Chronique

Les vices cachés de la garantie maison neuve

Voilà deux ans et demi que Québec a redessiné en entier le programme de garantie qui protège les acheteurs de maisons neuves contre les vices cachés.

Ce n’était pas du luxe ! Le plan avait été sérieusement ébranlé par des scandales comme celui de la pyrrhotite. Et comme les garanties étaient administrées par des associations de constructeurs, leur indépendance était souvent remise en question.

Aujourd’hui, le programme est géré par l’organisme indépendant Garantie de construction résidentielle (GCR), et c’est tant mieux.

Malheureusement, de moins en moins d’acheteurs sont couverts par cette garantie, comme l’a fait ressortir l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) lors du colloque Qualité & Équité, mercredi dernier.

En fait, à peine le tiers des maisons construites depuis deux ans étaient effectivement couvertes par la garantie maison neuve. Il s’agit d’une érosion majeure en très peu de temps. Au début de la décennie, presque 60 % des habitations mises en chantier étaient protégées par la garantie, une proportion qui était déjà trop faible.

Ces chiffres révèlent des trous béants dans la protection des acheteurs de maisons neuves. Le problème, c’est que la garantie n’est pas obligatoire pour tous les types de construction. Les nombreuses exceptions font en sorte que certains acheteurs sont protégés et d’autres, non. Cela crée de la confusion dans l’esprit des consommateurs, en plus d’être parfaitement inéquitable.

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Première exception : la garantie n’est pas obligatoire dans les édifices de plus de quatre appartements en copropriété de hauteur. Or, c’est précisément ce genre d’édifices que l’on construit de plus en plus. Les condos représentent maintenant le tiers de toutes les mises en chantier au Québec, une proportion deux fois plus élevée que dans les années 90, selon l’APCHQ.

Un grand nombre de ces condos (39 %) se trouvent dans des édifices de plus de sept étages, deux fois plus qu’il y a cinq ans à peine.

C’est bête ! Je ne vois pas pourquoi le propriétaire d’un condo au huitième étage d’une tour au centre-ville ne serait pas aussi bien protégé que le propriétaire qui a acheté un appartement dans un complexe de trois étages en banlieue ? Rien ne justifie une telle discrimination.

Deuxième exception : les promoteurs immobiliers qui font du neuf avec du vieux ne sont pas forcés d’offrir la garantie. Anciennes usines, couvents, églises… plusieurs entrepreneurs se sont lancés dans la rénovation de vieux bâtiments. Ils vident l’immeuble, le restaurent de fond en comble, puis le revendent en copropriétés. Parfois, ils conservent pratiquement juste la façade. Qu’à cela ne tienne. Ils échappent ainsi à l’obligation d’offrir la garantie. Ce n’est pas équitable non plus.

Troisième exception : les autoconstructeurs ne sont pas tenus d’offrir la fameuse garantie, car ils ne sont pas des entrepreneurs généraux détenant une licence de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ).

S’ils gardent la maison pour eux, ça les regarde. Mais beaucoup d’autoconstructeurs, surtout en région, bâtissent des maisons sous leur nom personnel pour les revendre tout de suite après. Le nouvel acheteur se retrouve alors sans garantie.

Même en ville, on voit des particuliers se lancer dans un projet de transformation d’ancien plex en copropriétés, en leur nom personnel. En cas de pépin, le seul recours des copropriétaires devient alors une poursuite devant les tribunaux pour vice caché.

Les acheteurs devront alors trouver leurs experts, fournir une preuve solide, présenter de la jurisprudence pertinente, etc. Les frais d’avocat peuvent rapidement coûter plus cher que le montant en cause. Et si le vendeur n’est pas solvable, les démarches ne mèneront nulle part.

C’est justement pour éviter de remplir les tribunaux de poursuites que le programme de garantie existe.

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Comme la majorité des acheteurs de maison neuve ne sont plus couverts, Québec devrait étendre la couverture.

Évidemment, il y a un prix à cela. Les études actuarielles de GCR démontrent que les acheteurs de condo devraient payer une prime de 1800 $ pour bénéficier d’une garantie de 200 000 $ pour les vices cachés, de 50 000 $ sur leur dépôt et de 6000 $ pour les frais de déménagement en cas de travaux.

Il me semble que ce n’est pas si cher payé pour avoir l’esprit en paix, surtout quand on sait que certains acheteurs ont perdu des dépôts de plus 50 000 $, ces dernières années, parce que le promoteur a fait faillite avant de livrer les condos.

Il est vrai qu’il existe déjà certaines garanties facultatives offertes par des associations de constructeurs qui peuvent couvrir les édifices en hauteur. Mais leur couverture reste très limitée et les délais, trop courts. Souvent, il est trop tard quand les propriétaires prennent les clés de leur condo.

Ces garanties parallèles peuvent même provoquer un faux sentiment de confiance chez les acheteurs qui ne font pas nécessairement la différence entre la garantie obligatoire est celle qu’on leur propose.

Pourquoi ne pas se doter d’une garantie solide qui couvrirait vraiment tout le monde ? En France, la garantie décennale protège tous les acheteurs pendant 10 ans. Ça force les constructeurs à bâtir solide !

Quand on investit dans la construction de qualité, on réduit les problèmes par la suite. À l’opposé, quand on mise sur la construction au plus bas prix possible, uniquement pour stimuler la demande, on développe un parc immobilier qui est malade dès le départ.

Est-ce vraiment ça qu’on veut ? Pas moi !

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