Chronique

Legault dans l’ascenseur Trump ?

Une baisse de 6 % en un mois dans les intentions de vote pour n’importe quel parti, c’est mauvais. Un tel recul pour un parti qui vient d’élire un nouveau chef, c’est très mauvais.

Devant de tels chiffres, on cherche la gaffe du nouveau chef, on essaye de trouver la contre-performance. En vain. Jean-François Lisée, il est vrai, a connu des débuts hésitants à l’Assemblée nationale à la tête de son parti et de l’opposition officielle, mais rien pour faire bouger l’aiguille à ce point. Le choix de ses premières questions et le ton n’étaient peut-être pas totalement « sur la coche », mais qui, au Québec, suit la période des questions assidûment au point de moduler son intention de vote sur une ou deux journées ordinaires d’un chef ?

Par ailleurs, c’est la Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault qui récolte le fruit des malheurs du Parti québécois (PQ) sans pourtant avoir particulièrement brillé au cours du dernier mois. Le chef de la CAQ et ses députés travaillent avec discipline et enthousiasme, y compris les fins de semaine, mais ils n’ont pas vraiment changé de stratégie et n’ont rien fait pour frapper à ce point l’imagination des électeurs.

Il faut donc chercher ailleurs. Pas très loin, juste au sud, chez nos voisins des États-Unis, qui viennent de laisser s’exprimer leur frustration contre les politiciens classiques et contre les « élites ». François Legault, qui ne s’est pas offusqué d’être comparé à Donald Trump (après la victoire de ce dernier), profite manifestement ici de l’effet « ascenseur » provoqué par la victoire inattendue du rouquin iconoclaste.

Un sondage, au risque de me répéter, ne fait pas une élection. C’est la tendance, sur une plus longue période, qu’il faut considérer pour déceler un mouvement. Que les électeurs considèrent François Legault comme un antidote aux « élites » est tout de même paradoxal, mais il est vrai que son parti est celui qui sait le mieux, ces temps-ci, faire vibrer les cordes sensibles des Québécois, notamment l’immigration, l’identité, le sort des aînés et des symboles populistes comme un registre des délinquants sexuels.

La bonne performance de la CAQ, première dans plusieurs régions, notamment à Québec, démontre que le vent de révolte souffle bel et bien.

Certains députés de la CAQ, notamment François Paradis et Nathalie Roy, font un travail de représentation très efficace et occupent un espace médiatique enviable. C’est vrai, en particulier, de François Paradis qui, avec son style d’animateur populaire, est en train de devenir un genre d’ombudsman pour les patients et les personnes âgées. Bon casting, comme on dit au cinéma.

Il est possible que la CAQ profite du ras-le-bol qui a porté Donald Trump au pouvoir, mais ce n’est pas la première fois qu’une offre politique populiste penchant à droite connaît au Québec du succès… dans les sondages. Mario Dumont et son Action démocratique du Québec (ADQ) ont été premier ministre et gouvernement en attente pendant des mois, au début des années 2000, atteignant des scores impressionnants de 44 % dans les intentions de vote. Aux élections générales de 2007, l’ADQ s’est même hissée au rang d’opposition officielle, réduisant les libéraux au statut de gouvernement minoritaire.

Il y avait, à l’époque, un fort vent d’inquiétude au Québec en raison du débat sur les accommodements raisonnables. Mais ces phénomènes sont circonstanciels et même si la remontée de la CAQ retiendra aujourd’hui l’attention, il reste que le Parti libéral est encore loin devant aux intentions de vote générales et que si les Québécois devaient voter maintenant, Philippe Couillard se sauverait encore une fois avec un gouvernement majoritaire.

Le défi pour François Legault est de faire passer sa CAQ de parking pour insatisfaits entre les élections à véritable voie crédible vers le pouvoir. Dans deux ans, lors des prochaines élections au Québec, après vingt-quatre mois d’administration Trump, que restera-t-il vraiment de cette envie de donner un grand coup de pied dans l’urne ?

Dans l’immédiat, la CAQ se doit de profiter de ce vent de dos dans les prochaines élections partielles, le 5 décembre dans Arthabaska et Saint-Jérôme, deux circonscriptions qu’elle a déjà détenues récemment.

Feu rouge à Lisée ?

Ce sondage défavorable au PQ arrive précisément au moment où reprend le flirt entre le PQ et Québec solidaire (QS).

Le pari est délicat : le chef péquiste a besoin de ramener les progressistes et les jeunes partis chez QS (et, dans une moindre mesure, chez Option nationale), mais ce faisant, il doit éviter de couper les ponts avec les électeurs partis à la CAQ et qui seraient tentés de revenir au PQ. La proximité de QS les refroidirait.

Pour M. Lisée, il ne s’agit pas seulement de réunir les forces pour battre les libéraux, il faut aussi marcher en funambule sur le fil de fer de la stratégie référendaire en essayant de satisfaire tout le monde.

La tiédeur de QS envers le peu d’empressement de Jean-François Lisée à tenir un référendum n’est peut-être qu’une stratégie de négociation en vue des pourparlers de rapprochement, mais elle démontre néanmoins que ce n’est pas aussi simple que de dire : 1 + 1 donne 2, on unit nos forces et on bat les libéraux.

Le danger réel, ici, est de retomber dans le « syndrome du calendrier » et de faire fuir les électeurs qui ne veulent même pas entendre parler d’un référendum.

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