Commission Charbonneau

Des billets de faveur distribués allègrement entre
Loto-Québec et le PLQ

L’ancien vice-président de Loto-Québec, Pierre Bibeau, agissait comme une véritable distributrice de billets d’événements commandités par la société d’État auprès d’entrepreneurs et de gens proches du Parti libéral du Québec (PLQ), où il a été organisateur politique durant de nombreuses années.

C’est l’ex-secrétaire de Pierre Bibeau, Jocelyne Truchon, qui témoignait à la commission Charbonneau hier, qui s’était vu confier la gestion de la billetterie par son patron, en 2004.

En tant que commanditaire d’une multitude d’événements comme le Grand Prix du Canada, le Festival de jazz et le festival Juste pour rire, Loto-Québec recevait des billets de faveur de la part des promoteurs. Les billets qui ne trouvaient pas preneur auprès des dirigeants de la société d’État échouaient sur le bureau de Pierre Bibeau, qui les redistribuait par la suite « aux gens du PLQ, à ses proches et à sa famille ».

Mme Truchon a indiqué que le ministre libéral Sam Hamad avait déjà demandé des billets VIP pour le tournoi de golf du Casino de Montréal.

Elle a aussi affirmé que l’animateur de télévision Jean Lapierre avait déjà téléphoné à M. Bibeau pour lui demander d’upgrader sa chambre d’hôtel au Manoir Richelieu, à La Malbaie.

L’ancienne responsable du financement au PLQ, Violette Trépanier, a aussi demandé des billets pour La Ronde « par dizaines » pour ses petits-enfants.

Des billets ont également été donnés à Marc Bibeau, le dirigeant de SchokBéton, et peut-être à Bernard Poulin, du Groupe SM.

Bernard Trépanier, surnommé « Monsieur 3 % » parce qu’il collectait 3 % du montant des contrats publics de la Ville de Montréal auprès des firmes de génie, a aussi obtenu des billets.

Pour sa part, le chroniqueur Rodger Brulotte en a reçu pour le Centre Bell.

VISITE DE ZAMBITO

Lors de son témoignage devant la commission Charbonneau en octobre 2012, l’entrepreneur Lino Zambito a affirmé qu’il avait versé 30 000 $ en argent comptant à Pierre Bibeau pour une activité de financement organisée pour l'ancienne conjointe de ce dernier, l’ex-ministre Line Beauchamp, en 2009. Il avait soutenu qu’il avait apporté l’argent à M. Bibeau en mains propres à son bureau de Loto-Québec.

Jocelyne Truchon a confirmé que M. Zambito s’était présenté une fois à son bureau, mais que la rencontre ne figurait pas à son agenda. Elle se souvient de l’avoir escorté à son arrivée et à sa sortie des bureaux
de Loto-Québec. La rencontre a eu lieu derrière une porte close.

APPELS TÉLÉPHONIQUES

Selon Jocelyne Truchon, Pierre Bibeau recevait beaucoup d’appels de la part d’élus lors de ses journées de travail comme vice-président aux Affaires publiques de
Loto-Québec.

Elle se souvient qu’il avait des contacts avec les bureaux du premier ministre Jean Charest, du ministre de la Sécurité publique Jacques Dupuis, du ministre du Travail David Whissell, du whip en chef Norman MacMillan et de celui de Lise Thériault.

Il avait aussi des contacts fréquents avec le président de Cima+, Kazimir Olechnowicz, avec Bernard Poulin du Groupe SM, ainsi qu’avec Rosaire et Jean-Pierre Sauriol de Dessau.

À partir de 2010, les appels ont été beaucoup moins fréquents sur la ligne fixe de M. Bibeau. Il recevait la plupart de ses appels sur l’un de ses trois cellulaires, a dit Mme Truchon.

Les audiences de la commission Charbonneau reprendront ce matin avec le témoignage de Pierre Bibeau.

Commission Charbonneau

« Je n’ai jamais rien demandé »,
se défend Jean Lapierre

Jean Lapierre est catégorique : il n’a jamais demandé de
faveur à Pierre Bibeau. Joint au téléphone par La Presse,
M. Lapierre a bel et bien reconnu avoir bénéficié d’un surclassement gratuit lors de sa première visite au Manoir Richelieu, mais il affirme que l’initiative venait de M. Bibeau. « Pierre Bibeau lui-même m’a offert l’upgrade, j’imagine qu’il a un bon contact [à cet hôtel], a affirmé M. Lapierre. Je n’ai jamais pensé que c’était une grande faveur. » Le chroniqueur politique et ancien député libéral d’Outremont soutient que
M. Bibeau est un ami « depuis 35 ans » qu’il a connu chez les jeunes libéraux. Par ailleurs, M. Lapierre a parlé d’un « mauvais timing » pour expliquer sa deuxième présence au Manoir Richelieu, hier. Une photo de la vue de sa chambre sur le fleuve Saint-Laurent, publiée sur son compte Twitter hier matin, a suscité des réactions sur les réseaux sociaux en
après-midi, après les révélations de Jocelyne Truchon. « Je suis membre Fairmont. Ça fait partie des privilèges », explique-t-il au sujet de son surclassement. M. Lapierre affirme séjourner
au Manoir Richelieu parce qu’il participe au congrès annuel
de l’Association minière du Québec.

— Guillaume Lefrançois, La Presse

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