DONALD TRUMP

Un pas vers la destitution ?

Un tel développement demeure peu probable à court terme, mais la possibilité n’est plus aussi lointaine

Donald Trump vient de limoger le directeur du FBI James Comey, qui, faut-il le rappeler, pilotait une enquête sur les liens présumés entre la campagne de Trump et le gouvernement russe.

Il a justifié sa décision en alléguant que Comey avait mal géré son enquête sur les courriels d’Hillary Clinton en 2016 et qu’il avait perdu la confiance de ses collègues du Bureau. En plus d’être une explication peu crédible, c’est un revirement à 180 degrés pour Trump, qui avait encensé Comey pour sa sortie « courageuse » sur la négligence de Clinton dans la gestion de ses courriels. 

Inutile de dire que cette décision a pris tout le monde par surprise et a semé la consternation autant chez les démocrates chez les républicains.

Dans les circonstances, il devient difficile de conclure que le camp Trump n’a rien à cacher.

Cette dernière frasque a aussi ravivé les comparaisons avec Richard Nixon et les discussions sur une possible destitution du président Trump dans les médias américains.

Notons que la procédure de destitution est très rare. La section 4 de l’article II de la Constitution stipule que le Congrès peut destituer un président uniquement lorsqu’il y a des preuves de trahison, de corruption ou d’autres crimes et délits majeurs. Une majorité à la Chambre ainsi qu’une super majorité au Sénat (deux tiers) sont nécessaires pour boucler la procédure. 

Celle-ci a été invoquée seulement deux fois dans l’histoire du pays : la première contre Andrew Johnson et la deuxième contre Bill Clinton dans la foulée de l’affaire Lewinsky. Dans les deux cas, le Sénat a refusé d’emboîter le pas à la Chambre. Rappelons que le président Nixon avait choisi de démissionner en 1974 alors qu’il se dirigeait vers une destitution certaine à la suite de Watergate.

Le dossier russe

Les soupçons ne cessent de grandir dans le dossier des relations entre la Russie et sa garde rapprochée. Si les contacts et la coopération entre les deux camps ne font plus de doutes, il faut à présent prouver qu’il y a eu collusion et que le président lui-même était impliqué.

Le FBI, l’entité la mieux outillée et la moins partisane pour ce genre d’enquêtes, examine ce dossier depuis juillet 2016 et semblait avoir fait des progrès importants dans les dernières semaines. On sait aussi que les enquêtes menées au Congrès, en cours depuis janvier 2017, progressent rapidement, particulièrement au Sénat. Les témoignages récents de Sally Yates, ex-procureure générale adjointe, elle aussi limogée par le président en janvier dernier, et de James Clapper, ex-directeur du service du renseignement national, semblent avoir secoué la Maison-Blanche.

Les tentatives répétées du président et de la Maison-Blanche de faire déraper les enquêtes en cours et de brouiller les pistes par la diversion et la désinformation laissent croire que la panique s’est installée dans son camp.

Évidemment, Trump continue de tout nier en bloc. Rappelons que ce dossier a déjà fait de nombreuses victimes dans son entourage. Paul Manafort, le premier directeur de campagne de Trump candidat, est parti dans la disgrâce. Récemment, on a appris qu’il avait reçu des sommes importantes durant plusieurs années dans le but explicite d’orienter les positions politiques américaines dans le sens des intérêts de la Russie.

Michael Flynn, un allié de la première heure de Donald Trump qui fut nommé au poste clé de conseiller à la sécurité, a dû démissionner parce qu’il avait menti au vice-président à propos des liens qu’il entretenait avec la Russie. Le procureur général (ministre de la Justice) Jeff Sessions, un autre allié fidèle, a dû se récuser de l’enquête du ministère de la Justice sur les liens entre le camp Trump et la Russie à cause de son rôle important dans la campagne électorale de Trump.

Les liens financiers de longue date entre Trump et les oligarques russes commencent aussi à faire surface, et notamment de possibles opérations de blanchiment d’argent dans le secteur immobilier. Selon plusieurs observateurs, le refus de Trump de publier ses déclarations fiscales n’est qu’un indice de plus qu’il veut à tout prix empêcher que la lumière soit faite sur ses tractations financières avec les Russes.

Ajoutons à cela la perception que le gouvernement russe dispose d’informations compromettantes sur le président, soit financières ou personnelles, qui pourraient être utilisées pour le faire chanter. Cela expliquerait peut-être les éloges ou à tout le moins la grande retenue de Donald Trump envers Vladimir Poutine, une position qui détone avec la majorité de l’opinion publique et de son propre parti. En politique étrangère, le laissez-faire américain par rapport à l’invasion de la Crimée, l’offensive pro-russe en Ukraine et l’influence russe en Syrie, qui vient s’ajouter à une hostilité déplacée à l’égard de l’Union européenne, éveillent aussi les soupçons.

Si Trump est reconnu coupable de collusion ou de tout autre crime, il ne peut espérer la sympathie des républicains au Congrès. 

Dans un tel scénario, les élus républicains n’hésiteront pas à confier le pouvoir au vice-président Mike Pence, un authentique conservateur, nettement plus populaire que Trump auprès du parti et de l’opinion publique.

Les élections de 2018 approchent à grands pas pour plusieurs représentants au Congrès, et ils n’hésiteront pas à quitter un navire qui coule.

La destitution demeure peu probable à court terme, mais la possibilité n’est plus aussi lointaine. Une chose est sûre :  le président est de plus en plus perçu comme une menace pour les institutions américaines, incluant par certains membres de son propre parti.

* Chercheur au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal

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