélanger. Certains peuvent avoir du mal à lâcher prise, mais la plupart des parents sont d’excellents partenaires, disent les médecins consultés. « Malgré tout, insiste Céline Huot, le contrat doit être passé avec l’adolescent. Nécessairement. C’est l’adolescent qui va nous permettre de savoir si la collaboration des parents [est favorable] et comment elle doit se manifester. »