ARTS

Concours international de Montréal

Dans notre brève sur le Concours musical international de Montréal, publiée vendredi, nous écrivions que le premier prix, offert par la Ville de Montréal, était d’une valeur de 300 000 $. Il fallait bien sûr lire 30 000 $. Toutes nos excuses. — La Presse

Les lignes horizontales

Le labyrinthe de l’existence

Ma vie rouge Kubrick

Simon Roy

Éditions du Boréal,

163 pages

Mon rôle de parrain d’honneur du Prix littéraire des collégiens m’a amené à participer à une causerie littéraire… Oui, oui, une causerie littéraire, en compagnie de 56 représentants étudiants, où nous devions discuter des cinq œuvres finaliste pour le prix. C’est L’Orangeraie de Larry Tremblay qui a obtenu la faveur du jury.

Ladite causerie était menée par M. Carl Perrault, professeur de français au Collège Jean-de-Brébeuf, qui m’a offert du coup Ma vie rouge Kubrick de Simon Roy. Je constatai avec plaisir que mon exemplaire était dédicacé par l’auteur, comme suit : 

À Louis-José Houde,

Puissiez-vous ne jamais vous égarer dans les méandres sinueux du labyrinthe de l’existence.

Je me suis promis de placer cette phrase lors de mon prochain passage à Salut, bonjour !.

Ma vie rouge Kubrick est un livre difficile à décrire car il porte la grande qualité de ne ressembler à rien. L’auteur, lui, porte une fascination pour le film The Shining, de Stanley Kubrick, L’enfant lumière en français.

Un premier visionnement partiel et accidentel au début des années 80, alors que le jeune Simon est atteint de préadolescence (je dis « atteint » parce que jamais une glorieuse période), et il est immédiatement frappé par l’image, le ton et les personnages du film.

Au début, on serait en droit de se demander comment l’auteur pourra tenir 160 pages sur sa fascination pour un film, mais c’est exactement ce qui n’arrivera pas. La mère de l’auteur se trouve en fin de vie. Une vie volée, abîmée par un violent drame familial datant de 1942. En gros, le grand-père tue la grand-mère à coups de marteau. On est loin de la causerie littéraire.

La vie des grands-parents de l’auteur, celle de sa mère et sa propre vie rencontreront un nombre inusité de similarités avec le film The Shining, et c’est ce qui constitue en fait la matière de l’histoire.

Le livre se dévore. Un sans-signet. Je n’ai jamais fait appel à un signet pendant Ma vie rouge Kubrick. Quand on y pense, qui a vraiment besoin d’un signet ? Comment est-il possible de ne plus se souvenir d’où on est rendu dans sa lecture si on y porte le moindre intérêt ? Qui arrête de lire à la page 52, revient trois heures plus tard et fait : « Ah non… de quoi ça parlait ? Impossible que je m’y retrouve moi-même… Seigneur, me voilà égaré dans les méandres sinueux du labyrinthe de l’existence… »

Je mets toujours des voix sur les personnages d’un livre lors d’une lecture. Mais il est ici question d’un film, il est donc facile d’avoir dans la tête la voix des personnages lors de la lecture de dialogues. C’est pratique. On apprendra d’ailleurs que l’acteur qui double Jack Nicholson dans la version française de The Shining est nul autre que Jean-Louis Trintignant, choisi par Kubrick lui-même, et dont la fille, Marie Trintignant, périra plus tard sous les coups de son mari Bertrand Cantat. Quand on sait que le personnage de Jack Nicholson passe pas mal la dernière demi-heure du film à vouloir tuer sa femme avec une hache, et qu’on pense au drame des grands-parents de l’auteur, on est amené à arrêter de lire et regarder dans le vide pendant un moment.

Et il s’agit d’un seul exemple parmi un nombre surprenant de coïncidences reliant le film à la réalité.

Évidemment, dès le début on a envie de revoir The Shining. Ce que je tentai. Mais un jour, quelqu’un a décidé que les DVD c’était trop d’ouvrage et voilà donc une semaine que j’essaie de voir le film sur l’Apple TV qu’on m’a installé à la maison. Et voilà donc une semaine qu’Apple TV ne fonctionne pas. 

Différents motifs chaque fois, mot de passe, mauvaise connexion, etc. Des courriels, des téléphones, mon directeur de tournée s’en mêle, on m’envoie sur un site d’aide, on me demande le prénom de ma mère, impossible de parler à un humain… et on finit par me dire : une erreur est survenue, essayez plus tard.

Je déteste quand c’est l’appareil qui décide que c’est fini. Avec le DVD, on pouvait souffler sur le disque, essayer sur un autre lecteur, on pouvait se prendre en main et régler le problème. Netflix lui nous dit : non… j’ai juste plus envie…

On n’arrête pas le progrès. C’est le progrès qui nous arrête.

Ces inventions nullement nécessaires, par leur précarité, nous font au final perdre un temps incalculable.

Le livre, lui, ne brise jamais. On n’y perd pas une seconde. On l’ouvre, on lit, c’est fini. Un livre, ça fonctionne toujours.

Chers lecteurs, cette chronique est ma dernière de la saison. D’autres projets m’accapareront au courant des prochains mois comme celui de réussir à visionner The Shining. Pour votre part, projetez donc de lire Ma vie rouge Kubrick, et pour d’autres suggestions, toutes mes chroniques précédentes sont sur mon site web qui, d’habitude, fonctionne !

Je serai peut-être de retour à l’automne… à moins que je ne m’égare dans les méandres sinueux du labyrinthe de l’existence.

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