intelligence artificielle

Le cancer dans l’œil de Watson

Il n’y a pas que Google et Microsoft qui investissent dans le domaine de l’intelligence artificielle. IBM Canada a créé un système informatique baptisé Watson, qui offre des avenues prometteuses dans le secteur de la santé, notamment dans la recherche en oncologie.

« L’un des plus grands défis dans le secteur de la santé est de réunir toutes les données d’un patient, nous dit la nouvelle vice-présidente du secteur Soins de la santé chez IBM, Nathalie Le Prohon. Il y a des informations cliniques, des rapports de pathologies, des résultats d’imageries, mais il y a aussi des données sur le génome humain, qui seront trois fois plus importantes ! »

Depuis quatre ans, IBM a mis sur pied un système informatique cognitif, Watson, qui permet de réunir ces données.

En plus des données cliniques et génomiques, d’autres informations (plus qualitatives) peuvent être versées dans le système : les antécédents familiaux, le régime alimentaire, les données du glucomètre (pour les personnes diabétiques), les activités physiques, le milieu socioculturel, etc. Autant de détails qui peuvent aiguiller les médecins vers les bons traitements.

« Notre but est de verser le plus d’informations à Watson pour qu’il puisse en déduire des pistes de solutions », explique Mme Le Prohon, qui a présidé la Fondation du cancer du sein du Québec pendant six ans. Plus intéressant encore, IBM « nourrit » son système d’intelligence artificielle de l’abondante littérature médicale.

« Watson For Oncology, qui a été mis au point avec le Memorial Sloan-Kettering Cancer Center de New York, est de plus en plus performant, parce qu’on lui apprend de plus en plus de choses. On lui fait lire tous les dossiers de recherche, on lui communique les bons protocoles et puis on l’interroge sur des traitements possibles, on examine ses réponses, on le corrige. Il est à l’école de médecine ! »

— Nathalie Le Prohon

L’été dernier, les médias rapportaient le cas d’une Japonaise « sauvée » par Watson, qui lui a diagnostiqué une rare forme de leucémie. Le système cognitif d’IBM – utilisé par une équipe de médecins de Tokyo –  a réussi à déceler la maladie en croisant les données génomiques de la patiente avec près de 20 millions d’études sur le cancer. Un traitement adapté a finalement pu être proposé.

À ce jour, Watson Oncology a été vendu à 21 hôpitaux en Chine, en Inde et en Thaïlande.

Des questions...

Sébastien Lemieux, chercheur principal à l’Institut de recherche en immunologie et cancérologie de l’Université de Montréal, perçoit ce système de manière positive, même s’il aimerait en savoir plus sur le fonctionnement et le mécanisme du système. « Il y a peu d’articles scientifiques sur la question, ça reste opaque, donc c’est difficile pour nous de se faire une idée. »

Parmi les questions qu’il se pose, le Dr Lemieux se demande si le système décrit les étapes le menant à des propositions (le raisonnement). Il se demande aussi comment le système réagit à l’ingestion d’études conflictuelles. « En science, c’est la norme, soutient-il. J’imagine que Watson gère ces conflits, mais ce serait intéressant de savoir comment. »

... et des partenariats

L’objectif d’IBM est aujourd’hui de vendre son système Watson au Canada, en établissant des partenariats avec des centres de recherche et de santé canadiens.

Un premier projet de recherche avec l’Agence du cancer de Colombie-Britannique – réalisé avec 14 autres centres de recherche – a été annoncé l’an dernier. Il consiste à faire croiser des données de l’ADN d’un patient avec la littérature médicale appropriée afin d’offrir des traitements personnalisés.

« Dans le domaine de l’intelligence artificielle, l’accès aux données est le nerf de la guerre. C’est ce qu'IBM réussit à faire avec Watson. »

— Sébastien Lemieux, chercheur principal à l’Institut de recherche en immunologie et cancérologie de l’Université de Montréal

Au cours des dernières années, IBM Canada a justement fait des acquisitions de plus de 4 milliards dans le domaine de la santé, confie Mme Le Prohon. « Ce sont essentiellement des compagnies américaines, comme Phypel, Explorys, Merge ou Truven. Elles nous donnent accès à 350 millions de dossiers patients. »

Le printemps dernier, IBM a également conclu un partenariat avec Hamilton Health Sciences, un hôpital et centre de recherche universitaire ontarien. « On met des ressources, des logiciels, tandis qu’eux ajoutent leurs ressources cliniques ; on a établi une liste de projets d’innovation pour répondre à des besoins spécifiques. »

Selon Nathalie Le Prohon, le système Watson participe à une véritable révolution dans le domaine de la santé.

« On est face à un mur en santé, estime-t-elle. Nous pensons qu’on peut réduire les coûts de santé – en particulier dans le cas de maladies chroniques – en regardant en amont certains marqueurs de la santé des gens. Grâce à de nouveaux outils technologiques comme Watson et à la création d’applications ciblées, je crois qu’on pourra mieux prédire des conditions médicales et mieux soigner les gens. »

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