Duel économique

Commençons par adopter de bonnes politiques publiques 

Faut-il craindre une récession à court terme ?

La remontée des taux d’intérêt suscite de fortes inquiétudes. Plusieurs craignent une crise économique à court terme.

Les bas taux d’intérêt ont encouragé les gens à emprunter pour toutes sortes de raisons ; la crainte est que lorsque les taux remontent, on découvre que plusieurs de ces projets se révèlent insoutenables. Lorsque c’est le cas de façon assez répandue, il y a une récession.

Bien que le système bancaire canadien soit cité en exemple pour sa stabilité, ces crises sont inévitables. Aucun économiste ne peut prédire avec certitude quand elles surviendront. Personne n’avait prévu l’ampleur de la crise des subprimes et toutes ses ramifications. Ceux qui prétendent le contraire se font des illusions.

Ce ne sont pas toutes les crises économiques qui sont dues aux systèmes financiers. À l’époque où l’agriculture représentait une plus grande part de notre économie, une mauvaise récolte pouvait être suffisante pour provoquer une crise. Un attentat terroriste ou une catastrophe naturelle – touchons du bois – pourraient aussi provoquer une crise économique sans que l’on puisse blâmer le libre marché, et sans qu’un État plus présent y puisse quoi que ce soit. D’ailleurs, les économies dirigées ne sont pas exemptes de crises, bien au contraire : l’exemple du Venezuela en témoigne.

Par contre, cela ne signifie pas qu’il est impossible d’adopter de bonnes politiques publiques pour rendre les crises plus courtes et moins intenses.

De telles politiques doivent notamment permettre à l’économie de s’ajuster rapidement aux changements dans la demande et rendre l’investissement plus facile ; en somme, elles doivent faire en sorte qu’il soit possible de s’adapter à la nouvelle réalité.

S’il y a crise, les recettes du gouvernement diminueront de façon importante et ses dépenses en protection sociale augmenteront. La taille du déficit du gouvernement fédéral, qui s’élève présentement à quelque 19 milliards, pourrait bien soudainement enfler et devenir insoutenable (contrairement au cas du Québec, qui engrange des surplus). Il faudrait alors assainir les finances publiques d’Ottawa dans des conditions bien peu favorables.

La meilleure solution sera alors de diminuer les dépenses par rapport au PIB et de baisser les impôts. C’est ce qu’a d’ailleurs fait le Canada lors de la dernière crise, de laquelle nous avons été relativement épargnés. De telles mesures sont de toute façon nécessaires pour résoudre nos problèmes de compétitivité avec les États-Unis et de productivité générale, en regard de la pénurie de main-d’œuvre. Pourquoi attendre ?

Le fardeau réglementaire devrait aussi être diminué. En instaurant des critères coûteux, la réglementation fait en sorte que les investissements initiaux nécessaires sont beaucoup plus élevés. Une ambitieuse campagne de réduction des règles coûteuses et parfois inutiles et dépassées, comme l’a fait la Colombie-Britannique en réduisant ce fardeau de près de la moitié entre 2001 et 2015, faciliterait l’adaptation à une récession. Une récente étude du ministère des Finances du Canada a en outre conclu que si l’on réduisait notre niveau de réglementation à celui, par exemple, des États-Unis de 2013, on obtiendrait environ 2 % de croissance supplémentaire d’ici cinq ans et plus de 5 % au bout de 20 ans. C’est assez pour faire la différence entre récession et croissance.

En somme, les bonnes politiques publiques à adopter sont celles qui permettent aux entreprises et aux individus de s’adapter : baisse des impôts et de la dépense publique, et réduction du fardeau réglementaire. Il n’y a pas de désavantage à s’y mettre dès maintenant ; ce sont des choses qui sont de toute façon porteuses de prospérité, pour tous.

Duel économique

La transition économique et la lutte contre les inégalités pour soutenir l’économie

La théorie économique dominante considère que l’économie croît et décroît en fonction de cycles influencés par diverses variables.

C’est ce que l’on nomme la théorie des cycles. À la suite d’une période de croissance importante, l’économie atteint éventuellement un point de saturation qui mène à une crise. Le ralentissement économique qui en découle est à son tour suivi d’une période de croissance, et ainsi de suite.

Suivant cette théorie, plusieurs analystes considèrent qu’il est statistiquement probable que les États-Unis, qui représentent 20 % de la consommation mondiale, entrent en crise dans un avenir rapproché. Ils observent que l’économie de nos voisins est en hausse depuis 111 mois consécutifs, ce qui en fait la deuxième période de croissance ininterrompue en importance depuis 1958. La fin de ce cycle haussier risquerait fort d’entraîner une récession au Canada et au Québec.

Une théorie perfectible

L’ennui avec cette théorie, c’est qu’elle fait abstraction de plusieurs facteurs qui définissent la période actuelle. Par exemple, contrairement à d’autres cycles passés, le rythme de la croissance états-unienne a été extrêmement lent. De plus, de nombreux emplois ont été créés pour répondre aux besoins de renouvellement des infrastructures. 

Autrement dit, il n’y a pas de surchauffe, pour le moment, et les acteurs économiques jouissent d’une certaine marge de manœuvre. 

Au Canada, l’endettement de certains ménages demeure préoccupant, mais la hausse graduelle des taux d’intérêt ainsi que le resserrement des règles hypothécaires semblent freiner l’emballement du marché immobilier.

Une crise imprévisible

Malgré cela, il n’est pas improbable qu’une crise survienne sous l’effet d’un ou de plusieurs événements difficilement prévisibles, comme de mauvaises décisions gouvernementales, un conflit international, l’éclatement d’une bulle d’actifs spéculatifs, la révélation de scandales au sein d’une grande corporation ou encore une baisse soudaine des prix des ressources naturelles.

En bref, on ne peut prédire avec certitude ce que nous réserve l’avenir économique et, advenant que l’économie entre en récession, rien ne permet de statuer correctement sur son ampleur et sa durée.

Face à une telle incertitude, les gouvernements peuvent néanmoins mettre en œuvre, dès aujourd’hui, des moyens afin d’atténuer l’impact d’un éventuel ralentissement économique et de protéger le bien-être de la population.

Québec devrait ainsi assurer une plus grande répartition de la richesse au sein de la population afin de soutenir la consommation nationale en évitant d’alourdir l’endettement des ménages. Pour ce faire, le gouvernement pourrait procéder à une hausse du salaire minimum, encourager l’application de l’équité salariale et s’abstenir de baisser les impôts des plus riches et des grandes entreprises.

Le gouvernement provincial devrait en outre privilégier l’investissement dans des secteurs qui contribuent à réduire progressivement notre dépendance envers les énergies fossiles. En ce sens, il serait opportun de mettre à niveau les infrastructures publiques vieillissantes en injectant des fonds dans les transports en commun, l’électrification des transports, l’efficacité énergétique et le secteur de la construction à haute performance énergétique. En protégeant à la fois l’économie des effets d’une éventuelle crise et l’environnement de l’impact des dérèglements climatiques, Québec ferait ainsi d’une pierre deux coups.

Ces mesures ne peuvent garantir hors de tout doute que nous ne serons pas victimes des soubresauts de l’économie mondiale. Or, à l’heure où le Québec accumule d’importants surplus budgétaires, ainsi que d’importantes sommes dans le Fonds des générations, il serait plus avisé pour le gouvernement de François Legault de soutenir dès maintenant les entreprises et les ménages.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.