ÉLECTIONS PROVINCIALES ÉDITORIAL

Appel aux partis qui disent se préoccuper des familles

Unions de fait, familles recomposées, procréation assistée… Chaque jour qui passe ajoute au nombre de Québécois frappés de plein fouet par la désuétude de notre droit familial. Le prochain gouvernement devra s’attaquer à ce chantier en priorité.

Laissez faire les promesses et, même, les engagements. Tout ce qu’on vous demande, c’est de vous en occuper.

En cette période de course électorale, les quatre partis représentés à l’Assemblée nationale parlent toujours comme si c’était eux qui allaient prendre le pouvoir. On s’attend donc à ce que tous fassent preuve du même sens des responsabilités après le 1er octobre.

Cela fait plus de trois ans que le comité Roy a publié son rapport sur le droit de la famille. Cette brique de près de 600 pages, qui tenait à la fois du catalogue des horreurs et du recueil de solutions créatives, démontrait l’urgence du dépoussiérage Le gouvernement Couillard n’en a rien fait.

Le Québec, toutefois, n’en est pas resté au même point. Il est devenu de plus en plus dépassé, car la réalité des couples, des enfants et de la parenté, elle, a continué d’évoluer.

On en avait déjà un aperçu avec les nouveaux cas de figure qui se retrouvent devant les tribunaux. La commission citoyenne lancée par la Chambre des notaires en a donné toute la mesure dans son rapport cette semaine.

Système complexe et inabordable, inapte à gérer les situations d’aliénation parentale et de violence conjugale, utilisant des barèmes de pension alimentaire désuets : le désarroi des citoyens est palpable.

Et malgré la vaste couverture de l’affaire Lola, qui s’est rendue jusqu’en Cour suprême, une grande partie des conjoints de fait ignorent à quoi ils s’exposent en cas de séparation ou de décès. La commission parle carrément d’un « vide juridique », puisque le Code civil ne prévoit pas de droits et d’obligations mutuels. Ce modèle de vie conjugale, pourtant, est de plus en plus répandu, tout comme les familles recomposées, élargies ou issues de la procréation assistée. Il est grand temps que notre droit dit familial en tienne compte.

Non, tous les enjeux ne feront pas consensus – on n’a qu’à penser aux mères porteuses. Alors oui, ça demandera un certain courage politique. Mais il ne faut pas se conter de peurs non plus. On ne parle pas de rouvrir la Constitution canadienne. Ni même d’être la première province à autoriser l’aide médicale à mourir en contournant le Code criminel fédéral, comme le Québec l’a fait en 2014. On parle seulement de se mettre à jour.

« Le courage politique, c’est toujours plus facile d’en avoir en début qu’en fin de mandat », glisse le professeur de droit Alain Roy, qui a présidé le Comité consultatif sur le droit de la famille de 2015, et coprésidé la commission citoyenne cette année.

Dans le cas d’un chantier comme celui-là, qui nécessitera sans doute quelques consultations supplémentaires et plusieurs années de travail, ce n’est même pas une option : il faut s’y atteler en début de mandat.

Nous en appelons au sens des responsabilités de tous les partis – y compris ceux qui, à défaut de former le gouvernement, se retrouveront dans l’opposition. Cette réforme touche à des cordes sensibles sur lesquelles certains pourraient être tentés de jouer avec beaucoup de mauvaise foi. Espérons que tous sauront faire preuve de plus de dignité.

Une illusion de sécurité

Les perceptions

45 % des couples en union de fait croient être protégés au même titre que les couples mariés.

49 % des couples en union de fait croient que tous les biens acquis au cours de l’union de fait seront séparés en parts égales à la rupture.

Les faits

En cas de séparation, les conjoints de fait n’ont pas droit au partage des biens ni à une pension alimentaire pour eux-mêmes, ni à une prestation compensatoire s’ils ont aidé leur conjoint à s’enrichir durant l’union. Et si leur conjoint meurt sans testament, ils n’héritent de rien.

L’ampleur

Presque 40 % des couples québécois vivent en union de fait, soit cinq fois plus qu’au moment de la dernière réforme du droit de la famille en 1980.

Sources : Commission citoyenne sur le droit familial, rapport final ; Éducaloi

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