VIRÉE DES GALERIES Peut mieux faire – Cahiers d’exercices

Un exercice révélateur

La maison de la culture Côte-des-Neiges présente, jusqu’au 28 février, l’exposition collective Peut mieux faire – Cahiers d’exercices. On peut y voir 23 œuvres d’art inspirées des cahiers d’exercices Canada Hilroy avec des déclinaisons variées et originales, notamment de Patrick Bernatchez, Yann Pocreau, Michel Hellman, Julien Vallée et Jérôme Fortin.

Les cahiers d’exercices Canada Hilroy, avec leurs couleurs délavées de bleu, vert, jaune et rose, ont marqué l’enfance et l’adolescence de bien des Canadiens depuis des générations. Le commissaire Emmanuel Galland a eu l’idée, en 2009, de demander à des artistes québécois de différentes disciplines, de différents âges et de différentes régions, de créer une œuvre d’art en s’inspirant de ces fameux cahiers.

Cela donne une exposition itinérante fort intéressante programmée jusqu’en décembre 2015 dans plusieurs maisons de la culture de la province et déjà couplée plusieurs fois à des activités avec de jeunes artistes en herbe. Une belle idée de médiation culturelle avec les écoles, qui mérite d’être poursuivie.

L’expo en cours à Côte-des-Neiges présente une belle brochette d’œuvres de qualité, dont certaines ont même été vendues. C’est le cas de la sculpture circulaire Accessible, de Christian Miron, dans laquelle des escaliers en cahiers Hilroy installés sur une feuille de contreplaqué font penser à la tour penchée du Stade olympique. Le mot Hilroy forme en même temps un cahier.

Drôle et judicieuse, la sculpture Pain Canada de Marie-France Tremblay représente un pain de ménage en tranches qui sont comme des mini-cahiers.

Très belle vidéo de Julien Vallée, DanseDance est une animation constituée d’un enregistrement d’objets en mouvement ajoutés les uns après les autres pour créer une danse un peu folle. Et celle de John Boyle-Singfield, Avant-garde Film, de 2013, est l’exercice le plus « post-internet » de l’expo, un travail sur le cinéma dans des tons identiques à ceux des cahiers Hilroy.

COURTE HISTOIRE D’HELLMAN

Certaines œuvres non commandées se sont ajoutées à l’exposition, comme les quatre planches de Michel Hellman décrivant la brève histoire d’un homme qui tombe sur la scène d’un meurtre au parc Jeanne-Mance. Elles ressemblent à des dessins, mais ce sont en fait des impressions numériques. 

Dang Trinh & Thanh Truc Trinh proposent deux photos (Sans titre, 2009) où les personnages ont le visage recouvert de papier blanc collé comme un masque. Jérôme Fortin a choisi la voie de l’abstraction avec son Sans titre 1 et 2, des collages de triangles découpés dans ses cahiers, blancs ou colorés. Esthétique.

Marianne Papillon a créé en impression numérique Sciences naturelles, une exploration de la partie orientale de la carte du Canada. Plus on agrandit l’échelle et plus on s’aperçoit qu’il s’agit d’une cartographie des zones pétrolifères, avec, sur la dernière carte, un bébé et une mère se découpant à travers les lignes de démarcation de ces zones.

Patrick Bernatchez a produit l’œuvre Je n’écrirai plus jamais : « je ne ferai plus jamais… », un cahier Hilroy réduit en cendres collé entre deux plaques transparentes. Tentative de rédemption. Intéressante sculpture que celle de Frédéric Caplette, Interlignes, en bois peint en blanc avec des lignes en relief qui ressemblent à des vagues et à des pics.

ABSTRACTIONS CANADIENNES

Mais c’est Yann Pocreau qui a fait l’œuvre la plus fascinante de l’expo. Elle s’intitule Abstractions canadiennes. Il s’agit de quatre épreuves numériques montées sous plexiglas en utilisant les couleurs, le graphisme et les textes des cahiers d’écriture Hilroy. La Colombie-Britannique se distingue ainsi grâce à une ligne qui désigne le rivage tandis que d’autres, parallèles, symbolisent l’océan. Une planche en jaune illustre le Grand Nord. Les plaines de la Saskatchewan sont représentées par la couleur verte. Et le Québec est la seule des planches à contenir des mots… notamment la vraie précision de la firme Hilroy sur ses cahiers d’écriture : « Assemblé au Canada avec des matières importées » ! Quel double sens ! 

Mais pourquoi juste des mots pour le Québec ? Yann Pocreau répond que si le cahier d’exercices Hilroy comprend bien le mot CANADA sur l’espace géographique compris entre l’île de Vancouver et la frontière orientale de l’Ontario, le seul cahier avec le mot QUÉBEC est un cahier d’écriture… et il ne comprend aucune carte géographique. La double solitude ne s’invente pas ! 

Après Côte-des-Neiges, l’exposition se rendra à la maison de la culture Maisonneuve du 5 mars au 5 avril, puis à la bibliothèque de Rivière-des-Prairies du 18 avril au 17 mai, à L’Entrepôt de Lachine du 11 septembre au 1er novembre et au Centre d’exposition Lethbridge de la bibliothèque du Boisé, à Saint-Laurent du 5 novembre au 6 décembre.

À la maison de la culture Côte-des-Neiges (5290, chemin de la Côte-des-Neiges) jusqu’au 28 février.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.