jouer au détective dans la neige

Des traces de pas dans la neige montrent qu’un animal est passé près du sentier, mais de quelle espèce s’agit-il ? Avec un bon sens de l’observation et quelques connaissances, il est possible de le découvrir.

UN DOSSIER DE MARIE TISON

Plein air

Les animaux à la trace

L’hiver, c’est le bonheur : sortir les skis ou les raquettes, aller se promener dans les sentiers bien enneigés, sentir l’air froid picoter ses joues. C’est aussi l’occasion de jouer au détective en examinant les traces dans la neige.

Quelle bestiole a parcouru le sous-bois pendant la nuit ? Ici, un petit campagnol délicat. Là, un orignal bien pesant. Et ici : un gros méchant loup ou un rusé petit renard ?

Mathieu Francoeur, du parc des Îles-de-Boucherville, suggère de se munir d’un guide d’identification, comme Les traces des animaux du Québec (Mark Elbroch, chez Broquet). Il conseille également Mammifères du Québec et de l’est du Canada  (Jacques Prescott et Pierre Richard, Éditions Michel Quintin), qui fournit des renseignements additionnels sur les petites bestioles et les grosses bêtes qui habitent nos forêts.

Puis, il faut aiguiser son sens de l’observation. « De façon générale, il y a plusieurs trucs à regarder », indique M. Francoeur.

« Il faut observer la grosseur de la trace, voir s’il y a des traces de griffes, s’il y a des traces de poils. »

— Mathieu Francoeur

Il faut bien compter le nombre de coussinets digitaux visibles (un peu comme les doigts de l’animal) et observer la forme du coussinet plantaire (la paume). « Chaque catégorie d’animaux a un patron différent », note M. Francoeur.

QUATRE TYPES DE DÉPLACEMENT

Il faut aussi prendre en note la distance entre chaque pas et la largeur de l’ensemble des traces. Le type de démarche a son importance. Il y a quatre grands patrons de déplacement.

Il y a d’abord le marcheur, qui se déplace sur la pointe des pieds. Il avance la patte avant d’un côté, puis la patte arrière de l’autre côté, et ainsi de suite. Le marcheur a de longues pattes fines, comme les canidés (renard, coyote et loup), les félidés (lynx) et les cervidés (chevreuil, orignal).

Et puis, il y a le bondisseur, qui saute « un peu comme un kangourou », indique M. Francoeur. Il bondit à partir de ses pattes arrière, ses pattes avant se posent sur le sol et se soulèvent aussitôt. Comme les pattes arrière se déposent sur les traces des pattes avant, on ne voit que les empreintes des pattes arrière. On parle ici d’animaux au corps allongé avec des courtes pattes, comme le vison et la belette.

Il y a aussi le galopeur, qui a les pattes arrière bien plus grandes que les pattes avant, comme le lièvre, l’écureuil et certaines espèces de souris. Contrairement au bondisseur, on voit bien les quatre pattes du galopeur sur la neige. Toutefois, les pattes arrière s’impriment devant les pattes avant.

Il y a enfin l’ambleur, comme le porc-épic, la mouffette, le porc-épic et le castor. L’ambleur déplace en même temps les pattes d’un même côté, ce qui l’amène à balancer son corps de gauche à droite. Ça donne un étrange patron sur la neige : la patte arrière se trouve à côté de la patte avant.

Évidemment, le patron de déplacement d’un animal peut varier légèrement lorsqu’il se met à trotter ou à courir. Soit à la poursuite d’une proie. Soit à la recherche urgente d’un refuge.

Certains parcs organisent des activités qui permettent d’approfondir ses connaissances des traces d’animaux. Ainsi, le parc des Îles-de-Boucherville offre des randonnées guidées en soirée destinées aux petits (circuit de 2 kilomètres) et aux grands (circuit de 4 kilomètres).

Le parc de la Rivière-des-Mille-Îles offre également des randonnées à la nouvelle lune et à la pleine lune (le 3 février) pour examiner les quatre patrons de déplacement en pleine nature.

Évidemment, il faut réserver pour ces activités.

Chacun son empreinte

Quelques pistes pour découvrir quel animal a laissé ses traces avant notre passage.

Chacun son empreinte

Renard

Les canidés, soit le renard, le coyote et le loup, ont sensiblement le même patron de déplacements. Leurs traces se distinguent par leur taille et par certains petits détails. Par exemple, le coussinet plantaire du renard roux ressemble à un V inversé. La piste du renard est relativement rectiligne. Il est surtout actif la nuit, mais on peut parfois l’observer au petit matin ou au crépuscule.

