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Quand dormir n’est pas de tout repos

Vos nuits ne sont plus ce qu’elles étaient? Rassurez-vous : c’est vers la fin de la quarantaine que s’opèrent les plus grands changements sur le plan du sommeil. Entretien avec un spécialiste en la matière.

Charles M. Morin est professeur à l’École de psychologie de l’Université Laval. Il y est aussi le directeur du Centre d’étude des troubles du sommeil (CETS), en plus d’avoir signé le livre Vaincre les ennemis du sommeil en 1997. Il nous confirme que oui, le sommeil connaît d’importantes modifications avec l’âge, mais nous rappelle que celui-ci évolue tout au courant de la vie. « En vieillissant, on passe moins de temps dans un sommeil profond. Mais ce processus s’effectue de façon très graduelle durant des décennies, ajoute-t-il. Ainsi, un jeune adulte passe environ 20 % de ses nuits dans cette phase, alors que cette proportion se situe entre 5 et 10 % vers 70 ans. C’est dans la cinquantaine que ce phénomène, dû à une perte de capacité de notre cerveau à accomplir ce travail, commence à réellement se faire sentir. »

Une question de perception

Plusieurs remarquent en effet que leur sommeil est devenu plus fragile et qu’ils ont ainsi tendance à se réveiller plus souvent. Toutes sortes de facteurs qui n’avaient aucun impact sur la qualité du sommeil peuvent maintenant en avoir, que ce soit un oreiller plus ou moins confortable ou un souci rencontré dans la journée.

Ces changements qui se produisent dans la physiologie du sommeil ne sont toutefois pas perçus de la même manière par tous. « Pour certains, se réveiller quelques minutes au milieu de la nuit est tout à fait normal. D’autres vont s’en préoccuper, de peur d’être fatigués le lendemain. Cela peut causer un stress qui, lui, peut mener à une réelle insomnie. » Donc, gare au cercle vicieux qui peut s’installer!

Savoir reconnaître l’insomnie

Malgré la venue de ces bouleversements dans les habitudes nocturnes, les conséquences ne sont pas toujours notables. M. Morin remarque toutefois que plus de gens se plaignent d’insomnie passé 50 ans. « Je ne crois pas que ces personnes soient plus stressées à 50 ans qu’elles ne l’étaient à 30, leur rythme de vie étant généralement plus stable, mais elles sont plus fragiles sur le plan physiologique. »

Pour le chercheur, il y a présence d’un réel problème quand : s’endormir le soir prend plus de 30 minutes ou qu’un réveil au milieu de la nuit dure lui aussi 30 minutes ou plus, et que cela se produit au moins trois fois par semaine. « Ce ne sont là que des balises, nuance-t-il toutefois. Une vraie insomnie est celle qui s’accompagne de répercussions négatives sur le fonctionnement durant le jour. Il peut s’agir de fatigue, d’une baisse d’énergie, de problèmes de concentration, d’irritabilité, d’angoisse et même de symptômes de dépression. »

Devant ces problèmes, le professeur recommande de ne surtout pas s’en remettre aux médicaments en vente libre, et suggère plutôt de consulter un médecin. « Ce dernier ne devrait prescrire des somnifères qu’en dernier recours, et seulement de façon temporaire, dit-il. Certains psychologues ont par ailleurs une approche de thérapie comportementale offrant de très bons résultats. » Une avenue souvent négligée, que bien des gens devraient explorer, selon lui.

Sieste et routine

Parce que le besoin de sommeil dans une journée ne change pas avec l’âge, mais qu’il s’avère plus difficile de le combler la nuit, Charles M. Morin avance qu’une sieste durant la journée peut être très bénéfique. « Elle ne doit cependant pas avoir lieu plus tard que 15 h, et ne pas non plus excéder 30 minutes. Plus longtemps, le sommeil risque de devenir profond, et redémarrer la journée normalement se révèlera difficile. Cela pourrait aussi entraver la qualité du sommeil nocturne. »

Une fois à la retraite, la tentation de ne plus programmer le cadran peut être forte, mais selon M. Morin, il ne s’agirait pas d’une bonne idée. « Notre horloge biologique tend à se désynchroniser avec l’âge, c’est pourquoi il est judicieux de garder ce qu’on appelle des marqueurs de synchronisme biologiques, donc de maintenir une heure de lever fixe chaque matin et de ne pas aller se coucher trop tôt le soir, ce que beaucoup de gens tendent à faire. »

Enfin, M. Morin rappelle qu’au même titre que l’alimentation et l’activité physique, le sommeil fait partie des saines habitudes de vie, mais qu’on le prend trop souvent pour acquis. « Pour notre santé et notre bien-être, il faut vraiment faire de notre sommeil une priorité. »

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