Les limites du consentement souvent franchies chez les couples adolescents

Sciences sociales, biologie, génie, santé : toute la semaine, nos journalistes font le compte rendu des meilleures recherches dévoilées lors du 85e congrès de l’ACFAS, la grand-messe de la science en français qui rassemble cette année plus de 5000 chercheurs et étudiants à l’Université McGill.

Une adolescente sur cinq et un adolescent sur seize subissent de la violence sexuelle de la part de leur partenaire amoureux, selon une vaste recherche menée auprès de 8000 jeunes Québécois. Des chiffres qui font dire aux auteurs qu’il faudrait mieux sensibiliser les adolescents à la notion de consentement, même au sein des couples.

20 %

Pas moins de 20 % des filles de troisième, quatrième et cinquième secondaire rapportent avoir subi de la violence sexuelle de la part de leur partenaire alors qu’elles étaient engagées dans une relation amoureuse. La proportion atteint 6 % chez les garçons du même âge.

« Cette prévalence est élevée, commente Valérie Théorêt, doctorante à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et première auteure de la recherche. Dans les faits, il est possible que la violence vécue soit encore plus élevée, car nous avons seulement considéré les actes subis pendant la dernière relation amoureuse de la dernière année. »

Mme Théorêt a mené cette recherche avec Amélie Tremblay-Perreault, aussi doctorante à l’UQAM. Les deux jeunes chercheuses ont pu bénéficier des résultats d’une vaste étude qui a suivi, pendant trois ans, les parcours amoureux de pas moins de 8184 adolescents québécois de troisième, quatrième et cinquième secondaire. L’échantillon a été construit de façon à pouvoir refléter fidèlement l’ensemble des jeunes Québécois. Les professeurs Martine Hébert et Martin Blais, de l’UQAM, et Francine Lavoie, de l’Université Laval, sont les responsables de cette étude longitudinale.

Contacts et relations non désirés

Lorsqu’on interroge les adolescents sur la forme de violence subie pendant leur relation amoureuse, les contacts sexuels non désirés arrivent en tête (15 % des filles et 4 % des garçons), suivis par les tentatives de relation sexuelle (14 % des filles et 3 % des garçons) et les relations sexuelles non désirées avec pénétration (7 % des filles et 2 % des garçons).

« À cet âge, les jeunes vivent leurs premières relations amoureuses. Ils n’ont pas de points de repère et il y a beaucoup d’ambiguïté. Il est difficile pour eux de savoir ce qui est acceptable ou non », souligne Amélie Tremblay-Perreault. Elle souligne toutefois que le fait qu’autant d’adolescentes et d’adolescents aient rapporté vivre de la violence dans un questionnaire montre bien qu’ils savent que leurs propres limites sont souvent franchies.

Pression verbale

Les arguments et la pression verbale sont les tactiques les plus courantes pour imposer la violence (88 % des personnes qui ont subi de la violence les rapportent).

« Il se peut que la coercition verbale soit perçue comme une tactique plus socialement acceptable par les jeunes, avance Valérie Théorêt. Souvent, c’est mis de côté dans les discussions sur la violence sexuelle. Mais dans un couple, ça peut être très dommageable de sentir qu’on est obligé d’avoir des relations sexuelles. »

« La ligne est très mince. Il est difficile de savoir quand ça arrête d’être acceptable, quelle remarque est de trop », ajoute Amélie Tremblay-Perreault, qui souligne l’importance de la discussion dans un couple.

La force physique (chez 28,2 % des victimes de violence) et l’utilisation de drogue et d’alcool pour intoxiquer son partenaire (15 % des victimes) sont aussi beaucoup rapportées.

« Ce sont des chiffres importants quand on considère qu’on est dans le contexte d’un couple », commente Valérie Théorêt.

Consentement

Selon les chercheuses, les résultats soulignent l’importance de parler de la notion de consentement, même au sein des couples.

« Il y a la croyance que si tu es en couple avec quelqu’un, ça veut automatiquement dire que tu veux tout le temps. Mais le consentement dans une relation amoureuse doit être sans cesse réitéré. Ce n’est pas parce que tu as eu une relation sexuelle une fois que tu dois accepter tout le temps par la suite », dit Amélie Tremblay-Perreault.

Sa collègue estime que l’école a un rôle à jouer pour faire comprendre ces notions – et, idéalement, avant que les jeunes commencent à avoir des relations amoureuses et sexuelles.

« Les programmes d’éducation à la sexualité sont censés revenir, dit Valérie Théorêt. Ces résultats montrent bien la pertinence de les ramener et la nécessité d’y inclure des discussions sur le consentement. »

En bref

Les grèves étudiantes uniques au Québec

Les grèves étudiantes sont pratiquement inexistantes dans les autres provinces, selon un étudiant au doctorat en sociologie de l’Université McGill. « Je me suis rendu compte de ça lors des grèves de 2012, dit Alessandro Drago, qui présentera ses résultats demain. J’étais dans un cégep anglophone et je n’ai pas réussi à organiser une grève. » La tradition française de grèves étudiantes, l’appui des syndicats aux associations étudiantes et les lois québécoises qui, contrairement aux autres provinces, facilitent la perception des cotisations aux associations étudiantes expliquent la différence, selon lui. L’existence des cégeps jouerait aussi un rôle, car « ce sont deux années propices à la mobilisation étudiante », selon M. Drago.

— Mathieu Perreault, La Presse

Fini la résidence permanente conditionnelle

L’abolition à la fin du mois d’avril de la résidence permanente conditionnelle (RPC) pour les immigrants arrivés par parrainage conjugal est une excellente chose, selon une professeure de travail social de l’Université de Toronto. « Les libéraux ont admis qu’il y avait très peu de mariages de complaisance dans le lot, et c’était un réel problème pour les femmes en situation de violence conjugale », dit Rupaleem Bhuyan, qui fera une présentation vendredi. La RPC, qui n’était appliquée qu’aux unions de moins de deux ans, a été instaurée en 2012 par les conservateurs et a touché 28 % des parrainages conjugaux, selon Mme Bhuyan. 

— Mathieu Perreault, La Presse

La garde partagée sous la loupe

Depuis 2006, l’Australie considère que la garde partagée est l’option de référence en cas de séparation parentale. Cette approche, aussi retenue par la Belgique, a permis de mesurer les effets de la garde partagée sur les enfants. Amandine Baude, psychologue de l’Université Laval, présente ce matin une méta-analyse de l’impact de la garde partagée. « Les parents qui choisissent la garde partagée ont souvent des revenus et une éducation plus élevés et s’entendent généralement mieux. Ça nécessite plus d’organisation, plus de coparentalité, et c’est plus coûteux, notamment parce qu’il faut avoir des choses en double. »

— Mathieu Perreault, La Presse

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