Techno

Le clavier, la sécurité et l'anticonformisme de BlackBerry

Ne leur dites pas que BlackBerry a grappillé à peine 0,1 % du marché l’an dernier et que bien des analystes se demandent comment l’entreprise existe encore. Pour les derniers des Mohicans qui l’utilisent, le BlackBerry est l’équivalent d’une voiture de collection, un appareil sobre et efficace loin des modes.

Daniel Latif, un journaliste français qui publie notamment dans Le Monde et Le Point, n’a jamais laissé tomber cette marque depuis son coup de foudre, en 2007. Il savoure secrètement l’étonnement ou la pitié de ceux qui ont acheté un téléphone plus à la page. Il s’en est expliqué longuement dans un blogue publié sur le site du Monde l’an dernier.

« Je passe pour un marginal, résume-t-il au bout du fil. Les gens me disent : “Tu n’as pas telle ou telle application.” Mais je n’en ai pas besoin ! J’ai les courriels, les SMS, je vais sur l’internet. Mon BlackBerry Q10, que j’ai depuis 2012, est robuste, il ne bogue pas, il fait tout ce que j’attends de lui. »

« UN PEU MOUTON NOIR »

Francisco Randez, mannequin, restaurateur et animateur d’émissions, notamment au canal Évasion et à Rythme FM, s’amuse lui aussi des regards que suscite son BlackBerry Priv. Premier modèle du fabricant canadien à utiliser le système d’exploitation Android, il a conservé son fameux clavier qu’on dévoile en le faisant glisser vers le bas.

« Je le dis avec un clin d’œil, j’ai toujours été un peu mouton noir. Par contre, les partisans d’iPhone sont comme dans une secte : on dirait des vendeurs Amway, tu as l’impression qu’ils ont un pourcentage des ventes. »

— Francisco Randez

Il adore par ailleurs taquiner les fans d’Apple, aux prises selon lui avec des bogues incessants, dont les appareils beaux mais fragiles sont rapidement désuets. « Il y a beaucoup d’obsolescence programmée, alors que le Black est fait pour durer. »

Julien Fontaine, courtier immobilier dans la grande région de Montréal, renchérit : son Q10 a trois ans et est en pleine forme. « J’ai brisé la vitre, je l’ai changée moi-même, ça m’a coûté une vingtaine de dollars. La batterie se vide plus rapidement ? Tu en achètes une autre, ça ne coûte pratiquement rien. »

Francisco Randez apprécie la sobriété associée aux BlackBerry et n’est pas tellement ému que son Priv ait maintenant accès aux millions d’applications du Google Play Store. « Je réponds aux courriels, aux textos et aux appels téléphoniques… Je n’ai pas besoin d’une application qui imite un briquet dans un show. Comme le dit la devise de BlackBerry, “we need tools, not toys”, des outils plutôt que des jouets. »

LES JOIES DU CLAVIER

Comme tous les inconditionnels du BlackBerry, Debora de Thomasis, avocate de la défense, ne pourrait se passer du clavier tactile. Elle utilise actuellement un Passport et elle travaille dans un rare bureau où le BlackBerry n’est pas une étrangeté. « C’est notre choix personnel. Moi, je suis une pure et dure du BlackBerry. Je peux taper un texte sans regarder, écrire ou lire des documents sur son grand écran, formater, corriger et sauvegarder en PDF. Je ne suis pas du genre à vouloir des applications inutiles sur mon téléphone. Certains trouvent que je suis un dinosaure, et quand je leur demande ce que leur Samsung ou leur iPhone leur donne, ils me montrent comment ils prennent des photos… Je n’ai pas de temps à perdre là-dessus ! »

En tant que journaliste, Daniel Latif a besoin d’écrire rapidement, souvent sur la route, une tâche qu’il estime impossible sur un écran tactile. « C’est insupportable d’écrire sur un écran, c’est comme si vous tapiez sur votre téléviseur au lieu d’avoir une télécommande. Et ça laisse des traces de doigt… »

Et la sécurité, bordel ?

Avant qu’Apple en fasse une marque de commerce, BlackBerry a misé sur la sécurité et la confidentialité des communications passant par ses serveurs, réputés inviolables.

« Les BlackBerry restent plus sécuritaires que les autres, estime Me Debora de Thomasis. C’est la raison pour laquelle les gouvernements l’utilisent. »

Chose certaine, la baisse de popularité du BlackBerry en fait une cible moins intéressante pour les pirates, note Julien Fontaine. Même pour ses modèles Android plus récents, l’entreprise promet des mises à jour de sécurité mensuelles. « Et avec Apple et Android qui te suivent partout à la trace… t’as le choix entre la peste et le choléra. » 

La chute de BlackBerry

20 millions

« Base d’utilisateurs » du BlackBerry en 2016, selon le plus récent rapport financier de l’entreprise

19,9 milliards

Revenus en 2011, à l’apogée du succès de l’entreprise

3,3 milliards

Revenus, en dollars américains, de BlackBerry en 2015

19,9 %

Part mondiale de marché des appareils BlackBerry au troisième trimestre de 2009

0,1 %

Part de marché au deuxième trimestre de 2016

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