Cyclisme

La quête de défis de
Lyne Bessette

Ultramarathon, courses par étapes en vélo de montagne, triathlon extrême... Ce n’est pas parce que l’ancienne olympienne Lyne Bessette a pris sa retraite du cyclisme que le sport ne prend pas encore une grande place dans sa vie. Rencontre avec une athlète qui continue de carburer à la performance.

lyne bessette

De nature
et

d’aventure

Dans l’entrée, les skis de montagne et les peaux d’ascension sont prêts à être utilisés dans les sentiers autour de Sutton. Au sous-sol, les chaussures de course sont alignées à côté d’un tapis roulant. Évidemment, le vélo n’est pas très loin. « Avant, le sport représentait 90 % de ma vie parce que c’était mon travail. C’est toujours une grosse partie puisque j’aime encore participer à de gros événements », lance Lyne Bessette.

L’ancienne cycliste, olympienne à deux reprises (en 2000 et en 2004), nous a donné rendez-vous dans la résidence estrienne qu’elle et son conjoint Tim Johnson possèdent depuis trois ans. Légèrement à l’écart du village, le terrain de jeu est idéal pour mélanger les sports en fonction des saisons. Le mont Sutton n’est situé qu’à cinq minutes de voiture, tandis que les sentiers, tout proches, permettent de pratiquer autant le vélo de montagne que la course à pied. Voilà ce qui compose une bonne partie du quotidien de l’athlète de 43 ans dont le temps se partage entre le Québec et le Massachusetts.

« J’ai eu une super carrière. Je la referais en changeant certaines choses, mais c’est vrai que j’ai maintenant le beau côté du sport. »

— Lyne Bessette

« Je fais ce que je veux et je suis encore en forme pour dire oui à n’importe quoi. Je suis active dans plusieurs domaines. Alors, si on me demande : “Ça te tente-tu de faire une aventure à telle place ?”, c’est sûr que je vais y aller sans souffrir comme une folle. Il n’y a pas tant de filles fortes et disponibles », dit-elle.

Son calendrier 2019 commence d’ailleurs à se remplir tranquillement. Il y aura, entre autres, un ultramarathon, des courses par étapes en vélo de montagne, un triathlon extrême et une course en orientation. « C’est une petite année », jure-t-elle. On la croit quand on passe en revue le contenu de ses années précédentes.

Au Québec ou en Nouvelle-Angleterre, elle a gagné son lot d’épreuves de skimo et de courses en sentier comme le XTrail Sutton, le 5 Peaks Orford ou la Trans Vallée X. Son palmarès inclut aussi le Raid International Gaspésie, qu’elle dispute depuis six ans.

« Je ne fais pas ces compétitions juste pour le fun. Je n’accepte pas encore l’idée de faire une épreuve sans performer. »

— Lyne Bessette 

« Dans ma tête, je sais que je suis encore capable d’y arriver et je mets donc beaucoup de temps pour réussir. Je ne veux pas me décevoir moi-même et, en même temps, je ne veux pas décevoir les autres. Pourtant, les autres s’en foutent. Ils savent ce que j’ai accompli. […] Je me suis diversifiée avec le temps. Les gens diraient que je suis excellente, mais je me considère pas pire dans tout. »

La veille de notre entrevue, Lyne Bessette s’est accordé une « journée de congé » en raison d’une météo capricieuse. Elle n’a donc fait qu’une heure de vélo et trente minutes de course dans son sous-sol. Elle note son programme d’entraînement dans son calepin. « Certains ne seraient pas capables de faire ça. Mon chum [un ancien champion américain de cyclo-cross] capote, mais il me laisse faire. Il sait que j’aime ça. Les gens ne réalisent pas que ça prend beaucoup de travail pour être au niveau auquel je suis encore. »

« Élargir mon côté aventurier »

Qu’est-ce qui fait courir et pédaler Lyne Bessette ? « Le côté défi et la nouveauté », répond-elle sans hésiter. C’est pour poursuivre cette quête d’aventure qu’elle s’est rendue dans le Grand Canyon, dans les Rocheuses, en Chine ou en Argentine. L’automne dernier, elle a ajouté le Brésil dans sa liste de destinations en participant à l’épreuve mixte de la Brasil Ride. Elle et son partenaire ont évidemment remporté cette compétition de 600 kilomètres avec 13 000 mètres de dénivelé positif.

« Je n’y ai pas pensé à deux fois quand on m’a invitée. Là-bas, c’était sept jours de course de vélo de montagne et six heures par jour à fond. Autant j’ai fait beaucoup de route, autant je n’ai pas fait beaucoup d’étapes en vélo de montagne. Ça a été un défi, mais j’aimerais y retourner encore cette année. »

S’il fallait trouver une compétition à son image, ce serait certainement le Canada Man, un triathlon extrême organisé dans la région de Mégantic. Au programme, 3,8 kilomètres de natation, 180 kilomètres de vélo, puis un marathon avec, au total, un dénivelé positif de 4000 mètres. Elle a remporté le volet féminin lors de ses deux participations, en plus de finir troisième au classement général l’an dernier.

