Chronique

Lesbianisme, époque curé Labelle

Nous avons des auteurs de télé très doués au Québec. Gilles Desjardins, qui signe Les pays d’en haut et Mensonges, en fait assurément partie.

Dans le dernier épisode des Pays d’en haut, le méticuleux scénariste a abordé avec délicatesse un sujet hyper tabou à l’époque de la colonisation du Nord : l’homosexualité féminine. L’alerte au divulgâcheur s’active ici pour les retardataires qui ne savent pas encore qui a été élu à la mairie de Sainte-Adèle lundi soir. Réponse : c’est Alexis Labranche (Maxime Le Flaguais).

Donc, la sympathique maîtresse de poste Donatienne (Kim Despatis) a déclaré sa flamme à la domestique Pâquerette (Romane Denis), la copine de son frère, le coroner Jérôme (Alexis Lefebvre). Les deux jeunes femmes ont échangé un baiser et Pâquerette a ensuite fui le village des Laurentides.

C’était audacieux et très bien amené. Jamais Les belles histoires des pays d’en haut n’aurait abordé ce type de liaison « interdite » en 1886. D’ailleurs, le triangle amoureux entre Donatienne, Pâquerette et Jérôme n’apparaît nulle part dans les écrits originaux de Claude-Henri Grignon. C’est Gilles Desjardins qui l’a imaginé et imbriqué au récit.

« Je l’ai écrit avec beaucoup de précautions. Le triangle avec Jérôme est plein de potentiel », explique Gilles Desjardins.

Selon lui, il est très difficile d’évaluer les mœurs sexuelles d’une époque aussi hypocrite que le XIXe siècle, dans le Québec rural.

« On sait cependant que les couvents, les pensionnats et la non-mixité favorisaient les “grandes amitiés”. Beaucoup d’hétérosexuels avaient des expériences homosexuelles à l’adolescence par la force des choses. »

— Gilles Desjardins, auteur de l’émission

Et comme les gens ne parlaient jamais de sexe, et sous aucun prétexte, ça se traduisait par une grande liberté dans la réalité. « Selon ce principe, on sait que l’époque victorienne a été un genre d’âge d’or pour l’homosexualité masculine », poursuit Gilles Desjardins, qui sait de source sûre que Claude-Henri Grignon « connaissait bien la vie compliquée des jeunes femmes attirées par les amours illicites ».

Lundi prochain, le triangle Donatienne-Pâquerette-Jérôme prendra une forme étonnante. La suite s’annonce assez satisfaisante pour les trois côtés, vous verrez. Il sera aussi question d’avortement et d’une potion qui tue les embryons. Vraiment, cette série ne cesse d’étonner et de divertir.

Aussi, le nouveau Alexis Labranche, acharné et engagé dans la communauté, est franchement plus intéressant que le voyou vagabond qu’il a incarné dans la première année. Là, on comprend mieux pourquoi Donalda l’aime tant.

Dépouillé de son or, Séraphin (Vincent Leclerc) entre dans une phase machiavélique d’une intensité jamais égalée. Les mots « chien sale » ou « maniganceux de baise-la-cenne » ne frappent pas assez fort.

Virage suspense

Il y a également eu une intrigue à connotation saphique dans L’échappée entre Martine Lyndsay (Sophie Bourgeois), la travailleuse sociale Sophie (Marie-Soleil Dion) et Brigitte (Julie Perreault). Un baiser a été donné, des confidences ont circulé, mais rien n’a débloqué pour les femmes impliquées.

Le reste des histoires, par contre, a progressé rondement depuis quelques épisodes. Ce téléroman de TVA est quasiment devenu un suspense policier.

Le cadavre de Maisie Wolfe a été retrouvé, Bastien (Marc Paquet) a été arrêté pour ses actes sexuels dégueulasses à l’endroit de sa belle-fille et Brigitte a finalement envoyé des maquettes de chansons à son ex !

Blague à part, la tournure plus sombre prise par L’échappée donne de la bien meilleure télévision.

La rechute dans la cocaïne de Robin (Jean-François Nadeau), la fuite de la mère toxico (Marie-Claude Guérin) qui a accouché dans un squat ou les pratiques sexuelles sadomasos de David (Patrick Hivon), mettons que ça accroche plus que des manifestations contre la méchante société Pétrofor ou des discours sur le tourisme d’aventure qui décline à Sainte-Alice-de-Rimouski.

Le couple formé par David Lelièvre et Martine Lyndsay me fascine. Ils se méritent, ces deux-là. Deux personnes manipulatrices et machiavéliques qui ont des coffres-forts remplis de pièces à conviction compromettantes.

Une question plane cependant depuis le tout premier épisode de L’échappée : mais qui a donc tué Agnès Meilleur (Évelyne Rompré) ? Ça, l’auteure Michelle Allen ne nous le déposera pas tout cuit dans le bec.

Lundi soir, pendant le 21e épisode, les pistes ont de nouveau été brouillées et à peu près tous les personnages principaux demeurent sur la liste des suspects. Brigitte a été particulièrement perspicace. Pourquoi le chien du voisin de Robin n’a-t-il pas aboyé quand Agnès est venue le rejoindre ? Que fabriquait Noémie (Anick Lemay) sur le quai le soir précédant le meurtre ? David a-t-il fait déplacer le crâne de Maisie, qu’il aurait assassinée, uniquement pour faire enfermer Bastien ? Nostradumas ne le sait plus.

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