Le missionnaire

Il avait raison. Il reste encore beaucoup à faire, mais sur le fond, Michel Nadeau avait raison : les Québécois se sont bien débarrassés de leurs complexes économiques.

La mort de Michel Nadeau, survenue mardi, est une belle occasion de se remémorer les pas de géant du Québec depuis 1960. Et de dire que cette réussite exceptionnelle, on la doit beaucoup à ces missionnaires de Québec inc., dont faisait partie, justement, Michel Nadeau.

Faut-il rappeler d’où nous partions ? En 1960, les Canadiens français, complexés, avaient un niveau d’instruction aussi bas que celui des Noirs aux États-Unis. L’argent était tabou et le monde des affaires était surtout l’apanage des anglophones. En un demi-siècle, les Québécois sont passés du statut de porteurs d’eau, en quelque sorte, à celui de propriétaires de multinationales.

Toute sa vie, le financier hors norme Michel Nadeau a eu à l’esprit de développer les qualités entrepreneuriales des Québécois, chose qu’il a contribué à faire à titre de cadre supérieur de la Caisse de dépôt et placement du Québec, notamment.

« Nous avons acquis une indépendance économique. Le progrès a été extraordinaire, remarquable. L’économie du Québec a connu une accélération rapide unique au monde, et sa société est l’une des plus dynamiques en Amérique du Nord », a dit Michel Nadeau dans une de ses dernières entrevues, accordée au quotidien Le Devoir, le 13 septembre dernier, où il avait commencé sa carrière comme journaliste financier dans les années 1970.

Celui qui l’a embauché à la Caisse de dépôt dans les années 1980 pour faire de la planification stratégique, Jean Campeau, dit de Michel Nadeau qu’il réussissait bien à conjuguer les deux missions fondamentales de la Caisse, soit le rendement des cotisants et le développement économique du Québec.

« C’était un vrai Québécois. Il penchait pour les francophones », me dit au téléphone Jean Campeau, qui est maintenant âgé de 90 ans.

Durant ses premières années à la Caisse, Michel Nadeau s’occupait de planification stratégique. Il a notamment contribué à l’entrée de la Caisse dans l’immobilier, un geste précurseur à l’époque.

« J’ai toujours eu énormément de respect pour lui. Il est un contributeur important à ce que la Caisse est devenue aujourd’hui », dit son ex-collègue Normand Provost, ex-premier vice-président aux placements privés de la Caisse.

Après son départ de la Caisse, en 2001, Michel Nadeau a passé l’essentiel de sa carrière à aider les organisations à améliorer leur gouvernance, à titre de directeur général de l’Institut sur la gouvernance d’organisations publiques et privées (IGOPP).

Son geste le plus marquant est sans contredit sa participation dans l’acquisition de Vidéotron par Québecor, en 2000. Michel Nadeau a convaincu Pierre Karl Péladeau de faire le saut, avec l’appui financier de la Caisse, et de ravir Vidéotron à Rogers Communications, de Toronto.

La transaction a été fort coûteuse, Québecor ayant acheté l’entreprise comptant au plus fort de la bulle boursière, en 2000. Beaucoup lui ont fait ce reproche, mais peu ont remis en doute qu’il fallait garder dans des mains québécoises cette entreprise stratégique.

Pour votre rôle de missionnaire, pour votre travail acharné, il faut vous lever notre chapeau, Michel Nadeau !

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