Mon clin d’œil 

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Opinion Neutralité religieuse de l’État

Débattre de la reconnaissance mutuelle

Depuis son adoption, la loi 62 sur la neutralité religieuse de l’État est l’objet d’un rejet catégorique par la majorité de nos élites, même si une majorité de Québécois lui semble favorable. Comment expliquer cela ? 

La réponse est qu’elle reflète la perception que certains Québécois veulent bénéficier des droits et des services publics sans pour autant s’intégrer à la société québécoise.

Commençons par dire que le débat sur la loi 62 est mal engagé. Il est mal engagé parce qu’il fait l’objet d’un excès de partisanerie politique, ce qui est regrettable, mais surtout parce qu’il renvoie à un débat beaucoup plus large dont on ne peut pas faire l’économie.

Ce débat porte sur un problème qu’on aurait tort de mettre sous le tapis : à savoir la perception selon laquelle certains Québécois souhaitent bénéficier des droits et des services publics sans pour autant s’intégrer à la société québécoise. 

Qu’elle soit légitime ou non, cette perception est réelle et elle mérite qu’on s’y attarde. On doit s’y attarder, car elle pose le problème de la reconnaissance, qu’on peut expliquer de la façon suivante. D’abord, nos identités sont partiellement formées par la présence ou l’absence de reconnaissance entre les individus et les groupes. En ce sens, la reconnaissance mutuelle est un besoin essentiel. Et l’absence de reconnaissance mutuelle des uns à l’endroit des autres, donc la minorité de femmes qui portent le voile intégral et la majorité des Québécois, peut susciter des incompréhensions de part et d’autre.

Ensuite, dans le cas présent, la reconnaissance mutuelle entre les groupes porte sur le partage d’une même vie commune, soit des institutions publiques communes, une langue commune et une histoire commune. Celle-ci se caractérise aussi par une constante préoccupation quant à l’épanouissement de la langue française et par l’histoire de la laïcisation de nos institutions publiques communes, à laquelle les Québécois sont attachés.

Or, enfin, le débat actuel sur la loi 62 met en lumière la perception que certaines Québécoises, en l’occurrence les femmes musulmanes qui portent le voile intégral, veulent bénéficier des mêmes droits et des mêmes services publics sans pour autant s’intégrer à cette vie commune. En un mot, elles veulent les mêmes services, mais elles ne veulent pas reconnaître la vie commune qui les rend possibles, ce qui ne peut faire autrement qu’alimenter l’incompréhension et, donc, l’idée d’une absence de reconnaissance mutuelle.

Que doit-on faire alors ? De deux choses l’une : soit on refuse d’en parler, ce qui risque d’aliéner de nombreux Québécois ; soit on reconnaît qu’il s’agit d’une perception réelle qui peut et doit s’exprimer dans l’espace public. Si nous croyons sincèrement que l’espace public démocratique doit inclure tous les points de vue, alors nous devons accepter que la loi 62 fasse l’objet d’un débat plus large que celui de recevoir et de donner des services publics à visage découvert. Un tel débat devra inclure la perception que certains souhaitent bénéficier des droits et des services publics sans pour autant consentir à la reconnaissance mutuelle.

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