Opinion

Renouer avec le vocable « Canadien français »

Il est toujours bon de savoir pour ou contre qui on se bat. Pareil pour la nécessité d’appeler les choses et les gens par leur nom. Voilà donc : je suis l’auteur d’un livre (La Maison mère) qui propose de renouer avec le vocable « Canadien français » (et non d’abandonner complètement « Québécois » comme certains en ont fait la lecture dans les médias) et depuis quelques semaines, la discussion ne pourrait être plus d’actualité. Il semblerait que ça fait réagir.

Soit Mathieu Bock-Côté ne fait pas référence à mon livre dans sa chronique « Québécois, ne changeons pas de nom » ou alors il est devin pour en réfuter le propos sans en connaître l’existence (nous partageons le même éditeur). Qu’il ait occulté mon nom exprès ou non, il n’en reste pas moins que je le comprends. Si je suivais sa logique, je répondrais de la même manière par rapport au Québec et à son « noyau historique de la vallée du Saint-Laurent ».

Mais la question du livre est justement toute là : est-ce la bonne stratégie que nous avons empruntée au cours des 50 dernières années ?

Est-ce que la nostalgie des années boomers était la bonne en 1995 avec ses marguerites sur les pancartes du OUI ?

Avec candeur et en toute honnêteté, je ne sais pas si j’ai la réponse. Je voulais surtout poser des questions.

D’abord l’ambiguïté

Lorsque Pierre Curzi a dit après les élections que « de Québécois, on est redevenus des Canadiens français », il est permis de se demander s’il se servait de ces termes comme de synonymes interchangeables. Parlait-il de l’ensemble des Québécois, ou alors des Québécois francophones ?

Vous remarquerez qu’on ne présentera jamais Leonard Cohen dans la presse anglophone en disant « the Québécois singer », mais on pourrait très bien y trouver, par exemple, « the Québécois billionaire Guy Laliberté ». Bien souvent, sous l’appellation Québécois se cache en réalité Canadien français. Personne n’est dupe du stratagème.

Doug Ford et l’Ontario

Il semble y avoir un plaisir malsain chez certains souverainistes à voir les communautés canadiennes-françaises hors Québec disparaître. Comme si ces sacrifices prouvaient mieux la nécessité de leur projet et qu’ils pourraient ensuite leur dire « hate to say I told you so ».

La vérité, c’est que nous avons dû les abandonner. Dans Le Devoir, Jean-François Nadeau s’amuse à imaginer une fiction dans laquelle Legault utiliserait « tous ses fonds destinés jusqu’ici aux services aux anglophones afin de financer les services aux francophones d’Ontario… » Imaginez cette autre fiction alternative : si nous ne nous étions pas séparés de nos sœurs et frères francophones pour nous isoler sémantiquement dans la Province of Quebec et que nous avions assumé notre titre, rôle et nos responsabilités de « peuple fondateur » avec de la créativité, même, et surtout, dans l’adversité. N’est-ce pas là, d’ailleurs, une de nos grandes forces, la créativité ?

La Maison mère : un roman survivaliste apocalyptique

Je me suis toujours méfié des gouvernements centralisateurs, et de l’État tout court. Mon livre est tout sauf l’apologie du fédéralisme. Il m’arrive d’y critiquer des stratégies péquistes tout en avouant que, dans le feu de l’action, je n’aurais guère fait mieux. Surtout, mon roman est un hommage à notre nation avec laquelle je veux reconnecter, mais autrement.

Je parle de Borduas, Papineau, Champlain, Kerouac, Vadeboncœur, Bouchard, Miron, Martin Picard. J’évoque la nordicité, le territoire, je chante À la claire fontaine. Je désire comprendre la profondeur de notre identité en remontant avant l’an zéro de la Révolution tranquille tout en essayant de nous positionner dans ce nouveau monde technologique.

Ce que certains voient comme un pas en arrière peut toujours être perçu par d’autres comme un pas vers l’avant. Être minoritaire sera toujours un combat, appelons un chat un chat. Justement, ceux qui aiment les sports de combat en savent quelque chose : il faut transporter le poids de l’arrière vers l’avant pour contre-attaquer. Et comme Jacques Godbout l’a si bien écrit à propos de mon livre, « en politique, il n’y a pas de GPS ».

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