Coyote

Parfois, en observant les traces du coyote, on peut voir ses griffes au bout des coussinets digitaux. Mathieu Francoeur, de la SEPAQ, a un bon truc pour distinguer les traces d’un coyote et d’un chien. « Un chien, c’est fou, ça va se promener de tous bords tous côtés dans les bois, alors que le coyote doit contrôler sa dépense énergétique : normalement, il suit une ligne droite. ». Le coyote est actif toute l’année, essentiellement du soir au matin.

Loutre de rivière

On peut compter cinq coussinets sur la trace de la patte avant de la loutre de rivière. On peut aussi déceler les griffes. Mais ce qui caractérise surtout le passage de la loutre de rivière, c’est la trace de glissades. « La loutre aime glisser dans la neige », affirme Mathieu Francoeur, de la SEPAQ. Elle glisse dans les descentes, elle glisse un peu sur le plat, et bien motivée, elle essaie parfois de glisser dans les montées.

Lynx du Canada

La trace du lynx laisse voir quatre coussinets digitaux, et pas mal de fourrure entre les coussinets. Mathieu Francoeur, de la SEPAQ, a un truc simple pour savoir si on se trouve en présence d’un très gros chat ou d’un lynx : s’il y a plusieurs traces de lièvres dans les parages, c’est probablement un lynx. « C’est un chasseur de lièvres ! » Le lynx, un animal plutôt solitaire, est actif tout l’hiver.

Lièvre d’Amérique

Les pattes arrière du lièvre d’Amérique sont bien plus grosses que ses pattes avant. Les coussinets sont un peu indistincts, parce que les pattes du lièvre d’Amérique sont bien poilues. Comme c’est un galopeur, ses pattes arrière, parfois côte à côte, parfois alignées, s’impriment devant les pattes avant. Le lièvre est solitaire, mais de nombreux lièvres fréquentent les mêmes secteurs, d’où un nombre parfois élevé de traces.

Écureuil roux

On peut voir les cinq petits doigts de l’écureuil roux sur la neige. Mais si la neige est poudreuse et profonde, ce serait moins net et il pourrait être difficile de différencier une trace d’écureuil d’une trace de lièvre. Encore ici, Mathieu Francoeur, de la SEPAQ, a un bon truc : « Si on suit une trace, et si elle disparaît lorsqu’on arrive à un arbre, il y a de bonnes chances que ce soit un écureuil ».

Raton laveur

Le raton laveur est semi-actif l’hiver. Il se trouve généralement en état de torpeur, mais il se réveille de temps à autre. Le mâle sort de son abri à la fin de janvier et la femelle, à la mi-mars. « La trace ressemble à la main humaine, on voit bien les cinq doigts », note Mathieu Francoeur, de la SEPAQ. Le raton laveur ne dévie pas beaucoup de sa route : sa piste est donc plutôt rectiligne.

Campagnol des champs

Toutes sortes de mignonnes petites créatures se promènent dans les bois l’hiver, comme le campagnol des champs. Les cinq petits doigts qui s’impriment sur la surface neigeuse sont craquants. « Des fois, on voit la petite traînée de la queue à l’arrière », commente Mathieu Francoeur, de la SEPAQ. Dans la neige profonde, le campagnol se creuse souvent de petits tunnels pour circuler à l’abri.

Cerf de Virginie

Le bon vieux chevreuil a quatre doigts : deux sabots en forme de cœur qui pointent vers l’avant et deux ergots à l’arrière qu’on voit parfois sur la neige. Dans la neige épaisse, les cerfs de Virginie laissent souvent traîner leurs pas. Pour économiser leur énergie, ils marchent sur les mêmes sentiers. « Quand il fait froid, ils se collent souvent ensemble dans les ravages », observe Mathieu Francoeur, de la SEPAQ.

Orignal

Comme pour le cerf de Virginie, la trace de l’orignal ressemble à un cœur qui pointe vers l’avant et on voit parfois les ergots. Mais la trace de l’orignal est beaucoup plus grosse. La neige épaisse dérange moins l’orignal que le chevreuil, mais il cherche lui aussi la facilité. Ainsi, il ne se gêne pas pour emprunter les pistes de ski de fond, au grand dam des skieurs, qui doivent éviter ces trous massifs.

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