Rentrée scolaire

LE CASSE-TÊTE DES ALLERGIES À L’ÉCOLE

Contrairement à l’Ontario, il n’existe pas de loi ou de règles dans les écoles du Québec pour encadrer les interventions en cas de choc anaphylactique, même si le nombre d’élèves souffrant d’allergies a pris des proportions importantes. Le défi est pourtant de taille pour les commissions scolaires, qui veulent éviter une erreur fatale, et pour les familles, pour qui la rentrée scolaire est synonyme d’anxiété.

Il n’y a jamais de poisson au menu à l’école primaire du Petit-Collège, dans l’arrondissement de LaSalle, afin de protéger un enfant extrêmement allergique, même à la seule odeur. Comme dans toutes les écoles primaires, les noix et les arachides ne sont pas autorisées dans les boîtes à lunch. L’école, l’une des trois seules de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB) à avoir une cafétéria, a quotidiennement à l’œil une bonne quinzaine d’enfants souffrant d’intolérance alimentaire ou d’allergies graves, en plus des asthmatiques et d’un jeune diabétique.

Juste avant la rentrée, la directrice de l’établissement, Isabelle Bériault, a passé à travers les dossiers de près de 600 élèves inscrits de la maternelle à la sixième année. Les fiches de santé des élèves à risque ont été soumises à une infirmière du centre de santé de LaSalle. Il y a les allergies communes à gérer, puis les plus délicates, comme celles au kiwi et au calmar. Comme chaque année, le personnel a été soumis à une formation pour administrer l’auto-injecteur d’épinéphrine (Epipen).

« Le protocole dicté par notre infirmière prévoit d’administrer une dose, d’appeler le 9-1-1, et d’injecter une nouvelle dose au bout de cinq minutes si l’élève ne va pas mieux », explique la directrice.

LA PRÉVENTION

Au total, il existe une dizaine d’allergènes alimentaires reconnus par Santé Canada, dont le lait, le poisson, les œufs et la moutarde. Mais les écoles se limitent à interdire les noix et les arachides. Le contrôle passe donc par la prévention. « Le risque zéro n’existe pas », indique la nutritionniste de la CSMB, Anne-Marie Boulais, en parlant des enfants à haut risque dont la photo est affichée dans les classes, sur ce qu’on appelle dans le milieu « le mur des célébrités ».

Au menu, il y a donc de la quiche, des pâtes – très populaires chez les jeunes –, du pâté chinois, de la volaille, des plats avec du fromage, ainsi qu’une bonne variété de fruits et de légumes. « À notre école, le menu est connu des parents un mois à l’avance. Il n’y a qu’un choix par jour. Mais il est clair qu’il faut rester vigilant à la cafétéria. Les enfants allergiques ont toujours leur Epipen sur eux », ajoute-t-elle.

LES ABEILLES

Joëlle Côté, technicienne au service de garde à l’école du Petit-Collège, gère la surveillance des dîneurs, les récréations, les sorties et, avec le beau temps de la rentrée, les risques d’allergies liées aux piqûres d’insectes. Pour les éviter, la direction a pris l’initiative que les collations se prennent à l’intérieur jusqu’à nouvel ordre. Les poubelles ont aussi été retirées pour ne pas attirer guêpes et abeilles. En l’absence de réglementation, chaque école adopte ses propres politiques et mesures.

« Nous connaissons chaque enfant qui représente un risque par son petit nom, raconte Joëlle Côté. On a constamment à notre disposition des Epipen lors des sorties. On respecte également un protocole à l’heure du lunch pour éviter que les élèves partagent de la nourriture. Il y a la période du lavage des mains, et une façon de procéder pour nettoyer les tables, pour éviter la contamination croisée. »

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Polyallergique

Thomas vient de faire son entrée dans une classe de maternelle de la Commission scolaire des Patriotes, sur la Rive-Sud de Montréal. Le garçon de 5 ans est allergique aux aliments suivants : arachides, noisettes, soya, moutarde, sésame, pavot, tournesol, légumineuses (pois, fèves, lentilles, haricots), fraises, kiwis, pêches, nectarines, tomates. Il est aussi allergique au latex, à plusieurs animaux, aux acariens et à certains pollens. Sa mère, Annie Boivert, explique qu’il a souffert de trois chocs anaphylactiques dus à des traces dans la nourriture. Il a failli mourir.

Au service de garde, elle préparait ses lunchs. Il était dans une bulle. Le primaire, c’est la cour des grands. Elle a entamé des démarches auprès de l’école plusieurs mois avant la rentrée. Thomas dispose de son propre lavabo pour se laver les mains. Il dîne à la maison, sa mère est parent accompagnateur lors des sorties. « L’école fait ce qu’elle peut, mais on a une responsabilité. Mon fils apprend que sa condition lui appartient. Moi, j’ai fait le sacrifice d’une promotion professionnelle. Je suis chanceuse, je peux travailler à la maison. »

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Rentrée au secondaire

Marie-Julie Croteau, dont le fils souffre d’allergies potentiellement mortelles (noix et arachides), milite pour amasser du financement afin qu’une clinique canadienne d’immunothérapie orale ouvre rapidement au CHU Sainte-Justine. La semaine dernière, comme l’a dévoilé La Presse, le centre hospitalier a donné le feu vert au projet. Son fils Charles vient de faire son entrée au secondaire. « Il n’y a pas de “mur des célébrités” au secondaire, et je n’en voudrais pas. C’est une grande marche vers l’autonomie. Il ne peut pas quitter la maison sans son Epipen. Jusqu’à maintenant, ça va. Il n’y a pas d’inquiétudes à la cafétéria. Il faut dire qu’il est habitué d’aller à une fête et de ne manger que des croustilles. Mais la responsabilité est partagée, et la clinique de désensibilisation permettrait de nous enlever une épée de Damoclès », dit-elle.

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Projet-pilote au privé

Une dizaine d’écoles privées du Québec ont actuellement un projet-pilote pour prévenir les allergies mortelles. Une démarche pilotée par l’organisme à but non lucratif Allergies Québec, qui milite depuis des années auprès du gouvernement afin qu’une loi soit adoptée pour l’ensemble des écoles, comme en Ontario. Dans les établissements scolaires de la province voisine, la loi prévoit, entre autres, un plan d’intervention individualisé pour chaque élève souffrant d’allergies. « C’est un faux coussin de sécurité de penser que les enfants sont protégés en ne bannissant que les noix et les arachides, estime la porte-parole d’Allergies Québec, Dominique Seigneur. Il ne faut pas bannir, il faut surtout prévenir. »

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