Critique

Dernier refrain d’une partition élégiaque

Les bottes suédoises

Henning Mankell

Seuil

352 pages

3 étoiles et demie

« L’automne serait bientôt là. Mais l’obscurité ne me faisait plus peur. »

Ainsi s’achève Les bottes suédoises, ultime roman de Henning Mankell, achevé en mars 2015, six mois environ avant sa mort. L’auteur renoue avec les personnages des Chaussures italiennes, publié en suédois neuf ans plus tôt.

Il ne s’agit pas d’une suite proprement dite, mais les lecteurs auront quand même avantage à avoir lu son roman non policier sans doute le plus abouti avant de se lancer dans ce dernier opus qui n’a rien de crépusculaire et dont l’action commence cinq ans après.

À 70 ans passés, Fredrik Welin vit toujours seul dans la maison familiale dans son îlot de la Baltique, sis au cœur d’un archipel près de la côte suédoise. Il connaît bien ses voisins insulaires et portuaires et surtout le facteur retraité qui vient régulièrement se faire ausculter tout en l’abreuvant des petites nouvelles locales.

Une nuit, il se réveille en sursaut au milieu d’un immense brasier. Sa maison flambe, ce sera une perte totale.

La police locale le soupçonne d’avoir mis lui-même le feu, ce qui le déprime et l’irrite tout à la fois. Lorsqu’il l’annonce à sa fille dont il a appris l’existence dans le roman précédent alors qu’elle avait la trentaine avancée, elle promet de venir le voir. La rencontre confirmera que Louise et lui ne se comprennent pas, mais les liens du sang prévaudront.

« Comment allais-je faire pour supporter la réalité de mon propre vieillissement, de ma maison incendiée et de cette impression de vivre au milieu d’un grand vide où personne ne se préoccupait de savoir si je tenais le coup ni même si j’étais encore en vie ? », se demande-t-il au milieu d’un coup de blues décuplé par l’ivresse. Fredrik s’accroche néanmoins. Il rêve à ses anciennes amours, la plupart fugaces, et espère vivre le grand frisson une fois encore. Il croit en voir l’occasion avec l’arrivée d’une journaliste venue enquêter sur l’incendie et ceux qui suivront dans d’autres îles. Lisa, quadragénaire solitaire, se refuse à lui, mais une amitié sincère mais distante naîtra de leurs rencontres.

Le moral reprend le dessus quand Louise lui apprend qu’elle est enceinte d’un Arabe installé à Paris, mais aussi qu’elle est aux arrêts. Ce sera un prétexte pour une ultime visite dans une ville plus triste que lumineuse. Il découvre de quoi vit sa fille, kleptomane.

Il obtiendra sa libération, et elle lui fera promettre de reconstruire la maison. C’est elle qui doit en hériter avec son enfant et son père. Sans être le roman le plus réussi de Mankell, Les bottes suédoises renferme les grands thèmes de son œuvre, marquée par un humanisme désenchanté et une foi prudente dans l’avenir.

Ce roman contient aussi les poncifs chers à l’écrivain : réflexions sur la déliquescence sociale, fait divers prétexte à scènes d’hiver, empathie pour les gens ordinaires malgré leurs travers et xénophobie sourde qui affleure en une société égalitariste.

Et les bottes dans tout ça ? Un clin d’œil narratif pour suggérer la continuité dans un monde qui change.

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