Méningite de type B

Vacciner ou pas ?

TERREBONNE — On le surnomme le guerrier. Benjamin Gagnon est âgé de 17 ans. Il a été foudroyé par la méningite de type B alors qu’il avait à peine 4 mois. Plusieurs fois, il a frôlé la mort. Au fil des ans, il a subi 56 opérations. Amputé des jambes et des mains, il vit avec une déficience intellectuelle profonde et un trouble épileptique. Depuis l’arrivée, en 2014, d’un nouveau vaccin pour prévenir la maladie, sa mère Marie-Ève milite pour que tous les petits Québécois soient immunisés.

« La méningite est une maladie sournoise, difficile à diagnostiquer avant qu’il ne soit trop tard », confie Marie-Ève Gagnon. Le petit Benjamin faisait de la fièvre et avait cessé de boire. À la clinique, le médecin a diagnostiqué une gastroentérite. « Durant la nuit, la respiration saccadée de mon fils m’a réveillée. Quand j’ai allumé la lumière, je ne l’ai pas reconnu. Son corps était couvert de plaques, des pétéchies. J’ai tout de suite appelé le 911 et, à l’hôpital, ils sont partis avec mon bébé. J’ai été sans nouvelles pendant six heures. »

Alors à la tête d’une famille monoparentale, elle dit avoir prié comme jamais. Les jours suivants ont été déterminants.

« Je passais 24 h sur 24 à son chevet. Je ne voulais pas rater une minute avec lui. On m’a dit à plusieurs reprises de lui faire mes adieux. Je voulais tellement qu’il survive, peu importe les séquelles. Je n’avais pas mesuré l’ampleur des conséquences à longue échéance. »

— Marie-Ève Gagnon

Au bout de quelques jours, quand Marie-Ève a eu le courage de relever la petite couverture sous laquelle reposait son bébé nouvellement amputé, elle a éclaté en sanglots. « On venait de m’arracher le cœur. J’ai promis à Benjamin de me battre à ses côtés. Ça fait 17 ans qu’on se bat », confie-t-elle, les larmes aux yeux. La jeune maman n’avait que 19 ans.

Aujourd’hui mère de cinq enfants, Marie-Ève Gagnon vit au jour le jour. « La condition de Benjamin est changeante, imprévisible. Il a beaucoup souffert, mais il a la chance d’être en vie. » Rieur, il aime le contact des gens qu’il approche sans gêne. Il aime faire des pompes, se balader en voiture, jouer au ballon et se prélasser dans le spa. « Benjamin nous apporte tellement, il nous fait grandir. Il était dans un état neurovégétatif, il était gavé. On a travaillé tellement fort, chaque petit progrès est une victoire. Je n’échangerais pas de vie, mais cette vie m’a été imposée. Cette maladie est évitable. Un vaccin existe aujourd’hui, pourquoi ne pas l’inclure au calendrier de vaccination ? »

RARE, MAIS MORTELLE

Bien qu’assez rare, la méningite à méningocoque de souche B est la forme de méningite la plus répandue au Canada. On compte 200 nouveaux cas chaque année, dont 30 au Québec. C’est très peu, mais la maladie est fulgurante, mortelle dans 1 cas sur 10. La mort peut survenir à l’intérieur de 24 à 48 heures. Un survivant sur cinq restera avec des séquelles graves, dont un retard mental, une surdité ou une incapacité physique.

« C’est une maladie qui effraie parce que c’est un orage dans un ciel bleu, elle est imprévisible, explique le Dr Philippe de Wals, médecin-conseil à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et membre du Comité consultatif national canadien sur l’immunisation. La maladie est endémique, mais très peu fréquente. Elle touche surtout les jeunes enfants, les adolescents et les personnes plus âgées au système immunitaire affaibli. »

Des épidémies ou des éclosions surviennent de façon sporadique. Comme en 2004, dans l’est du Québec. Une souche virulente du méningocoque B a frappé la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Les cas étaient jusqu’à 10 fois plus nombreux qu’à l’habitude, souligne le Dr de Wals. Année après année, cette tendance à la hausse ne montrait aucun signe d’essoufflement. Jusqu’à ce qu’un vaccin soit accessible. En 2014, le Comité d’immunisation du Québec a procédé à une campagne massive de vaccination dans la région. « Il y avait 10 cas par année et, depuis la vaccination, aucun cas n’a été signalé », indique le spécialiste.

VACCINATION MASSIVE EN EUROPE

Ce printemps, une éclosion de méningite de type B dans le Beaujolais, en France, a forcé les autorités sanitaires à procéder à une campagne de vaccination massive dans la région. En septembre 2015, le Royaume-Uni a poussé plus loin : il est devenu le premier pays à mettre en place un programme de vaccination national chez les nouveau-nés.

Marie-Ève Gagnon souhaite que le Québec emboîte le pas.

« Chaque cas de méningite, c’est un de trop. Aujourd’hui, plusieurs parents aimeraient vacciner leurs enfants, mais ils n’ont pas les moyens. Qu’est-ce qu’on attend ? »

— Marie-Ève Gagnon

Au privé, le vaccin coûte plus de 100 $ la dose.

Doit-on vacciner ou pas ? La décision du ministère de la Santé du Québec n’est pas encore arrêtée, souligne le Dr de Wals, mais aucune province canadienne n’est allée de l’avant. « Le vaccin est réservé aux personnes à haut risque, pour la gestion des éclosions et aux membres de la famille d’une personne infectée. »

Comme le calendrier de vaccination est déjà chargé, qu’une campagne annuelle de vaccination coûterait des millions, que le vaccin est réactogène et que, pour l’instant, on estime que l’impact serait mineur, les réserves sont nombreuses. « On n’est pas contre la prévention, mais il faut bien analyser la situation, dit le Dr de Wals. Il y a plusieurs autres priorités en santé publique. Si la situation venait à changer, nous pourrions émettre un nouvel avis. Nous exerçons une surveillance constante. »

Marie-Ève Gagnon, elle, n’entend pas lâcher le morceau. Mais pour l’instant, il y a plus urgent : la collation de Benjamin. Il lui tapote la cuisse, il a faim. Elle lui offre une salade de fruits, puis un sandwich qu’il dévore. « Après, on va aller se promener en auto, veux-tu ? » Benjamin sourit, il hoche la tête en signe d’approbation. Il est comblé.

Méningite de type B en bref

Cause : l’infection à méningocoque (méningite et septicémie) est causée par la bactérie Neisseria meningitidis. La bactérie se présente sous une douzaine de sérogroupes, dont le sérogroupe B (responsable de 60 % de toutes les infections à méningocoque).

Mode de transmission : par les sécrétions de la bouche ou du nez de la personne infectée.

Symptômes : raideur dans la nuque, toux, forte fièvre, mal de tête important, nausées et vomissements, rougeurs, somnolence, confusion.

Traitement : si des antibiotiques sont administrés rapidement, la plupart des personnes se rétablissent.

Les cinq souches : A, B, C, W-135, Y. Les enfants québécois reçoivent le vaccin contre le méningocoque de souche C depuis 2002. Dans d’autres provinces canadiennes, on offre le vaccin quadrivalent (A, C, W-135, Y), mais la prévalence de ces souches est très faible au pays.

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