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Moments heureux et périodes sombres

Fierté Montréal retrace les événements marquants de l’histoire LGBT à Montréal.

En cette année de double commémoration – le 375e anniversaire de Montréal et les 150 ans de la Confédération –, Fierté Montréal, qui débutait jeudi, propose une édition d’une ampleur inédite qui rassemblera notamment des gens venus de partout au pays sous la bannière Fierté Canada. En plus de l’habituel défilé et d’une foule de spectacles, le festival profite de l’occasion pour remonter le temps et mesurer le chemin parcouru par les personnes et organisations LGBT.

Fierté Montréal a pris l’habitude de présenter de petites expos destinées à « démystifier » certaines choses, explique Jean-François Perrier, son directeur du marketing. Par exemple, il y a quelques années, à la place Émilie-Gamelin, on pouvait découvrir l’histoire du drapeau arc-en-ciel. Jusqu’au 20 août, au parc des Faubourgs, c’est plutôt la présence homosexuelle et les événements marquants de l’histoire LGBT au Québec, au Canada et tout particulièrement à Montréal, qui est mise en valeur.

« C’est un survol, prévient d’emblée Jean-François Perrier. On s’entend que les droits LGBT ont déboulé au cours des 50 ou 60 dernières années. Les panneaux reflètent ça, d’ailleurs. »

« Plus on se rapproche d’aujourd’hui, plus il y a de l’information. C’est un peu l’histoire du chemin parcouru. »

— Jean-François Perrier, directeur du marketing de Fierté Montréal

Une histoire avec des moments heureux… et des périodes sombres. « On était cachés, isolés, opprimés », rappelle Jean-François Perrier.

Scandale en Nouvelle-France

Faire l’histoire de la présence gaie à Montréal, c’est d’abord se buter à un silence presque total. « Comme c’était condamné, les gens ne le criaient pas sur les toits, explique Line Chamberland, professeure au département de sexologie de l’UQAM. Les seules traces qu’on a, ce sont celles des arrestations. » Ainsi, ce sont les archives judiciaires et certains articles de journaux qui permettent de remonter au-delà du XXe siècle.

Un joueur de tambour militaire a le triste honneur d’être le premier homme à avoir été accusé, en 1648, d’avoir commis « le pire des crimes » (c’est en ces termes qu’on parlait de la sodomie à l’époque) en Nouvelle-France. La cour lui a proposé un marché : soit il était condamné aux galères, soit il acceptait un boulot dont personne ne voulait, celui de bourreau. Il est devenu bourreau. Il en va ainsi jusqu’à l’orée du XXsiècle : des hommes surpris à avoir des relations sexuelles entre eux sont arrêtés, puis jugés.

Montréal, comme toutes les autres grandes villes, a eu ses lieux de rencontre informels pour homosexuels (le Champ-de-Mars, au XIXe siècle, par exemple). C’est près de là qu’est né le premier établissement gai d’Amérique, selon l’expo 375 ans d’histoire LGBT : l’Apples and Cake Shop, situé en 1869 à l’angle de la rue Craig (aujourd’hui Saint-Antoine) et du boulevard Saint-Laurent.

Est-ce que c’était vraiment le premier ? Line Chamberland trouve osé ce genre d’affirmation. « Ce qu’on sait, c’est que des hommes ont été arrêtés pour avoir eu des relations sexuelles à cet endroit et qu’il y a eu plus d’une arrestation. Ce n’était pas que deux hommes. Est-ce qu’on peut parler d’établissement gai ? De lieu de rendez-vous comme les bars qui vont se développer plus tard ? », demande-t-elle.

De plus en plus ouvert

Ce n’est qu’au XXe siècle que les choses commencent à vraiment évoluer. Montréal profite de la prohibition en vigueur aux États-Unis pour asseoir sa réputation de ville de plaisirs (alcool, jeu, prostitution) et « assez libérale sur le plan de la sexualité », comme le dit la sociologue Line Chamberland. Des bars qui accueillaient les gais et parfois même les lesbiennes existaient dans le Red Light des années 50.

« Il y avait déjà des réseaux de bars homosexuels en Amérique dans les années 50-60 et quand, dans les années 70, le mouvement va démarrer, il y a déjà de vastes réseaux. Les gens se connaissent. »

— Line Chamberland, sociologue

Il y a encore de la répression. Une descente musclée au bar le Truxx, en octobre 1977, provoque le lendemain une importante manifestation rassemblant de 1500 à 2000 personnes, selon les sources.

Quelques semaines plus tard, le gouvernement de René Lévesque interdit la discrimination basée sur l’orientation sexuelle. « L’ajout de l’orientation sexuelle dans la Charte québécoise des droits et libertés était une promesse électorale du Parti québécois, rappelle Line Chamberland. C’était une première en Amérique du Nord et certains maintiennent que c’était une première mondiale. »

« Le mouvement LGBT est un mouvement récent, une parcelle d’histoire qui vient d’apparaître », estime Marie-Pier Boisvert, directrice du Conseil LGBT du Québec, qui voit d’un bon œil la tenue d’une expo qui « donne de la perspective » par rapport au mouvement et à ce qui se passe ailleurs. Jean-François Perrier croit lui aussi au caractère éducatif de l’expo. « Beaucoup de gens vont apprendre des choses, juge-t-il. Pour les plus jeunes, ce qui s’est passé avant l’an 2000, c’est un peu flou. […] Ça va permettre aux gens d’en savoir davantage. »

L’exposition 375 ans d’histoire LGBT est présentée au parc des Faubourgs tout au long du festival Fierté Montréal, qui se déroule jusqu’au 20 août.

L’histoire homosexuelle à Montréal en quelques dates

1648

Un joueur de tambour militaire est accusé d’avoir commis « le pire des crimes » (la sodomie). Il s’en tire en acceptant le poste de bourreau.

1869

Des hommes sont arrêtés pour avoir eu des relations sexuelles à l’Apples and Cake Shop, situé à l’angle de la rue Craig (aujourd’hui Saint-Antoine) et du boulevard Saint-Laurent. Le premier établissement gai, selon l’exposition 375 ans d’histoire LGBT.

1950-1960

Pour identifier et éliminer les gais de la fonction publique, de l’armée et de la GRC, on utilise la « Fruit Machine », un appareil réputé peu fiable qui devait mesurer l’excitation sexuelle du candidat…

1969

Soutenant que l’État n’a rien à faire dans la chambre à coucher des gens, le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau décriminalise l’homosexualité.

1989

La cinquième Conférence internationale sur le sida a lieu à Montréal. Des militants dénoncent l’inaction du gouvernement de Brian Mulroney face à la maladie.

2002

Par un vote unanime, l’Assemblée nationale accorde aux conjoints de même sexe le droit de s’unir civilement.

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