« C’est une course parfaite pour moi parce que j’ai fait beaucoup de courses d’aventure avec des journées de 12-13 heures. En plus, il y a des côtes en vélo, et la course à pied est un mélange de route et de sentiers avec du dénivelé. »

— Lyne Bessette, à propos du triathlon extrême Canada Man 

« Le seul hic, c’était la natation. La première année, j’ai paniqué et j’ai dû m’accrocher à un kayak pendant quelques minutes. »

L’eau n’est donc pas son élément même si un petit étang, à côté de la maison, lui permet de faire quelques entraînements sous le regard de ses deux chiens, Monkey May et Little Man. Une épreuve sur l’eau, avec une descente en kayak par exemple, serait pour elle le plus gros défi qui soit. Et au chapitre des courses qui la font rêver, elle pointe l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB). « Peut-être que j’irai un jour, mais il y a un système de points pour y participer. Je pourrais peut-être utiliser mon statut d’olympienne pour passer des étapes. »

UTMB ou pas, Lyne Bessette sera toujours partante pour de nouvelles aventures ici ou ailleurs. Les skis, les chaussures et le vélo ne sont jamais bien loin.

Lyne Bessette

Une « mini-discussion » avec
Geneviève Jeanson 

Lyne Bessette a baigné dans le sport dès sa plus tendre enfance. Le samedi était la journée du ski alpin. Le dimanche, toute la petite famille se rendait chez sa grand-mère en skis de fond. « On n’était pas des enfants d’intérieur. On avait des jeux Atari, mais ça durait cinq minutes et on partait dehors », se souvient-elle.

Elle a ensuite démarré la course à pied à l’âge de 11 ans avant de se tourner vers le vélo à la fin de l’adolescence. La suite est bien connue, avec une médaille d’or aux Jeux du Commonwealth, une multitude de victoires nationales et internationales, ainsi que deux aventures olympiques. Son parcours est aussi associé à celui de Geneviève Jeanson, reconnue coupable de dopage à l’érythropoïétine (EPO). Lyne Bessette a récemment tenu à tourner la page.

« Je lui ai envoyé un petit message sur Facebook en la félicitant pour son nouveau projet [elle est désormais entraîneuse en chef d’un gymnase Orangetheory Fitness]. C’était juste un petit mot bien simple parce que j’avais besoin de le faire. On n’était pas amies sur Facebook, alors je me disais qu’elle n’allait pas me répondre. Mais elle l’a fait. On est venues à se dire qu’on ne savait pas trop comment l’autre se sentait après tout ce qui passait et que, peut-être, on en discuterait un jour, devant un verre de vin. On a gardé ça ouvert. On a eu une mini-discussion, et c’est juste ça dont j’avais besoin. »

Un début de retraite du vélo difficile

Bessette a pris sa retraite du vélo de route en 2006. Elle s’est ensuite concentrée sur le cyclo-cross pendant deux ans. La période qui a suivi s’est avérée particulièrement difficile pour l’Estrienne. À tel point qu’elle n’avait plus le même appétit pour la pratique du sport.

« Ça a été tough parce que je n’avais pas fini ma carrière d’une belle façon. J’étais aux Championnats du monde de cyclo-cross en Italie, j’étais stressée, et je me suis dit que ça ne me tentait pas d’aller courir. J’ai comme arrêté ça là. En 2009, je ne savais pas trop quoi faire de mon temps. J’avais un labrador brun, Vitesse, et on marchait trois heures par jour. »

« Je me suis aussi mise à tricoter et à regarder la télé. Je n’étais pas dedans. Je savais que, quand tu es dépressif, soit tu bouffes, soit tu ne manges pas. Je me suis dit que j’allais tricoter à la place de manger. »

— Lyne Bessette

Il lui a fallu une bonne année « avant de se sortir du trou » et de retrouver des réflexes d’athlète. Elle a pourtant résisté à plusieurs reprises avant d’accepter la proposition qui allait lui permettre de « mieux boucler la boucle de son sport ». Le remède : le paracyclisme sur route en tandem.

« Après plusieurs appels, j’ai dit : “OK, c’est beau. Je vais l’essayer, mais je ne vous promets rien.” […] La journée du Championnat canadien, j’ai rencontré ma partenaire, Robbi [Weldon], mais je ne voulais pas faire la course. Je pleurais dans l’ascenseur de l’hôtel, j’étais stressée, j’avais peur de tomber ou de ne pas être capable. Mon coach m’a dit de prendre ça cool, de partir et d’arrêter après cinq minutes si j’étais tannée. Il savait que je n’allais pas arrêter. On a ensuite été championnes du monde sur route, championnes du monde au contre-la-montre, championnes des Coupes du monde et championnes paralympiques. »

Une multitude de rôles

Quand elle n’est pas sur les pistes, les routes ou les sentiers, Lyne Bessette agit à titre d’ambassadrice pour bon nombre de commanditaires. En plus d’organiser la course « Les 100 à B7 » sur les routes de son Estrie natale, elle est membre du conseil d’administration du Centre national de cyclisme de Bromont et de la fondation de parasport de Shelley Gautier.

« Mon quotidien est composé d’un petit peu de tout ça. Je ne serais pas capable d’être assise dans un bureau et de travailler de même, dit-elle en faisant semblant de taper à l’ordinateur. Chaque jour, j’ai ma liste. Je coche et quand c’est fini, je passe au lendemain. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.