Services de garde

Des frais de garde modulés en fonction du revenu des parents

QUÉBEC — C’est bientôt la fin des garderies à tarif unique. Le gouvernement Couillard prépare une réforme majeure en vue de moduler en fonction du revenu des parents le tarif des centres de la petite enfance (CPE) et des autres services de garde subventionnés.

Des sources libérales ont confirmé à La Presse au cours des derniers jours que l’universalité du programme, principe fondateur du réseau des CPE, disparaîtra.

Dans son budget, le ministre des Finances, Carlos Leitao, a décidé de faire passer le tarif à 7,30 $ par jour à compter du 1er octobre. Il est gelé à 7 $ depuis 2004. Mais Québec veut aller plus loin devant l’augmentation des coûts des services de garde. La facture dépasse maintenant 2,3 milliards de dollars par année, 1 milliard de plus qu’il y a 10 ans.

Le tarif sera modulé en fonction du revenu des parents peut-être dès l’an prochain, selon des sources. La mesure devrait faire partie des changements fiscaux que Carlos Leitao compte annoncer le 2 décembre – dans le cadre de sa mise à jour économique, a appris La Presse –, à temps pour qu’ils soient en vigueur durant toute l’année 2015.

L’objectif du gouvernement est de faire des économies : chaque dollar de plus payé par les parents réduit d’autant la facture de Québec.

La mécanique n’a pas encore été arrêtée. Un scénario vise à maintenir le tarif à 7 $ – bientôt 7,30 $ – pour les moins fortunés et à l’augmenter pour les autres, en fonction de leur revenu. Les services de garde continueraient à réclamer le même tarif à tous les parents, un tarif qui serait indexé d’une année à l’autre. C’est au moment de la déclaration fiscale que les parents auraient à verser un supplément pour que, au bout du compte, ils paient l’équivalent de 8 $, 10 $ ou plus par jour, par exemple.

Au début de son règne, en 2003, le gouvernement Charest avait proposé un scénario semblable, mais l’avait ensuite abandonné. Dans un document de consultation, il fixait à 70 000 $ le revenu familial au-dessus duquel les parents devraient payer davantage, lors de la déclaration d’impôt. « Pour éviter d’avoir un solde à payer, les familles devraient demander que l’on ajuste leurs retenues à la source, et les travailleurs autonomes devraient faire modifier leurs acomptes provisionnels », précisait-il.

En mai dernier, le premier ministre Philippe Couillard a ouvert la porte à une modulation du tarif selon le revenu. 

« Personne ne s’objecterait au fait que quelqu’un qui a mon revenu ou des revenus plus élevés dans la société ait à payer des tarifs comme 10 $ par jour pour un enfant en garderie. »

— Philippe Couillard, en mai dernier

L’idée a fait son chemin depuis. Des discussions ont eu lieu au caucus des députés libéraux la semaine dernière, à La Malbaie. La mise au rancart de l’universalité aurait alors été confirmée. On aurait également convenu de ne pas créer plus de places subventionnées que celles qui sont déjà prévues. Le budget Leitao a donné un coup de frein en décrétant que les 30 000 nouvelles places promises, déjà attribuées par appels d’offres dans les dernières années, verront le jour d’ici 2020-2021 seulement – soit quatre ans plus tard que prévu.

« ON N’A RIEN MIS DE CÔTÉ POUR LE MOMENT »

À l’entrée de la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, hier, la ministre de la Famille, Francine Charbonneau, n’a pas ouvert son jeu. Elle a soutenu que tous les scénarios sont sur la table et que le gouvernement n’avait pas pris de décision. « Rien n’a été évacué. On regarde ce qu’on est capable de faire, on n’a rien mis de côté pour le moment », a-t-elle affirmé lorsqu’on l’a interrogée sur l’universalité du programme actuel.

Au caucus de La Malbaie, elle avait manifesté son désarroi devant la facture des services de garde et l’état précaire des finances publiques. 

« Comment je fais pour donner plus aux familles du Québec avec ce que j’ai en ce moment ? Je n’ai pas encore trouvé l’adéquation. »

— Francine Charbonneau, ministre de la Famille, en marge du caucus des libéraux à La Malbaie

Créée par le gouvernement Couillard et présidée par l’ancienne ministre Lucienne Robillard, la commission sur la révision des programmes passe au crible le programme des services de garde. Son rapport est attendu en octobre. La commission sur la fiscalité, présidée par l’économiste Luc Godbout, serait également interpellée dans ce dossier. 

À Québec, on mettrait en place le concept de « l’équité par la fiscalité », qui se traduirait dans la réforme du financement des garderies. La réflexion du gouvernement se veut large, et on aborde de front la particularité du programme québécois de services de garde. Québec verse des subventions directes aux garderies, alors que les autres provinces ont un système fiscalisé – les garderies fixent leur propre tarif, et le gouvernement accorde un crédit d’impôt aux parents.

Rappelons qu’il existe un crédit d’impôt au Québec pour venir en aide aux parents dont les enfants fréquentent les garderies non subventionnées et qui exigent, par exemple, 35 $ par jour. Ce réseau compte un peu plus de 48 000 places.

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