Secteur minier

Canadian Malartic n’a pas encore payé d’impôt sur le revenu

Aussi rentable soit-elle, la mine d’or Canadian Malartic, en Abitibi, n’a toujours pas payé d’impôt sur le revenu, cinq ans après son entrée en service.

Dans le cadre de l’examen du projet d’agrandissement de Canadian Malartic, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) a demandé à ses deux propriétaires torontois, Agnico Eagle et Yamana Gold, de chiffrer les « contributions » de la mine aux revenus du Québec et du Canada.

La mine a répondu en produisant un tableau détaillant les impôts et taxes versés depuis le début de la production commerciale, en mai 2011. Si elle a déboursé 30 millions en impôt minier et 35 millions en taxes sur la masse salariale jusqu’ici, elle n’a payé aucun impôt sur le revenu (voir le tableau).

Comment une entreprise rentable peut-elle ne pas payer d’impôt sur ses profits ? « Nous ne payons aucun impôt sur le revenu tant au provincial qu’au fédéral puisque l’amortissement de l’investissement initial pour la construction du projet est toujours en cours », explique Canadian Malartic dans le document remis au BAPE, en précisant qu’elle prévoit commencer à le faire en 2018.

Jusqu’à l’an dernier, 2,1 milliards ont été investis dans Canadian Malartic. En 2008, une étude commandée à la firme Secor avait évalué que la mine verserait chaque année 15,7 millions en impôt fédéral et 22,4 millions en impôt provincial (impôt minier et impôt sur le revenu).

Normal ou pas ?

Le comptable Anand Beejan, associé du cabinet MNP, indique que l’amortissement des investissements en immobilisations ne se fait pas de la même façon dans les états financiers et sur le plan fiscal.

« On ne paie jamais l’impôt sur les profits déclarés dans les états financiers, il y a des ajustements à faire. »

— Anand Beejan, comptable associé du cabinet MNP

Ugo Lapointe, porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine, s’indigne de la situation. « Comment peut-on laisser des entreprises extraire des ressources non renouvelables sans exiger le versement d’impôts sur le revenu ? », demande-t-il.

Celui-ci rappelle qu’il y a eu un débat public menant à une hausse de l’impôt minier en 2013, mais rien de tel concernant l’impôt sur les profits des entreprises extractrices. « On peut sérieusement se demander s’il n’y a pas des enjeux d’évitement fiscal dans les mines au Québec », lance-t-il.

78 MILLIONS EN 2018

Canadian Malartic prévoit payer 78 millions en impôts sur le revenu et en impôt minier en 2018, 133 millions en 2019 et 183 millions en 2020. Depuis 2011, la mine calcule avoir généré des retombées fiscales de 309 millions en incluant les impôts et taxes payés par ses salariés ainsi que l’impôt foncier.

Selon Statistique Canada, les entreprises d’extraction minière et d’exploitation en carrière du pays avaient des impôts à payer de 158 millions au fédéral et de 120 millions au provincial en 2014. Le total de 278 millions représente 22,7 % de leurs revenus imposables.

Notons que la plupart des entreprises québécoises, tous secteurs confondus, ne paient pas d’impôt parce qu’elles sont déficitaires ou qu’elles bénéficient de mesures fiscales. En 2009, dernière année pour laquelle des données sont disponibles, 55 % des quelque 390 000 entreprises actives au Québec n’ont pas payé d’impôt.

Depuis 2011, Canadian Malartic a produit 2,5 millions d’onces d’or. Il reste à produire 4,4 millions d’onces (7,5 millions si l’agrandissement de la mine va de l’avant).

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