Opinion
Ensemble pour le français
Leader du gouvernement et ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne
Au moment même où quelques citoyens anonymes affichent sur l'internet leur mépris à l’égard du français, ailleurs, ce dernier s’affirme.
Le Mois de la Francophonie terminé, à l’aube du 150
anniversaire de la Fédération, il faut dresser un bilan de l’état des lieux pour envisager la suite.Quels espoirs en naîtront ? Quelle vision d’avenir célébrerons-nous ?
Il y a 50 ans, au Québec, les francophones cherchaient à affirmer leur statut majoritaire, alors que la minorité anglophone se considérait comme essentiellement à l’écart, plusieurs de ses membres refusant d’apprendre le français. Cela a changé.
Aujourd’hui, une forte majorité des jeunes anglophones sont bilingues. De 2010 à 2014, 85 % des nouveaux arrivants connaissaient le français à leur arrivée ou l’apprenaient dans nos écoles, pour les enfants, ou par les services de francisation du ministère de l’Immigration, pour les adultes.
Peu importe notre langue d’origine, nous choisissons, aujourd’hui, d’être ensemble pour le français, notre langue commune.
Si des défis demeurent, nos récents progrès constituent un encouragement à poursuivre nos efforts.
Au-delà du Québec, les espaces de francophonie canadienne comptent 2,6 millions de francophones et francophiles.
Depuis 1980, ils grandissent. Les classes et les écoles d’immersion française se multiplient : on y comptait 23 000 élèves à l’époque, et près de 400 000 aujourd’hui. La progression ne s’essouffle pas : elle surpasse les 25 % entre 2007 et 2014. L’offre ne suffit plus à la demande ; les places doivent parfois être tirées au sort. Canadian Parents for French et d’autres organisations francophiles regroupent des parents, dont parfois aucun ne parle français, qui choisissent d’offrir à leurs enfants un avenir en français.
Nous sommes de plus en plus nombreux au Canada, peu importe la langue parlée, à choisir d’être ensemble pour le français.
Au cours des dernières années, des provinces et territoires ont décidé de favoriser l’offre active de services gouvernementaux en français. Récemment, les gouvernements se sont unis pour favoriser l’immigration en français. Une rencontre conjointe des ministres de l’Immigration et de la Francophonie canadienne est prévue, cet automne, pour y travailler. Une première !
En 2015, 400 drapeaux franco-ontariens étaient hissés ; certains là où, il n’y a pas si longtemps, des résolutions municipales excluaient le français.
Le nouveau gouvernement fédéral a résolument pris le parti de Radio-Canada pour lui permettre d’assurer le rayonnement des communautés francophones.
Dans la foulée de l’initiative avec Québec-Ontario en 2014, le Manitoba et le Yukon ont signé avec nous une déclaration sur la francophonie établissant que le français fait partie de l’identité canadienne et engageant les gouvernements à travailler à sa promotion, à sa protection, à sa pérennité et à sa vitalité. Nous espérons que d’autres s’ajouteront.
Le français bénéficie d’une légitimité nouvelle au Canada. Il y aura encore des déclarations malencontreuses, des décisions malheureuses, des batailles. Mais il y aura aussi des victoires et, plus que jamais, il y a l’espoir !
L’année 2017 est un moment pour cultiver et récolter l’espoir.
Un moment pour se rappeler que le français est la langue d’exploration et de fondation de notre pays, qu’il est intimement lié à son histoire mais surtout à son avenir. Notre langue offre une place distinctive au Canada dans le monde.
Élargissons l’espace francophone en ouvrant la porte des écoles au-delà du minimum constitutionnel et déployons plus de ressources à tous ceux et celles qui espèrent une place en immersion française.
Favorisons l’immigration en français en adoptant un véritable plan d’action ciblé qui, d’abord, nous mènera rapidement au seuil minimal égal à la proportion de francophones au Canada, soit 4,4 %. Donnons-nous ainsi, et pour la première fois, un véritable levier de pérennité.
Réunissons notre histoire et notre présence francophone en liant les circuits touristiques et patrimoniaux de la francophonie canadienne. Ne faut-il pas d’abord se connaître avant d’espérer pouvoir se reconnaître ?
Depuis 50 ans, dans la foulée d’un nécessaire « maître chez nous », nous avons dit qu’au Québec, c’était chez nous, et ailleurs, chez eux.
Une identité québécoise est née : exclusive pour certains, mais permettant des appartenances plurielles pour plusieurs. Une claire majorité de fiers Québécois, plus de 75 %, indique aux sondeurs, à divers degrés, une appartenance canadienne (CROP – automne 2015).
On les entend poser cette question : « Et si ailleurs, c’était aussi un peu chez nous ? »
Favoriser la résonance de notre langue, au Canada, c’est favoriser l’émergence et le développement de notre appartenance en son sein.
Pour le prochain Mois de la Francophonie, celui du 150
, peu importe notre origine ou notre langue, nous pouvons choisir, pour l’avenir, de faire route ensemble pour le français.